Cheval Magazine

Le Cheval de Dressage Français

- PAR DELPHINE GERMAIN. PHOTOS : THIERRY SÉGARD.

Né sous l’impulsion de l’éleveur Sylvain Massa, un nouveau stud-book a fait son entrée dans le paysage français. Le Cheval de Dressage Français est ouvert depuis 2020 aux éleveurs de chevaux de dressage issus de croisés lusitanien­s. Décryptage à travers le portrait de ce passionné.

Contrairem­ent au stud-book selle français, l’un des fleurons des élevages hexagonaux notamment reconnu pour ses performanc­es en jumping, la France ne disposait pas jusqu’à présent d’une race forte dans la discipline du dressage. Qu’à ne cela ne tienne ! Depuis quelques décennies, des éleveurs se sont penchés sur la question en croisant certaines races, afin d’en obtenir la « substantif­ique moelle » en vue de produire des chevaux disposant de toutes les aptitudes et qualités pour le dressage. Puis un jour est née l’idée un peu folle de créer une race et, de surcroît, un nouveau stud-book français. « Ce stud-book, c’est une reconnaiss­ance inouïe ! », lâche l’éleveur Sylvain Massa, avant de revenir sur l’origine du projet. « Cela fait 45 ans que j’ai eu l’idée de faire un cheval de Grand Prix pratique. J’étais cavalier de jumping mais au fond de moi j’aimais déjà le dressage sans le savoir. Un jour j’ai été invité à assister à une épreuve internatio­nale de Grand Prix à Nice. J’ai découvert une expression corporelle, une expression artistique du dressage avec beaucoup de propulsion et des chevaux qui donnaient l’impression de voler, ce fut la révélation ! Cela m’a émerveillé, au point de vouloir en savoir plus sur cette discipline. À peu près dans le même temps, ma voisine a épousé un cavalier amateur qui était passionné de lusitanien. Je suis tombé sous le charme de ce cheval et de sa générosité. Je trouvais qu’il avait de merveilleu­ses qualités mais qu’il manquait un peu de propulsion. Quand on lui demande de se mettre en avant, au lieu d’agrandir la foulée, il en fait une de plus. Avec le temps, je me suis dit qu’il fallait mettre un moteur dans ce cheval exceptionn­el, et je me suis mis en tête de “fabriquer” le cheval de dressage idéal. C’est parti de là, dans les années soixante-dix, j’avais 25 ans. » Évidemment n’est pas éleveur qui veut ! Tout le monde ne se lance pas dans ce genre d’aventure du jour au lendemain. Il fallait être un peu inconscien­t et terribleme­nt audacieux pour oser le faire, voire y croire, et ça l’industriel du Sud (leader dans les pneumatiqu­es et l’entretien automobile) n’en manque pas ! Le jeune éleveur, parti de rien, acquiert sa première jument en 1979. « J’ai d’abord voulu développer les caractéris­tiques d’un bon cheval de Grand Prix à l’intérieur de la race lusitanien­ne, par la sélection pendant une quinzaine d’années. J’ai choisi les chevaux qui avaient le plus de propulsion. À l’époque, je n’aurais jamais imaginé qu’un jour cela puisse déboucher sur une telle reconnaiss­ance, jusqu’à créer une

nouvelle race ! ». Que de chemin parcouru pour cet ancien cavalier d’obstacle qui a découvert les chevaux avec son grand-père. « J’ai été élevé dans la ferme familiale dans la région de Cannes. Il y avait deux chevaux de trait, des ardennais, pour labourer les jasmins. Le matin, j’allais les écouter manger le foin dans l’écurie, je me mettais sur eux à califourch­on, je me souviens encore des odeurs, c’est ma Madeleine de Proust. La gentilless­e de ses chevaux m’a donné envie de monter. Pas loin, à Mandelieu, habitait l’ancien entraîneur de Pierre d’Oriola, un homme fantastiqu­e qui vivait en récupérant des chevaux de course. Avec deux copains, on entraînait ces réformés pour les mettre à l’obstacle. Tous les soirs après l’école, j’allais monter les chevaux jusqu’à la nuit, je ne vous dis pas les gamelles ! Et quelques années plus tard, j’ai monté le premier lusitanien de ma vie où j’ai découvert les sensations du cheval rassemblé. »

L’élevage Massa, naissance d’une « petite entreprise »

Ainsi le jeune Massa se lance dans l’élevage. « Au début, j’ai fait quelques bêtises bien sûr, puis j’ai rencontré le Dr Borba, l’un des éleveurs de renom au Portugal (décédé en 2016), également écuyer fondateur de l’École portugaise d’art équestre. » Grâce à lui, Sylvain Massa acquiert des connaissan­ces sur l’élevage et la génétique des chevaux ibériques. Le maître portugais lui donne même quelques poulinière­s. « Ses arrière-petites-filles sont mes meilleures poulinière­s ! Il m’a fait cadeau de ses cinq meilleures juments et de l’un de ses étalons de Grand Prix, Maestro, ce qui m’a permis de commencer avec une bonne base, je ne l’oublierai jamais. ». Le jeune entreprene­ur-éleveur démarre ainsi son élévage sur le domaine du Château de Font du Broc dans le Var, aujourd’hui un magnifique vignoble où sont encore débourrés les chevaux, « c’étaient des terres à vignes, il a fallu que je fasse beaucoup de travaux. On n’élève pas des chevaux dans les pierres ! ». Dans cette incroyable entreprise, il est épaulé par Frédéric Blanc dit « Frédo », un éleveur de Camargue, qui va devenir l’un des maillons essentiels de son élevage. Aujourd’hui, toujours à ses côtés, il s’occupe des poulinière­s et de la naissance des poulains à la « Jumenterie », appellatio­n donnée à l’établisse

« Cela fait 45 ans que j’ai eu l’idée de faire un cheval de Grand Prix pratique » SYLVAIN MASSA

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 ??  ?? James Bond de Massa, 7 ans, par Bon Bravour (KWPN) et Xixirita
(Pure Race Lusitanien).
James Bond de Massa, 7 ans, par Bon Bravour (KWPN) et Xixirita (Pure Race Lusitanien).
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 ??  ?? L’un des petits derniers de l’élevage Massa, nés cette année avec sa mère lusitanien­ne.
L’un des petits derniers de l’élevage Massa, nés cette année avec sa mère lusitanien­ne.
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