Deux pôles de préparation pour optimiser la performance
Coordination, cohésion et sport sont au coeur des deux pôles régionalisés mis en place pour accueillir les athlètes, à l’IFCE de Saumur et au Haras de Champcueil, écuries de Marina Caplain Saint-André (91).
Pour rappel, en para-dressage, si les cavaliers sont bien sur les listes d’athlètes de haut niveau, ils ont pour la plupart un métier totalement autre à côté, ce qui peut rendre la préparation pour une échéance comme les Jeux paralympique plus complexe : il faut en effet réussir à faire matcher sa vie privée, professionnelle et d’athlète de haut niveau ! Pour faciliter la préparation et le travail des chevaux, deux pôles régionalisés se distinguent. Le premier est situé à Saumur, sur le site de l’Institut français du cheval et de l’équitation, qui travaille main dans la main avec la FFE depuis de nombreuses années. Plusieurs couples sont déjà passés par Saumur, à l’image de José Letartre ou encore Léa Sanchez, pour ne citer qu’eux. Aujourd’hui, deux cavalières évoluent sous les couleurs de l’IFCE, Céline Gerny (Grade II) et Chiara Zenati (Grade III).
« L’IFCE souhaitait accompagner le para-dressage et les circonstances ont fait que ce sont Céline et Chiara qui ont eu l’opportunité d’intégrer cette dynamique », analyse Fanny Delaval. « Ce qui nous est proposé, c’est la mise à disposition de chevaux qui peuvent être performants dans nos grades, et tout l’accompagnement autour, avec un coach qui est aussi school rider par le biais d’un écurer du Cadre noir qui se propose pour cette mission. C’est ainsi que Nadège (Bourdon, NDLR) est venue vers moi, et Sébastien (Goyheneix, NDLR) de la même façon pour Chiara », développe Céline Gerny. Etre deux permet aussi de travailler sur le collectif, « ça renforce les liens d’être dans un pôle parce qu’en concours, on n’a pas l’occasion de trop parler. Alors qu’ici, on échange, on se voit, on fait de la cohésion. C’est motivant, on retrouve plein de cavaliers », sourit Chiara. À Saumur s’ajoute également la présence du Pôle France des jeunes de concours complet et le Pôle France de voltige, ce qui apporte une véritable dynamique du haut niveau.
Cohésion et entraînement
Céline commence sur le long terme avec l’IFCE en 2019, étant encore enseignante dans les Ardennes à ce moment, « mais je voyais bien qu’en venant m’entraîner seulement les week-ends et pendant les vacances scolaires, je n’allais pas pouvoir atteindre les objectifs qu’on se fixait. » L’IFCE l’accompagne alors pour demander une mise à disposition auprès de l’Éducation nationale, qui prendra effet au 1er janvier 2020. À partir de cette date, Céline Gerny intègre le Pôle de Saumur à temps plein. En mars 2023, elle est rejointe par Chiara Zenati, qui naviguait jusque-là entre Saumur et l’Île-de-France : « J’allais tous les quinze jours à Saumur donc je n’avais pas beaucoup d’entraînement. Je suis allée aux Jeux en ne faisant que six entraînements par mois », se souvient Chiara, qui évolue avec Swing Royal*IFCE. Depuis leur intégration, les cavalières ont rapidement vu les choses évoluer : « J’ai l’impression que depuis l’installation de ce partenariat et la mise en place de cet entraînement, je suis devenue sportive de haut niveau. Avant, je m’entraînais plutôt comme un amateur, aujourd’hui, tout ce que je mets en place en préparation physique ou dans le travail pluridisciplinaire, c’est pour me permettre d’être meilleure à cheval », détaille Céline Gerny. Un constat partagé par Chiara Zenati qui souligne le côté « beaucoup plus professionnalisé et qui a payé pour les championnats d’Europe ». En effet, au-delà des installations du site de Saumur et des entraîneurs et grooms, les filles bénéficient de l’ensemble des ressources disponibles à l’IFCE, avec un médecin, des kinésithérapeutes, une diététicienne, une psychologue du sport, mais aussi de Charles Le Navenec, préparateur physique embauché par la FFE ou encore Anne Le Coniat, préparatrice mentale. Elles bénéficient également d’un accompagnement par le plateau technique de recherche.
