Cheval Magazine

Sport et Cadre noir, le mélange des genres

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Les écuyers du Cadre noir se doivent de remplir trois missions : formation, Cadre noir et sport. Ainsi chaque écuyer se voit confier un ou plusieurs chevaux du Cadre noir, qu’il s’agisse de sauteurs ou de chevaux de manège, mais aussi des chevaux de sport. En parallèle, ils ont à charge des élèves des différente­s formations proposées à l’Ifce. « Savoir tout faire, je trouve que c’est une belle marque de fabrique de la maison. Nos trois missions sont très complément­aires », explique le lieutenant-colonel Thibaut Vallette.

« Par exemple, je trouve que nos chevaux de gala nous aident à présenter nos chevaux de sport. En ce moment, j’ai un cheval qui fait la reprise de manège. Il piaffe, change de pied au temps… et donne des références de justesse, que ce soit dans le vitesse et l’équilibre, qu’on peut avoir du mal à ressentir avec nos chevaux de complet. Ces chevaux de gala vont nous aider au niveau de la sensation pour savoir ce que l’on cherche en présentant nos chevaux de sport. À l’inverse, les chevaux de sport nous permettent de faire des concours et de nous présenter de manière plus sereine en gala. » Il arrive également que certains chevaux de gala sortent en compétitio­n ou que les chevaux de sport se produisent sur de petits tableaux lors des présentati­ons publiques. Ce mélange d’expérience­s et de discipline­s fait du Cadre noir un lieu très riche sur le plan humain. « On est dans une dynamique positive et on profite de l’expérience et du regard des uns et des autres. Des gens sont branchés enseigneme­nt, d’autres calés dans le travail à la main des sauteurs. Et ces gens ont appris de leurs prédécesse­urs et ça fait plusieurs siècles que ça fonctionne ainsi. Si un jour, je veux montrer mes chevaux de concours à un écuyer de l’écurie de dressage, c’est possible par exemple. On se rend compte que nous ne sommes pas seuls et qu’il est normal d’avoir besoin des autres, c’est comme ça que tout avance. C’est fabuleux de travailler dans un tel endroit. » CQFD.

de lui avec beaucoup d’affection :

« J’ai rapidement senti que c’était un cheval qui avait envie, il était volontaire dans le travail et très souple. Il est aussi très gentil avec une bonne tête ». Pro 2, Pro 1, Grand National, le couple fait ses gammes et prend du galon. « Il était toujours très positif, et ne montrait jamais que c’était trop fort, trop dur ou trop gros. »

Après son année de neuf ans et une bonne saison en Grand National, le duo démarre la saison suivante par le 4* de Fontainebl­eau.

« Où l’on prend un petit déraillé sur le cross. Par contre, il avait très bien dressé et a bien sauté le lendemain sur l’hippique. Le staff l’a repéré et nous sommes partis un mois après en Irlande sur une Coupe des nations, puis sur le CCI4*L de Saumur où il finit troisième. Après c’était lancé ! »

Réserviste lors des Jeux équestres mondiaux de Caen en 2014, le couple court ses premiers grands championna­ts l’année suivante, à Blair Castle (en Grande-Bretagne), à l’occasion des Championna­ts d’Europe. Ils s’emparent de la troisième place en individuel et en équipe. Dès lors, Qing du Briot et Thibaut Vallette prendront part aux plus grandes échéances : les Jeux Olympiques de Rio en 2016 (d’où ils reviennent médaillés d’or par équipe), les Championna­ts d’Europe de Strzegom (POL) en 2017, les JEM de Tryon en 2018 et les Championna­ts d’Europe de Luhmuhlen (GER) en 2019. « C’est le cheval de ma vie, je le dis sans hésitation. Des chevaux comme ça, c’est une chance énorme d’en rencontrer un », confie avec émotion le cavalier. « Je me rends compte que je suis militaire, ce n’est pas un déroulemen­t de carrière normal. Mais je me suis donné les moyens d’y arriver, après, quand tout s’arrêtera, je n’aurais aucune frustratio­n. Ça aura été une belle histoire, le but est que le cheval le vive bien. » Sur les terrains, le beau bai ne laisse pas indifféren­t, avec un look d’enfer et un oeil malin et intelligen­t. Un vrai chouchou, qui se distingue en gagnant une majorité de ses dressages grâce à sa souplesse. « C’est un cheval que tout le monde rêverait de monter. Il est très proche de l’homme mais peut être assez émotif. Par exemple, attention à ne pas le faire toucher à la détente du CSO. Il faut lui faciliter la vie, il n’aime pas être piégé. En revanche, il a une envie de bien faire, il se donne mais je pense aussi qu’il se connaît très bien et sait s’économiser, pour ne pas se mettre dans le rouge. »

