Bartabas en poche
On savait bien que c’était un poète. Il suffisait de voir ses spectacles : bien qu’ils fussent sans paroles, ils provoquaient souvent des émotions comparables à celles que peut déclencher, par exemple, la lecture des Illuminations ou des Chants de Maldoror. Rimbaud, Lautréamont : deux écrivains avec lesquels Bartabas est en affinité. Grande est sa proximité aussi avec des poètes contemporains. Auteur d’une superbe épopée, Zingaro, suite équestre (Gallimard), André Velter fait partie du tout petit cercle de ses intimes.
Voici deux ou trois ans, il s’était essayé à mettre en scène, dans le cadre du Printemps des Poètes, la lecture de quelques extraits du Cycle du cheval du poète portugais António Ramos Rosa. Et puis, début 2020 : stupeur ! Gallimard publie un livre signé Bartabas. Un vrai livre intitulé D’un cheval l’autre, qui se révèle être un véritable chef-d’oeuvre (voir Cheval magazine n°579, février 2020), dans lequel il témoigne avec une infinie délicatesse de la richesse et de la complexité des relations que peuvent établir entre eux deux êtres aussi dissemblables que le cheval et l’homme. Confirmant ainsi les intuitions de ceux qui voyaient en lui bien autre chose qu’un bon cavalier, et bien plus qu’un simple metteur en scène. Le petit milieu littéraire, pourtant soucieux de conserver l’entre-soi qui y fait la loi, ne s’y est pas trompé, et a fait bon accueil à Bartabas, qui s’est vu ainsi convié à des manifestations réservées habituellement à de « vrais écrivains ». Ce fut le cas dernièrement en juin (à La Villette), où Bartabas fut l’une des vedettes du premier Festival Littéraire organisé par Le Monde, L’Obs et Télérama, aux côtés de ces gloires des lettres que sont Camille Laurens, Amélie Nothomb, Yann Queffélec, Régis Jauffret ou l’académicien Dany Laferrière. À quand l’Académie française ? On n’en est pas encore là, encore qu’un écuyer ne dépareillerait pas dans une telle assemblée. Mais Bartabas connaît une consécration d’un genre différent : son D’un cheval l’autre est réédité ces jours-ci en livre de poche (collection folio). De quoi « tenir », pour moins de 10 euros, jusqu’à la réouverture des deux scènes bartabassiennes, à Versailles et Aubervilliers.