Tant de moyens réunis pour faire du beau sport. Après avoir évolué avec Rhapsodie*IFCE, Céline compte maintenant sur deux nouvelles montures, Légende du Hans*IFCE et Korsgaards Toledo*IFCE. C’est avec ce dernier, plus avancé dans le travail, qu’elle vise les Jeux paralympiques. Ils ont commencé le travail en septembre dernier, pour une première compétition internationale début mars : « Nadège m’a dit tout l’hiver qu’on devait prendre notre temps et installer des bases précises que je pourrais répéter peu importe les conditions, dans la recherche de l’adhésion du cheval au projet. » Le mot d’ordre ? La précision, que ce soit dans le tracé ou dans la communication avec le cheval, « plus c’est fin, plus on a de chances que le cheval réponde exactement à ce qu’on attend. C’est cette finesse qui va nous permettre d’aller chercher plus de points ». Chiara de son côté, peut encore compter sur Swing Royal*IFCE dans la route vers Paris. Depuis ses débuts, il lui apporte son expérience : « C’est un véritable professeur qui m’a appris beaucoup de choses, se souvient la jeune cavalière. Si je peux participer aux Jeux et si on peut avoir une médaille, ce sera sa plus belle fin de carrière. » La relève de Swing, Zeus de Malleret*IFCE est déjà là et se prépare petit à petit.
Outre l’entraînement, les cavalières bénéficient à Saumur des services d’une psychologue du sport, d’un préparateur physique et d’une préparatrice mentale.
Champcueil sur la route de Versailles
C’est donc dans le 91, au Haras de Champcueil, que trois autres membres de l’équipe de France se préparent à l’échéance paralym
pique de Paris. Lisa Cez, Alexia Pittier et Vladimir Vinchon se sont entourés de l’entraîneur de dressage Marina Caplain Saint André pour les mener vers leur quête de sélection. « On s’est dit que pour les cavaliers qui étaient un peu seuls, cela pouvait être bien de leur proposer un lieu de résidence pour être entraînés de façon journalière et qualitative », résume la DTN adjointe en charge du para-dressage, Fanny Delaval. « J’entraînais déjà Lisa Cez puis Vladimir Vinchon s’est aussi tourné vers moi pour l’accompagner jusqu’à Paris. Ainsi, le staff fédéral, dont Fanny Delaval et Carlos Lopes, m’ont demandé si nous pouvions mettre en place quelque chose dans mes écuries, explique Marina Caplain Saint André. De son côté, Alexia Pittier est installée en Haute-Savoie donc le staff lui a dit que si elle venait intégrer ce nouveau pôle, elle aurait des aides en vue de Paris. Anne-Frédérique Royon aurait dû aussi nous rejoindre, ce qui ne s’est finalement pas fait. Ce pôle a un but très spécifique, d’aider à amener des couples vers les Jeux paralympiques. Nous avons fait installer un barns démontable par Cheval Liberté puisqu’Alexia est arrivée avec trois chevaux. Elle loue un appartement tandis que Vladimir (qui vit en Mayenne avec sa famille, NDLR), arrive à rentrer chez lui le weekend », précise Marina tandis que Fanny ajoute : « Ce sont des choix de vie, il faut déménager, que les familles suivent, ce n’est pas rien.»
« De son côté, Lisa a son cheval dans une écurie aux portes de Paris donc elle vient s’entraîner chez moi trois fois par semaine. Toute cette organisation autour du pôle est faite pour les Jeux », poursuit Marina. Et pour cela, Alexia, Lisa et Vladimir peuvent compter sur l’expérience d’entraîneur de Marina, reconnue sur la scène nationale et internationale en dressage. « Pour autant, il a fallu que je m’adapte et en cela, participer dès la première année à un championnat d’Europe (à Riesenbeck en septembre 2023, NDLR) m’a permis aussi de me faire un oeil. Je n’ai que des couples qui évoluent en Grade IV et V, ce qui est un peu plus « facile » pour moi car ce sont les niveaux qui se rapprochent le plus de ce que je fais depuis des années. Mais les exigences ne sont pas les mêmes, précise Marina.
La qualité des allures est importante mais surtout la régularité, la cadence, la symétrie. Les incurvations – d’où l’importance pour un cavalier comme Vladimir d’avoir un « school rider » pour monter le cheval en plus – la précision du tracé, les notions d’attitude et le fonctionnement du cheval, ce sont des éléments prépondérants à la qualité de l’exécution du mouvement. » Pour préparer les Jeux paralympiques de Paris, les cavaliers peuvent donc compter sur Marina à hauteur de trois entraînements par semaine, tandis qu’Alix, sa fille, monte Pégase Mayenne, le cheval de Vladimir Vinchon, en complément d’entraînement.