Carpe diem

Si tous les voyants sont au vert, le couple pourrait-il rêver d’une nouvelle olympiade et d’un nouveau titre olympique ? « Je ne fais jamais de plans sur la comète, je prends les concours les uns après les autres car je sais très bien qu’il peut se passer n’importe quoi. Qing a 17 ans, les années coûtent cher à partir d’un certain âge. Ceci dit, il est en super forme, il a toujours très envie. » Comme bon nombre de cavalier, l’écuyer place son cheval avant la compétitio­n, qu’il aborde avec sérénité. « Je préfère me concentrer sur mon cheval, sur la progressio­n jour par jour, sur le fait de pouvoir le laisser tranquille

par moments. On se connaît par coeur, il me faut moins de temps pour le remettre en route avant un concours. Avoir déjà fait les Jeux me permet de prendre du recul. Même si on essaye de maîtriser tous les paramètres, il y en a toujours qui nous échappent. Faire les Jeux, c’est magnifique mais ce n’est qu’un concours dans la vie de son cheval. Est-ce que ça vaut le coup de tout sacrifier pour ça, je ne suis pas sûr... », lâche-t-il avec clairvoyan­ce. Les minutes filent à toute vitesse et ni Thibaut Vallette ni nous ne les voyons passer. Il transmet avec plaisir ce qui l’anime, sa philosophi­e tournée vers le cheval et la chance qu’il a d’évoluer au sein des magnifique­s installati­ons du Cadre noir. Quand on l’interroge sur l’avenir,

« On a la chance de pouvoir prendre le temps avec les chevaux, les respecter, les faire grandir… »

sur le potentiel des jeunes chevaux qu’il a au travail, le cavalier conserve sa lucidité. « On ne sait jamais, c’est à la fois difficile et sympa, mais on est toujours surpris avec les chevaux. Sur les quatre, j’en ai trois très bons, je pense que le dernier ira aux élèves en formation. Maintenant, il faut qu’ils murissent, qu’ils évoluent mais aussi que mentalemen­t ils aient envie. Une relation de confiance doit s’établir, le cheval c’est une remise en question permanente, de la constructi­on, de la déception, que ce soit en sport ou dans l’éducation. Tout doit se faire dans le respect, sans confiance, rien ne peut fonctionne­r. C’est aussi l’image qu’on a envie de donner au Cadre noir. On a la chance de pouvoir se permettre de prendre le temps avec les chevaux, les respecter, les faire grandir, les faire vieillir. On les présente comme on juge que c’est important de les présenter : dans l’harmonie cheval-cavalier. Forcément ça prend du temps ! ». Une chose est sûre, le lieutenant-colonel Thibaut Vallette porte fièrement sa casquette d’écuyer et de compétiteu­r, portant haut les valeurs du Cadre noir sur les pistes du monde entier.

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Plein de bonne volonté, Qing du Briot se classe régulièrem­ent en tête des compétitio­ns auxquelles il participe.
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Entre galas, sport et formation, la vie d’écuyer du Cadre noir est riche.

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