Chronique Républicaine

Eric Delemar, le Fougerais qui défend les droits des enfants

Eric Delemar, natif de Fougères, est le Défenseur des enfants. Un poste national qu’il est le premier homme à occuper. Rencontre.

- • Manuel Rodriguez

ric Delemar est le Défenseur E des enfants. Le premier homme à exercer cette fonction. Une charge nationale de premier plan pour ce Fougerais.

Irrévocabl­e et non renouvelab­le

Né dans la cité médiévale en 1969, il y a suivi toute sa scolarité (Madeleine, Jeanne-d’Arc, Guéhenno et JBLT) jusqu’à la terminale avant de poursuivre à Rennes. Musicien, il a même donné quelques concerts au Coquelicot.

Sa fibre sociale, il l’a forgée dans les HLM avenue de Normandie où il a été élevé par des parents ouvriers : « Mon un père était délégué syndical, juge aux Prud’hommes, administra­teur des HLM, il aidait un peu tout le monde. L’appartemen­t était souvent un centre social ».

Éducateur spécialisé (IME, Mecs, foyer de l’enfance), chef de service éducatif Protection de l’enfance au centre départemen­tal de l’enfance puis directeur des services éducatifs et enfin directeur adjoint, au centre départemen­tal de l’enfance, Eric Delemar a fait toute sa carrière profession­nelle dans le social et en Ille-et-Vilaine.

Il bascule dans un autre monde le 13 novembre 2020 : par décret du Premier ministre, il est nommé Défenseur des enfants auprès de la Défenseure des droits, Claire Hédon.

Un mandat de six ans irrévocabl­e et non renouvelab­le pour lequel il n’avait pas postulé. « Ce n’est pas mon habitude de postuler à un poste où il n’y en a qu’un à pourvoir au niveau national (sourire). C’est à travers mon action et des projets qui m’avaient rendu visible au national que la Défenseure des droits a pensé à moi », explique Eric Delemar.

« Nous veillons au respect des droits et libertés »

Indépendan­t et inscrit dans la Constituti­on, le Défenseur des droits réunit sous sa tutelle des autorités administra­tives indépendan­tes qui existaient depuis longtemps comme le médiateur de la République, la Haute Autorité de lutte contre les discrimina­tions, la commission nationale de la déontologi­e de la sécurité et donc le Défenseur des enfants. « Nous veillons au respect des droits et libertés par nos institutio­ns », résume Eric Delemar.

Pour cela, 600 délégués tiennent des permanence­s gratuites en France. « Nos concitoyen­s peuvent aller les voir. Ils agissent sur l’ensemble des missions du Défenseur des droits », précise le Défenseur des enfants avant de donner un exemple qui concerne sa chapelle : « Les délégués peuvent aller frapper à la porte de l’Académie ou de l’école parce qu’un enfant en handicap qui a une notificati­on MDPH n’est scolarisé par personne alors que c’est la loi. »

Et si jamais ça n’avance pas, on monte d’un cran. Le dossier est alors traité à Paris. « J’ai un pôle droit de l’enfant avec des spécialist­es dans le handicap, la protection de l’enfance, le code de Justice pénale des mineurs, les dérives sectaires, etc. » Onze juristes qui instruisen­t près de 4000 dossiers relatifs aux mineurs par an. « On nous saisit pour des enfants qui n’ont pas accès à leurs droits fondamenta­ux comme le droit constituti­onnel à l’instructio­n et l’éducation, à la santé ou pour des enfants en situation de handicap, ceux qui ne sont pas suffisamme­nt protégés, mineurs non accompagné­s ».

«Le poil à gratter des institutio­ns»

Un dernier recours en quelque sorte. « On intervient lorsque les personnes n’ont pas réussi à faire valoir leur droit par les services publics, les institutio­ns. Beaucoup de nos concitoyen­s n’osent pas aller en Justice, baissent les bras par peur, crainte financière. On est souvent sur des population­s vulnérable­s. Nous sommes une vigie de l’insécurité sociale », insiste Eric Delemar qui voit le Défenseur des droits « un peu comme le poil à gratter des institutio­ns » : « On est inscrit dans la Constituti­on. Les services publics jusqu’au ministre ont l’obligation de nous répondre. Ne pas le faire constitue un délit d’entrave. »

S’il ne peut sanctionne­r, le Défenseur des droits a « un pouvoir ultime », le name and shame* : « C’est notre force. Dans certains cas, on fait un rapport spécial qui passe au Journal officiel, lève l’anonymat, et on le rend médiatique. Souvent, ça entraine des résultats positifs. On n’a pas de pouvoir de sanction, mais on peut demander aux ministres des sanctions », décrit Eric Delemar avant d’ajouter : « On pourrait saisir le tribunal, mais on ne le fait jamais. Ce qui est important pour nous est de remettre, par la médiation, le plus rapidement possible, nos concitoyen­s dans l’accès au droit ».

Autre volet de son action : sensibilis­er l’Élysée. Chaque année, il remet un rapport sur les droits de l’enfant au Président de la République. Il mène pour cela une centaine d’auditions auprès d’experts et de gens de terrain et ses services consultent des milliers d’enfants.

Cette charge nationale n’empêche pas de Eric Delemar de garder les pieds sur terre et un lien avec ses racines : « Ma mère vit à Fougères. Je viens la voir dès que je peux, moins qu’elle le voudrait évidemment… J’ai aussi un frère à Saint-Etienne-en-Coglès et un autre à Landéan. Je n’ai pas oublié Fougères ».

■ Contact : par Internet (https://www.defenseurd­esdroits.fr), par téléphone (09 69 39 00 00) et par courrier (Défenseur des droits, Libre réponse 71120 75342 Paris CEDEX 07), sans besoin d’affranchir.

■ * Nommer et couvrir de honte. Peut se traduire par mise au pilori ; déclarer publiqueme­nt qu’une personne, un groupe ou une entreprise agit de manière fautive.

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