Aquila Farm, harmonie, sport et bien-être
Cavalière et entraîneuse, Aurélie de Mévius utilise ses compétences en horsemanship dans le sport et prouve que ces deux éléments sont compatibles ! Son écurie Aquila Farm, en Belgique, a été conçue avec une architecture inédite, de façon à offrir des conditions de vie qui répondent aux besoins fondamentaux des chevaux. L’endroit mêle sport, apprentissage et revalidation comportementale et physique.
Nichée à Beauvechain, dans la campagne au sud-est de Bruxelles, l’écurie Aquila Farm semble tout droit sortie d’un catalogue d’architecture. Derrière la ferme d’origine ont en effet été construits de grands barns en bois aux lignes courbes et aux toitures végétalisées qui tranchent avec les écuries que l’on a traditionnellement l’habitude de rencontrer. Les bâtiments s’intègrent harmonieusement dans le paysage de plaine dont ils dépassent à peine, puisqu’ils ont été construits en contrebas de grands talus au-dessus desquels on retrouve notamment la piste extérieure et des prairies. Le style unique des lieux a été imaginé par Lionel Jadot, architecte et designer belge réputé, mais les aspects équestres ont été dictés par Aurélie de Mévius, cavalière et enseignante qui occupe et gère Aquila Farm. En créant cette écurie à partir d’une page presque blanche, la jeune femme souhaitait en effet concevoir quelque chose d’un peu différent. « Au-delà de la luminosité et des matériaux simples, mon souhait était de trouver le meilleur compromis pour que l’écurie assure le bonheur des chevaux, réponde à leurs besoins et à ceux des cavaliers tout en offrant un cadre professionnel », explique Aurélie de Mévius. « On a également essayé d’atteindre un équilibre entre mes principes et ce qui se fait habituellement, afin que les lieux inspirent confiance aux personnes extérieures qui nous confient leurs chevaux au travail et en pension. »
Un tournant décisif, du CCE à Pat Parelli
Ce compromis, Aurélie de Mévius l’a aussi recherché au fil de son propre parcours équestre. Son histoire avec les chevaux a pourtant démarré avec un apprentissage tout à fait classique. La famille de Mévius est plutôt active dans les sports automobiles, mais dès l’âge de 3 ans, Aurélie a préféré participer aux stages de poney organisés par sa tante. L’équitation est rapidement devenue une véritable passion et la cavalière s’est essayée à plusieurs disciplines – dont les pony games – avant de se concentrer sur le concours complet au niveau international. « Cette discipline est une véritable école de patience et d’humilité », estime-t-elle. « Elle exige une variété de compétences mais elle présente hélas aussi des dangers… ». La cavalière l’a constaté à ses dépens lorsqu’elle était adolescente et a été victime d’un accident à Jardy qui a coûté la vie à l’un de ses chevaux. Cet événement l’a écartée du monde des compétitions pendant un moment, mais il a aussi marqué un tournant dans sa manière d’aborder les chevaux et l’équitation. « Je me suis rendue compte qu’il y avait énormément de stress à chaque concours et que j’avais perdu de vue les raisons pour lesquelles je faisais ça. Il se trouve qu’au même moment, je voulais aller en stage et ma jument refusait de monter dans le camion, j’ai alors fait appel à un spécialiste en horsemanship. J’ai été presque choquée par son discours car on ne m’avait jamais appris tout ça alors que j’avais plutôt un bon niveau à cheval ! » La jeune femme décide de creuser dans cette voie et d’accroître ses connaissances équestres. Comme elle désirait aussi apprendre l’anglais, elle s’est tournée vers la méthode Parelli dont elle a d’abord suivi les cours en ligne, puis lors d’un stage aux États-Unis. Entre 2010 et 2015, elle a continué à se rendre à plusieurs reprises outre-Atlantique pour compléter sa formation et obtenir son diplôme d’instructeur Parelli, tout en enrichissant son expérience en Suisse et au Royaume-Uni. Aurélie
de Mévius a également eu l’occasion de passer deux années comme apprentie auprès de Pat Parelli. « Il y a beaucoup de grands horsemen, mais lui et son équipe ont vraiment réussi à rendre ces savoirs accessibles à tout le monde », souligne-telle. « Pat Parelli met également bien en évidence que sa méthode n’est pas une discipline en soi, mais une préparation, une éducation fondamentale qui peut mener vers d’autres buts et disciplines. »
Des boxes revisités
Une dizaine d’équidés vivent toute l’année dans un paddock paradise, alors que les chevaux au travail et en pension sont logés dans une quinzaine de boxes particulièrement confortables.
