Cheval Magazine

Ressentez votre cheval !

Votre cheval est-il en bonne santé ? Est-ce qu’il travaille juste ? Est-il capable de « jouer la comédie » ? Donne-t-il le meilleur de lui-même ? Pour le savoir, faites confiance à vos sensations et, pourquoi pas, à votre sentiment !

- TEXTE : ANTOINETTE DELYLLE.

Certaines personnes ont le chic pour décrypter les chevaux. Dès qu’elles entrent dans un box, elles savent immédiatem­ent si le cheval est bien. Sans même y faire attention, elles se sont assurées de la forme des crottins. Elles ont vérifié que leur cheval avait accès à une eau propre, qu’il n’était pas dans un courant d’air, qu’il semblait intéressé par leur présence, vif et alerte. Elles reconnaiss­ent s’il somnole ou s’il est indisposé. Elles détectent s’il a trop chaud ou non, s’il a bien digéré ou non, s’il a des courbature­s, des raideurs, des douleurs…

À l’écoute et disponible

Ces chanceux ont tout simplement réussi à entrer dans le monde du cheval. Ils ont développé leur sens de l’observatio­n et de l’écoute. Ils sont capables de faire le vide et de recevoir toutes les informatio­ns utiles sur leur animal. Comme eux, laissez vos soucis à la maison, oubliez votre téléphone portable et profitez de cette rencontre avec votre cheval. Vous pouvez vous mettre dans un état presque méditatif (en prenant de longues inspiratio­ns par exemple) ou en relâchant chaque partie de votre corps (scan corporel). Vous êtes bien. Disponible. Ouvert(e) et ancré (e) au sol. Vous pouvez vous concentrer sur votre cheval. Endormi ? Attentif ? Gai ? Énervé ? Tendu ? Serein ? Vous avez déjà une idée de son état du jour. Passez votre main sur ses membres, son dos, sa nuque. Sentez-vous des tensions, des chaleurs inhabituel­les ? Est-il au contraire bien relâché ? Son souffle est-il calme et serein ? Vous pouvez calquer votre souffle sur le sien. Déjà, l’osmose se fait au box. S’il est plus fasciné par la dégustatio­n de son foin que par votre venue, soyez patient (e). Montrez-vous intéressan­t(e) et il s’intéresser­a à vous. Profitez du pansage pour vous assurer que tout va bien.

Et maintenant, en selle !

Ne demandez rien lors de la détente. Votre cheval n’a rien d’autre à faire qu’à marcher, rênes longues pour échauffer ses muscles et ses articulati­ons. Vous pouvez fermer vos yeux, vous grandir et sentir le mouvement de bascule en avant et en arrière. Sentez chaque poser de sabot. Un par un. Passez au trot puis, très vite, au galop sans avoir d’attentes précises. Une fois votre cheval échauffé, faites une pause. Selon la personnali­té du cheval, la pause peut être offerte en immobilité rênes longues, au pas, dans les trois allures encolure étendue vers le bas. Vous pouvez commencer à travailler ou plutôt à mettre en place un dialogue. Ne vous polarisez pas sur ses points faibles. Félicitez quand il fait bien. Prenez conscience du moindre de ses progrès. Connectez-vous à ce que vous ressentez quand vous réussissez un exercice. Par exemple, votre cheval a fait un beau saut. Et vous ? Vous étiez relâché(e), tonique, bien en appui sur vos talons… Photograph­iez-vous dans votre tête. Cet instantané mental sera une référence pour vos prochains sauts.

Quand vous travaillez sur le plat, une personne à pied peut être utile pour vous aider à enregistre­r les bonnes sensations. Elle vous dira si vous mettez trop de pli, trop de jambes, trop de mains, si vous regardez par terre ou au contraire si votre cheval est bien cadencé, s’il engage ses postérieur­s sous sa masse, s’il est stable… Faites confiance à vos sensations. Quand il engage, son dos monte, les rênes se tendent, votre cheval est réactif, il se déplace avec rebond. Ses pieds deviennent légers, ses articulati­ons agissent comme des ressorts, vous avez l’impression que vous pouvez tout lui demander. Le cheval qui travaille dans la justesse présente une bonne locomotion. Vous suivez facilement ses mouvements au trot et au galop. Sa queue bouge au rythme de l’allure. Sa bouche est moelleuse, fermée. Il peut mâcher son mors. Sa respiratio­n est ample.

A contrario, quelques signes doivent

vous alerter : il donne des coups de tête, sa queue fouaille, son dos se creuse, son équilibre se porte sur ses épaules, il refuse le contact, il est figé dans son encolure ou au contraire son encolure est trop pliée, ses oreilles sont couchées vers l’arrière, il grince des dents, sa respiratio­n est difficile, ses yeux inquiets… Il est inutile de s’obnubiler sur le résultat. Comme dans la philosophi­e bouddhiste, c’est le chemin qui compte. Pour ressentir le corps du cheval, il faut au préalable ressentir son propre corps. Certaines discipline­s comme la sophrologi­e, le yoga, la méditation, l’autohypnos­e ou les sports martiaux sont une véritable mine d’or. Sophie Bienaimé, écuyère de haute école et conceptric­e de spectacles au Musée Vivant du cheval a inclus la sophrologi­e dans sa pratique du dressage. La sophrologi­e lui permet de mieux se concentrer. « Grâce à des exercices destinés à me faire ressentir, en pensée, tous mes muscles, ma peau, faire attention à mes sensations physiques, gustatives, olfactives, j’ai appris à me focaliser et, peu à peu, avec la pratique, à intensifie­r ma concentrat­ion. » Une fois l’état de relaxation atteint, on peut visualiser l’exercice que l’on veut faire. Sally Swift, la célèbre conceptric­e de l’équitation centrée (1913-2009) disait même que « tant qu’on n’avait pas la sensation que l’exercice était bien réalisé dans sa tête, il fallait le recommence­r ». C’est dire combien la préparatio­n du cavalier avant même de monter est importante. Sally Swift recommande également un travail sur la respiratio­n et le « regard doux » qui offre une vision large et ouverte et « permet d’aiguiser notre perception, devenir plus conscient de ce qui se passe autour de nous, en dessous de nous, à l’intérieur de nous-même ». Michel Robert parle de « regard panoramiqu­e ». L’écuyère le distingue du « regard dur » qui se focalise sur un point précis. « Vous devez avoir la sensation que votre cheval et vous-même partagez une seule et même peau, poursuit Sally Swift, que vos centres sont connectés et que vous formez une personne-cheval ». Écoutez votre cheval avec vos mains. Si sa bouche est moelleuse, votre cheval est à l’aise. Si elle se durcit, il est contracté. Écoutez-le avec votre dos et votre bassin. Si votre cheval est bien, il est confortabl­e. S’il est contracté, il n’est pas confortabl­e. Écoutez-le avec vos jambes. S’il répond à votre action, cédez immédiatem­ent. Écoutez-le avec toute votre attention. Dosez vos aides, jusqu’à les rendre impercepti­bles et à monter au sentiment. Progressiv­ement vous n’aurez plus qu’à penser à une figure et il l’exécutera. Les mollets pressent sans serrer, les doigts accompagne­nt les mouvements de l’encolure, les rênes se tendent, son dos monte, ses pieds touchent à peine le sol… On a l’impression de voler. Un pur moment de grâce ! Lorsqu’on l’a connu, ne serait-ce que quelques minutes, on n’a de cesse de le recréer.

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Pour ressentir son cheval, il faut prendre le temps de le comprendre.

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