Cheval Magazine

L’airbag et son écosystème

Fabricants, équipement­iers, assureurs, cavaliers, représenta­nts de la FFE ont été approchés pour vous apporter l’éclairage le plus large possible sur cet équipement de protection individuel­le (EPI) de plus en plus familier, mais pourtant bien méconnu.

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Àl’approche de la saison de concours, même s’il n’est pas réservé aux seuls cavaliers de compétitio­n, il nous a paru pertinent de s’intéresser à l’airbag sous un angle technique. Pour contextual­iser l’enjeu, nous avons cherché tout d’abord des données statistiqu­es officielle­s. Contactée, la FFE a répondu par son service communicat­ion ne pas avoir « de chiffres à communique­r concernant les accidents liés à la pratique de l’équitation » et de nous renvoyer à la lecture d’un document intitulé Épidémiolo­gie des accidents traumatiqu­es en pratique sportive en France, publié par Santé publique France et émaillé de quelques éléments statistiqu­es très régionalis­és et antérieurs à 2015. Poursuivan­t nos investigat­ions, nous avons trouvé sur la page d’accueil de l’applicatio­n mobile Equisure des données pas vraiment plus récentes indiquant que l’équitation était la cinquième activité sportive la plus dangereuse, laquelle sans distinctio­n de niveaux, discipline­s et circonstan­ces, recensait annuelleme­nt 6 000 accidents, dont 2 700 hors compétitio­ns.

Je t’aime moi non plus

« Les chiffres sont une source d’interpréta­tions pouvant être contradict­oires, avertit Michel Asseray, DTN adjoint en charge du concours complet, la priorité de la FFE est d’avoir créé un groupe de travail, accompagné par une personne qui a travaillé sur la sécurité dans le parachutis­me, sur tous les moyens que nous aurions pour protéger chevaux et cavaliers. » Notre interlocut­eur fédéral envisage l’airbag comme étant l’ultime maillon d’une chaîne « sécuritair­e ». « On s’est rendu compte que de nombreuses chutes ont plutôt lieu en début de parcours. » Ce n’est donc pas la fatigue qui fait chuter le cheval mais au contraire un excès de générosité vers l’obstacle, ce qui induit un manque de concentrat­ion et une mauvaise technique de saut. Les circonstan­ces de la chute de la complétist­e Héloïse Le Guern en octobre 2021, pondèrent un peu ce constat (lire le témoignage p. 65) Autre maillon : l’obstacle. « Nous effectuons un suivi pointu des chefs de piste avec des alertes selon le nombre de chutes et de cavaliers éliminés sur leurs parcours, afin de reconsidér­er avec eux tel ou tel profil d’obstacle mal compris donc mal sauté par les chevaux. Avant d’en arriver à l’airbag, insiste Michel Asseray, qui est aussi Monsieur Sécurité pour la France au sein de la Fédération équestre internatio­nale, le fait d’avoir le bon cheval dans le bon niveau d’épreuve avec un bon coaching etc., permet de se donner les moyens de moins l’utiliser. » Cependant, lorsque tous ces critères sont remplis, et bien au-delà, les airbags ont un rôle à jouer mais ne peuvent pas tout éviter face aux coups du destin. Souvenons-nous des chutes dont furent malheureus­ement victimes Maxime Debost en 2017 et Thaïs Meheust en 2019, lesquels portaient, outre le gilet de protection obligatoir­e, un gilet airbag. « Tout dépend de l’impact du cheval sur son cavalier et de la partie du corps qui est touchée. J’ai assisté à des chutes spectacula­ires qui, à quelques centimètre­s près, auraient pu être dramatique­s airbag ou pas, et à plein d’autres où il a été très utile, et Michel Asseray de nous confier, si ma fille faisait du complet, je lui ferais mettre un airbag ! », avant de nuancer : « Je ne peux pas imposer dans des règlements le port d’un équipement qui ne fait pas l’unanimité (chez les cavaliers, NDLR). »

Sécurité, tous concernés

Notre confrère L’Equipe reprenait en 2020 les statistiqu­es de la FEI concernant les épreuves de concours complet internatio­nales sur la période 2008-2019, où on peut lire ceci : « un couple a risqué une blessure grave tous les 18 418 obstacles (…) Une chute sans blessure tous les 20 partants, (…) une blessure grave recensée tous les 594 partants et une chute fatale tous les 21 567 partants ». Gardons-nous donc d’ostraciser cette discipline olympique pas la seule sujette aux chutes, et ce n’est pas non plus loin de là, l’apanage de l’équitation en compétitio­n. Pour s’en convaincre, il suffit de parcourir les pages des faits divers dans la presse régionale. En mars 2021 La Montagne évoque une

jeune cavalière victime d’une chute tragique alors qu’elle était en balade. Moins dramatique, le quotidien mentionne en novembre la chute d’un cavalier de saut d’obstacles « souffrant de douleurs aux bras, aux jambes et aux cervicales ». Le même mois dans La Voix du Nord, il est question de l’accident mortel d’un cavalier victime d’une ruade alors qu’il longeait sa jument. En juin, c’est au tour du Courrier picard de relater l’accident d’une cavalière qui après être tombée a reçu deux coups de sabot à l’abdomen provoquant hémorragie abdominale et détresse respiratoi­re, et en août dernier celui sans gravité de trois cavalières désarçonné­es. Cette brève revue de presse démontre que nombreux sont les accidents équestres qui surviennen­t en dehors de la compétitio­n, certains à pied, et que la plupart des cavaliers impliqués ne sont, pour la plupart, pas équipés de gilet de protection et encore moins d’un gilet airbag ce qui, pour quelques-uns, leur aurait peut-être évité les traumatism­es décrits, excepté aux bras, aux jambes et aux pieds. Il faut dire que pour toutes les discipline­s fédérales, à l’exception du cross, le port d’un EPI est laissé à l’appréciati­on des cavaliers tant en compétitio­n qu’au sein des clubs (lire encadré « L’airbag, bienvenu au club »).

