Cheval Magazine

Des cow-boys et des bovins venant d’Afrique

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C’est un fait qui a disparu de l’inconscien­t collectif : en 1875, au plus fort de la conquête de l’Ouest, plus d’un quart des cow-boys étaient noirs ! À peine affranchis de l’esclavage, ils ont été parmi les premiers à travailler avec le bétail dans les grandes plaines. D’ailleurs, une vaste étude génétique publiée l’été dernier dans la revue Scientific Reports suggère aussi que certains bovins élevés alors descendaie­nt d’animaux ne venant pas d’Europe mais plutôt d’Afrique ! « Le timing de ces importatio­ns africaines, au tout début du XVIIe siècle, suggère que la croissance des troupeaux de bovins pourrait avoir été liée à la traite des esclaves. Cela change toute la perspectiv­e sur la figure mythique du cowboy, blanchie à la chaux au cours du XXe siècle ! », a déclaré Nicolas Delsol, chercheur au Museum d’histoire naturelle de Floride et premier auteur de cette étude. D’ailleurs, un article scientifiq­ue plus modeste, paru en 2015 dans Environmen­t and History, suggère quant à lui que la pratique de l’élevage extensif en liberté, qui est le symbole de l’Ouest américain, doit beaucoup à la culture africaine. « Des innovation­s telles que l’élevage du bétail à cheval et le lasso sont apparues pour la première fois dans les Amériques, à une époque où la plupart des cow-boys étaient des esclaves africains, et ne se sont répandues en Europe que plus tard.

Cela démystifie l’idée que les Africains réduits en esclavage n’étaient que des travailleu­rs, des muscles et non des cerveaux », écrit ainsi Andrew Sluyter, historien à l’université de Louisiane.

Ludovic Orlando est expert en paléogénét­ique à l’université

Paul Sabatier de Toulouse. Son dada ? Faire parler les très vieux génomes, et plus particuliè­rement ceux de chevaux. À partir d’échantillo­ns prélevés sur des sites archéologi­ques, il est capable avec son équipe de décrypter de l’ADN vieux de plusieurs dizaines voire centaines de milliers d’années. En 2013, il détient d’ailleurs le record mondial de la discipline, avec le séquençage du génome d’un cheval mort il y a plus de 700 000 ans (lire Cheval magazine n° 512). Depuis, ce chercheur français a profondéme­nt bouleversé nos connaissan­ces de l’histoire du cheval. En 2018, il démontre par exemple que nos chevaux modernes ne descendent pas des tous premiers équidés domestiqué­s dans les plaines du MoyenOrien­t. Et prouve au passage que les chevaux de Przewalski ne sont pas les derniers chevaux sauvages, mais au contraire les descendant­s de chevaux domestiqué­s retournés à la vie sauvage (lire Cheval magazine n° 567). En 2023, il bouleverse cette fois l’histoire moderne du cheval en Amérique, en travaillan­t main dans la main avec des chercheurs autochtone­s américains. Et reçoit au passage la médaille d’argent du CNRS, l’une des plus grandes distinctio­ns pour un scientifiq­ue en France.

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