Cheval Magazine

Alain Laurioux

- PAR DELPHINE GERMAIN. PHOTOS : ALAIN LAURIOUX (SAUF MENTION).

Photograph­e officiel et régisseur du Cadre noir depuis plus de 40 ans, Alain Laurioux quitte la prestigieu­se institutio­n à la fin du mois de juin. Retour sur un parcours exceptionn­el et hors norme à l'image du personnage.

Alain Laurioux, c’est « l’oeil du Cadre », dit-on de lui. Photograph­e officiel de la prestigieu­se institutio­n saumuroise depuis plus de 40 ans, il est bien plus que cela. « C’est le disque dur » du Cadre noir, ajoute encore l’écuyer Olivier Puls, sa mémoire en somme. Dans son bureau-studio (qu’il partage depuis la création de l’IFCE, lorsque l’ENE a fusionné avec les Haras Nationaux), des photos, clichés d’ici ou d’ailleurs, sont accrochées pêle-mêle sur les murs et les armoires, elles donnent le ton et une idée des qualités de l’artiste, notamment son goût pour le noir et blanc qu’il vénère par-dessus tout. Des milliers de diapositiv­es sont entassées dans des boîtes, toujours prêtes à être exhumées pour illustrer un article ou un livre. Alain Laurioux a participé à plus d’une soixantain­e d’ouvrages et, à quelques semaines de son départ, il vient tout juste de publier un nouvel opus, Un photograph­e hors cadre (voir p. 32), comme un dernier leg avant de tourner la page de son histoire parmi les écuyers en habit noir. Mais avant, comme souvent, il est encore appelé pour réaliser des photos avec eux. Comme tout photograph­e, son quotidien est sur le terrain, au sein de l’établissem­ent ou ailleurs. « J’ai beaucoup voyagé avec le Cadre, nous sommes même allés en représenta­tion à Tokyo en 1999 ! », se souvient-il rêveur.

Photograph­e et globe-trotteur

Et les voyages, c’est sa raison d’être. Avec la photo et l’amour du cheval, bien sûr. Pour ce natif d’Angers, tout a commencé à l’âge de 13 ans, en 1970, lorsqu’il quitte sa terre natale pour devenir jockey à Maisons-Laffite. « Je montais en obstacle chez Jean Doumen, mais comme j’étais lourd et grand - 1,75 m -, il m’a conseillé de partir. Je suis allé aux États-Unis m’occuper des vaches dans une écurie où il y avait 240 Quarter Horses pendant un an au Texas. Puis, je suis parti six mois à pied au Kenya, où j’ai commencé la photo, ensuite j’ai fait Saumur-Calcutta en stop ! », racontet-il. Après avoir étanché sa soif d’évasion, le jeune Alain est rentré dans sa Touraine qu’il affectionn­e tant et à l’ENE, par la même occasion, en 1980. Après cinq ans comme palefrenie­r-soigneur, il décide de quitter l’école mais il est rattrapé dans son élan par le Général Durand, le directeur de l’époque. Ce dernier a vu ses clichés d’Afrique et lui demande s’il ne veut pas devenir « le photograph­e de l’ENE ». Bingo ! C’est ainsi que de soigneur, il devient le photograph­e de l’ENE à l’âge de 28 ans. C’était l’époque des possibles, le Cadre noir était en pleine ébullition, multiplian­t les galas et les déplacemen­ts : « Ce furent des années très exaltantes, cela a été une sacrée histoire qui a duré 30 ans, on a rencontré des gens merveilleu­x, des cavaliers mais aussi des artistes comme Lino Ventura, Michel Serrault ou encore Jacques Dufilho... ». Ces déplacemen­ts étaient souvent assortis d’une exposition de ses photos, une formidable opportunit­é pour Alain Laurioux, dont le travail a pu être montré en Suisse, à Londres, Berlin, Bruxelles ou encore Zurich. « Je suis un photograph­e connu de per

sonne, je ne suis pas un Cartier-Bresson », dit-il modestemen­t - l’un de ses principaux traits de caractère -, « les gens venaient pour voir le Cadre noir avant tout », il n’empêche… ses exposition­s faisaient souvent carton plein, son travail est aujourd’hui unanimemen­t reconnu, et pas seulement par les amateurs de chevaux. Quoi de plus normal après tout. Alain Laurioux a photograph­ié les plus grandes académies d’art équestre et parcouru le monde entier pour immortalis­er les chevaux avec brio. Au cours de sa carrière, il n’a d’ailleurs pas perdu le goût du voyage. « Chaque année, je partais un mois en Asie, principale­ment en Inde, ou en Afrique (voir le Grand Angle en Éthiopie p.8) entre janvier et février, les mois les plus calmes à l’école. Je ne suis ni militaire, ni fonctionna­ire mais je suis resté 41 ans à l’ENE, c’était un peu mon échappatoi­re », d’où il a rapporté bien sûr des centaines de magnifique­s clichés.

De l’image au son et lumière

Progressiv­ement, son investisse­ment a dépassé le simple prisme de la photograph­ie, Alain Laurioux s’est métamorpho­sé en véritable metteur en scène du Cadre noir, en s’occupant de la lumière et du son, c’està-dire de la musique lors des galas. « Je faisais les reconnaiss­ances des lieux, le choix des musiques, les répétition­s, le plan lumière, les entrées en scène, parfois même la déco », explique ce fou de musique branché non-stop sur Radio Classique. Il est ainsi devenu l’un des piliers de l’institutio­n. En parallèle, il fut aussi illustrate­ur pour les éditions Vigot et Belin, il a réalisé de nombreuses photos avec Philippe Karl et fut l’un des collaborat­eurs phares de Cheval magazine (dont il signe les principale­s photos de ce numéro exceptionn­el). Alain Laurioux, c’est avant tout un amoureux, du voyage, des chevaux, des hommes, un caractère bienveilla­nt, toujours curieux, intéressé par l’autre, un personnage atypique et envoûtant, à l’image de sa carrière. À 64 ans, il prend sa retraite de l’ENE. Avec son départ, c’est une page de l’histoire du Cadre noir qui se tourne. « Je pensais partir en van jusqu’en Mongolie, la Covid a bouleversé mes plans. En attendant, je m’occupe régulièrem­ent de chevaux chez des amis dans la Drôme… », confiet-il. Il réfléchit aussi à des stages photos ici ou là. Une chose est sûre, son oeil continuera de capter et d’enjoliver les (belles) choses de ce monde.

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Alain Laurioux (en haut). José Molina, écuyer de l'École andalouse d'art équestre (ci-dessus).
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Le noir et blanc reste sa méthode de travail de prédilécti­on.
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Quand il a commencé à l'ENE de Saumur, Alain Laurioux s'occupait des chevaux des écuyers.

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