De retour en Belgique après cette expérience aux États-Unis, Aurélie de Mévius a souhaité mettre ses acquis en pratique en se lançant à son compte. Ses parents avaient déjà acquis la ferme à Beauvechain, et la cavalière a décidé d’y créer une écurie inspirée par ses expériences et ses valeurs. « Aux États-Unis, j’ai découvert une approche très différente du cheval puisque là-bas, il est un partenaire de travail et vit en troupeau dans de grands espaces », raconte-t-elle. « En Europe, notre culture équestre est plutôt marquée par la tradition militaire, qui veut que l’on contrôle de près l’alimentation du cheval, qu’on le range dans un box pour plus de facilité, etc. Évidemment, la météo, les terrains et la mentalité que nous avons en Europe ne se prêtent pas forcément au modèle américain, mais nous avons essayé de trouver le meilleur compromis entre les deux, tout en gardant comme objectif le bien-être des chevaux. » Après quelques années de conception et de construction, Aquila Farm a ouvert ses portes officiellement en 2017. L’écurie rassemble tous les éléments nécessaires à l’entraînement des chevaux de sport : un rond de longe, une piste de galop, une grande carrière ou encore un manège couvert installé dans l’ancienne grange de la ferme. Ce qui la distingue des infrastructures équestres classiques, c’est son architecture mais aussi le mode d’hébergement des chevaux. Une dizaine d’équidés vivent toute l’année dans un paddock paradise, alors que les chevaux au travail et en pension sont logés dans une quinzaine de boxes particulièrement confortables. Ceux-ci font plus de 20 m2 chacun et sont équipés de grands paddocks individuels en sable où les chevaux peuvent jouer, se rouler ou encore se coucher. Les boxes permettent par ailleurs les contacts
sociaux entre chevaux grâce à l’absence de hauts murs ou de grilles de séparation. « Ce concept fait parfois peur aux propriétaires qui ne sont pas habitués, mais il n’est pas moins sécurisé qu’une écurie classique », souligne Aurélie de Mévius. La grande superficie des paddocks individuels et boxes permet aux chevaux qui le souhaitent de s’isoler sans être dérangés par les autres, ce qui réduit fortement les conflits. L’équipe veille aussi à organiser l’écurie en fonction des affinités de chacun, ce qui facilite ensuite la mise au pré en petits groupes de voisins car les chevaux se connaissent déjà. « Cela demande de l’observation et de la flexibilité, mais je ne regrette pas. Même si certains pensionnaires ont besoin d’un temps d’adaptation à leur arrivée, après une semaine on voit généralement les effets positifs de ce mode d’hébergement. Les chevaux sont plus calmes et ils travaillent mieux car on évite des complications préalables en leur offrant un cadre de vie qui n’est pas source de stress. »
Rééducation comportementale et physique
Le bien-être des chevaux n’est pas seulement garanti par les installations d’Aquila Farm. C’est aussi une préoccupation dans le travail quotidien d’Aurélie de Mévius, qui met un point d’honneur à enseigner et appliquer ses connaissances en horsemanship dans un cadre sportif. Elle s’est en effet reconvertie dans le jumping et tourne en compétition aussi bien avec des montures qui lui sont confiées qu’avec ses propres chevaux. On retrouve notamment dans ses écuries Sam (13 ans), cheval qui l’a accompagnée lors de plusieurs épreuves et de sa formation en horsemanship, mais que la cavalière a préféré écarter des compétitions à cause de petits problèmes de santé. Elle