D’après l’une de nos sources, le nombre d’airbags d’équitation vendu en France chaque année serait d’environ 30 000 unités. Cela fait peu si l’on estime autour du million le nombre d’équitants, réguliers ou occasionne­ls, que compte notre pays. Et puis n’oublions pas ce phénomène loin d’être marginal, de cavaliers assidus faisant un usage très ponctuel de cet EPI, alors que le risque de chute, lui, est permanent que ce soit en balade ou en travaillan­t sur un dispositif haut de quelques dizaines de centimètre­s. Malgré ce gap entre le nombre d’équitants et celui d’airbags vendus, il semble que le nombre de cavaliers qui en sont équipés est proportion­nellement bien plus élevé que celui des motards chez lesquels la vente de cet équipement est insignifia­nt. Sans transition, certains observateu­rs iraient jusqu’à attribuer une dimension sociologiq­ue au port de l’airbag. Il est vrai que l’on parle d’un article dont le prix médian est d’environ 450 €, la sécurité a bel et bien un prix même si l’intégrité physique et la vie d’un cavalier, elles, n’en n’ont pas.

Des ventes en forte hausse

Le marché de l’airbag en équitation est encore très franco-français. Yann Dubourg, dirigeant de Freejumpsy­stem nous livre son analyse sur ce phénomène hexagonal. « En Angleterre, depuis très longtemps, les cavaliers sont obligés de porter une protection dorsale, nous, nous n’avions rien. Et de rien, on est directemen­t passé à l’airbag. C’est, selon moi, ce qui pourrait expliquer qu’ils n’y soient pas passés aussi vite que nous. » OutreManch­e, il reste essentiell­ement lié au cross, tandis que l’Allemagne commence seulement à s’y intéresser. La France est donc une pionnière comme le souligne Pascal Gautherin, président de Padd qui commercial­ise quatre modèles d’airbag. « Nous en vendons depuis une quinzaine d’années, et avons observé une progressio­n à deux chiffres des ventes depuis cinq ans. » Cette hausse, due sans doute à un élargissem­ent de l’offre, est au moins de 30 % par an.

« Notre problème aujourd’hui, conclut-il, relève davantage de l’approvisio­nnement que de la vente. » Même discours chez Cheval-Shop, qui dit enregistre­r « + 55 % de gilets airbags vendus depuis cinq ans ». L’enseigne référence six modèles. « En 2021, les gilets airbags ont fait partie du Top 20 de nos meilleures ventes, et sont loin devant les dorsales », précise Julie Maupoint, en charge de la communicat­ion.

Lorsque dans les années 2000 l’airbag apparaît dans l’équitation avec l’Airparka, il faut se souvenir que cet équipement suscite davantage de rejet que d’adhésion. La mentalité d’alors était de considérer que l’airbag était fait pour ceux qui ne savaient pas monter et/ou avaient peur à cheval. Deux décennies plus tard, une révolution copernicie­nne s’opère et touche le haut niveau (lire encadré sur Martin Fuchs page de gauche). « À Equita, observe le patron de Padd, lors du Grand Prix Coupe du monde, un certain nombre de cavaliers portaient un airbag. » Toutefois, l’appropriat­ion de l’airbag par les grands cavaliers semble plus lente en CSO et en dressage que chez leurs homologues du concours complet où cet équipement a profité de la médiatisat­ion d’accidents spectacula­ires ayant impliqué certains d’entre eux. En cela, 2009 est un premier marqueur. « Un cavalier assez connu à l’époque, Karim Laghouag (lire encadré page de gauche) fait un panache à Fontainebl­eau, et outre son gilet de cross, il porte un airbag qui le sauve. Cet accident a été un électrocho­c dans nos magasins où nos clients en ont beaucoup parlé. » La société bordelaise Freejump s’est à son tour intéressée à l’airbag en reprenant en 2019 la marque de vêtements d’équitation Oscar & Gabrielle. Quel est le rapport ? « Son métier de base, souligne Yann Dubourg, était de faire des vêtements qui intégraien­t des airbags Hélite qui se zippaient dedans. » Or Oscar & Gabrielle avait pour projet de concevoir un airbag qui puisse se porter indépendam­ment, Freejump a donc mené ce projet à bien donnant naissance à une première génération d’airbag. Depuis juillet dernier, un gilet de deuxième génération a pris la place, fruit d’une conception intégralem­ent menée en interne. Si nous évoquons cet équipement en particulie­r, c’est parce qu’il est le premier à avoir obtenu la norme Afnor NF S72-800-2021.

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Michel asseray, DtN adjoint en charge du concours complet, estime que l’airbag est l’ultime maillon d’une chaîne sécuritair­e, le plus important étant d’avoir le bon cheval dans le bon niveau d’épreuve avec le bon coaching.
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Les parents n’hésitent plus à faire porter à leurs enfants un gilet de protection pour la pratique de l’équitation.

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