Un événement unique
À Champcueil, les Tricolores profitent d’installations de qualité avec un manège, une carrière et un accès à la forêt. « Les entraîneurs étrangers viennent aussi ici pour m’accompagner dans le suivi des cavaliers, notamment David Amager, consultant auprès de l’équipe de France ou encore Pedro Mendes, qui intervient en concours auprès d’Alexia. » Cette dernière évolue en compétition avec deux montures, Frauenheld et Sultan 768 en Grade IV. « C’est une incroyable opportunité pour se préparer dans les meilleures conditions. Ici c’est très central, on est hyper bien encadrés et Marina est sur place tout le temps. C’est très intéressant parce que ça nous impose une vraie rigueur, on a un entraînement dans lequel on sait où on va, Marina sait très bien où elle nous emmène. Elle travaille aussi avec mon entraîneur qui est Pedro Mendes qui m’a suivie toute l’année dernière. C’est très intéressant, ils ont la même vision des choses donc je ne suis pas perdue. Marina travaille beaucoup sur le fonctionnement du cavalier, notre forme physique et la précision. C’est cette rigueur qui m’a énormément aidée. Ça nous a permis de gagner en précision, c’est très important pour pouvoir mettre de la technicité sur nos mouvements ensuite, analyse Alexia, qui a donc rejoint Vladimir à Champcueil. Le fait d’être avec les autres, c’est top pour le collectif. Avec Vladimir, on se retrouver parfois le soir pour aller manger ensemble, ça nous permet d’apprendre à se connaître vraiment, on peut aller marcher les chevaux ensemble… c’est très chouette. »
Pour Vladimir Vinchon, qui va tenter de participer à Paris à ses troisièmes Jeux paralympiques (après Londres et Tokyo), cette intégration à un pôle est aussi une nouveauté. « C’est un moyen de ne pas être seul dans son coin et j’y vois aussi l’occasion d’accompagner Alexia par mon expérience des Jeux qui sont un événement à part entière. On passe du temps ensemble avec son partenaire Jordan, on a un rituel d’aller une fois par semaine au resto ensemble, on discute, il y a une dynamique. Mais pour moi, en venant ici, le but était de me concentrer vraiment sur mon objectif, qui est de décrocher une médaille à Paris, lâche le cavalier de Pégase Mayenne. Tout est organisé autour de ça et à cela s’ajoute l’accompagnement technique avec Marina qui s’occupe beaucoup de ma posture, de mes actions tout en continuant le travail technique du cheval. Puis, Alix complète ce trio en montant le cheval pour un travail complémentaire de rectitude, d’équilibre et de rassembler. Il y a aussi la proximité des axes routiers pour rentrer chez moi le week-end et pour aller en concours internationaux. » Après une sixième place aux championnats du monde à Herning en 2022 et une quatrième place aux championnats d’Europe de Riesenbeck en 2023, l’objectif de Vladimir est clair. « On fait des choix, on s’implique, il y a des personnes derrière, donc je ne peux pas me permettre de dire que j’espère aller à Paris, je dois y aller ! On a tout mis en place pour ça, pour monter sur le podium à Paris », insiste celui qui parle déjà des Jeux paralympiques de Los Angeles en 2028.
Rendez-vous au Printemps des sports équestres
De son côté, Lisa Cez complète ce Pôle régional en vue de Paris 2024 mais son cheval, Stallone de Hus, est installé à Versailles, où il est monté deux fois par semaine par Mailys Frougneux, qui accompagne aussi la paire en concours en tant que groom. « Je vais chez Marina du samedi après-midi au lundi, Stallone reste sur place, précise Lisa. Lorsque je me suis de nouveau tournée vers la compétition après mes études et que je me suis lancée dans le circuit para, je suis retournée auprès de Marina avec laquelle j’avais déjà fait deux championnats d’Europe à poney et en Juniors. Pour autant, après huit ans, il a fallu qu’elle s’adapte à ma nouvelle façon de monter. Je trouve que ce pôle est une belle opportunité pour elle et une belle possibilité pour permettre à d’autres cavaliers d’être dans un environnement technique qui pourra les faire avancer. Et puis l’ambiance est très conviviale avec des repas de groupe le samedi et le dimanche midi. » Si Lisa a découvert les grands championnats para-dressage l’année dernière à Riesenbeck, où elle prenait la dixième place, son objectif est entièrement tourné vers Paris 2024. « Nous avons beaucoup travaillé cet hiver avec Marina sur de nombreux détails en fonction des commentaires des juges. À Riesenbeck, j’ai beaucoup regardé les autres cavaliers pour comprendre comment les points étaient attribués. Lors de la dernière Master Class, j’ai pu présenter ma nouvelle Freestyle qui a été très appréciée, c’est encourageant pour la suite. » Comme pour les autres couples du groupe « À cheval pour Paris », le premier grand rendez-vous de l’année pour Lisa sera au Printemps des sports équestres (retrouvez le planning complet des cavaliers de para-dressage en vue de Paris en page 12).
Enfin, Marina souligne l’implication de la Fédération française d’équitation dans cette aventure olympique et paralympique. « On sent qu’il y a une dynamique autour de Paris. L’arrivée de Flore Tairraz nous permet à tous d’en profiter, entraîneurs et membres du staff inclus. Dans cet optique de préparation, je me suis inscrite à un séminaire pour les entraîneurs d’athlètes para, Fanny sera aussi présente. Ils vont aborder les problèmes de préparation, motivation, gestion du stress car il est aussi important de travailler sur soi-même en tant qu’entraîneur pour faire face à ces Jeux qui vont être uniques », conclut-elle.