continue par contre de tourner en compétition avec Daytona du Champ du Bois (12 ans) et Jaicko Aquila Z (6 ans) qui l’accompagnent jusque dans les CSI 1*. Pour l’instant, les déplacements à l’étranger de la cavalière restent toutefois limités car le travail à l’écurie demande du temps et nécessite sa présence. « Nous avons quelques pensionnaires que nous travaillons plusieurs fois par semaine, mais aussi des chevaux plus délicats qui viennent en rééducation quelques mois, donc c’est difficile de m’absenter et d’interrompre leur suivi durant plusieurs jours », explique-t-elle. Cette dernière peut toutefois compter sur une petite équipe à ses côtés, dont un cavalier maison qu’elle a formé, une groom, un palefrenier ou encore une ostéopathe à temps partiel, Julie Reynaerts, qui s’occupe principalement des chevaux en revalidation.
Depuis 2019, Aquila Farm a étendu ses activités à l’accueil d’équidés ayant besoin d’une rééducation physique après un accident, une hospitalisation, une blessure... « Contrairement à ce qui concerne le comportement, cet aspect ne fait pas vraiment partie de ma zone d’expertise à la base, mais je me suis rendue compte que le côté physique est complémentaire et important. Des blessures mal ou non détectées peuvent en effet entraîner de dangereux pro
blèmes de comportements. J’ai par exemple eu affaire, il y a quelques années, à une jeune jument impossible à débourrer. Au bout d’un moment, elle m’a acceptée mais son comportement restait problématique et, en investiguant, on a trouvé une ancienne fracture non diagnostiquée au niveau des cervicales. Cela m’a convaincue de l’intérêt de rajouter cette composante physique à nos services. »
Revenir à l’essentiel et au plaisir
Même s’ils n’ont pas été pensés pour cela à la base, les infrastructures et le concept d’Aquila Farm se prêtent très bien à la revalidation. La taille des boxes et les contacts entre congénères facilitent par exemple l’immobilisation temporaire des chevaux blessés. L’écurie est aussi équipée d’un aquatrainer et l’approche « horsemanship » permet d’assurer la sécurité du cavalier comme du cheval durant le processus de revalidation. Dans le futur, cette activité devrait continuer à prendre de l’ampleur. Aurélie de Mévius prévoit notamment de construire des boxes supplémentaires pour répondre à la demande. La capacité maximale des écuries devrait cependant se limiter à 30-40 chevaux, car la propriétaire des lieux veut garder une infrastructure à taille humaine. Aurélie de Mévius continue par ailleurs à transmettre son savoir à ses élèves, mais aussi aux stagiaires qu’elle accueille régulièrement pour quelques mois.
Elle espère ainsi pouvoir déléguer à terme certaines tâches et s’accorder plus de temps pour sortir en concours. La jeune femme reste cependant attentive à ce que Aquila Farm poursuive les missions et valeurs qui lui tiennent à coeur. « Le nom Aquila fait référence à l’aigle en latin », précise-t-elle. « On l’a choisi car cela réfère à l’idée de donner des ailes, de prendre de la hauteur par rapport à nos habitudes. Les chevaux nous donnent de la liberté et de la force, et c’est ce qu’on veut rappeler au travers de nos différentes activités. On souhaite que les gens reviennent à l’essentiel, au plaisir de monter à cheval, et repartent de l’écurie plus légers. » Belle perspective.
« Le nom Aquila fait référence à l’aigle en latin. On l’a choisi car cela réfère à l’idée de donner des ailes, de prendre de la hauteur par rapport à nos habitudes. »