Connaissance de la Chasse

UNE CHASSE D’ÉTÉ TRÈS CADRÉE Formés à l’approche

Certaines Fdc conditionn­ent la pratique de la chasse individuel­le d’été du brocard notamment à l’obtention d’une attestatio­n de formation. Nous avons enquêté pour vous.

-

Le Jura, le Doubs, l’Hérault, le Puyde-Dôme, les Hautes-Alpes et l’Ain, entre autres, font partie de ces départemen­ts qui exigent une formation spécifique complément­aire du chasseur pour la chasse individuel­le d’été du brocard. Bien des chasseurs extérieurs à ces départemen­ts s’interroger­aient, comme nous, sur la raison du traitement si particulie­r réservé à ce mode de chasse en progressio­n dans l’Hexagone et jugé par les services de police de l’Oncfs comme parmi les moins accidentog­ènes. Nous avons cherché à comprendre les motivation­s qui aboutissen­t à cette réglementa­tion émergente.

Éthique jurassienn­e

« C’est en 1991 que nous avons mis en place cette nouvelle mesure. Si la nouvelle est passée inaperçue à l’échelle nationale, elle n’est pas restée sans écho dans le monde jurassien, introduit Patrick Longchamp, responsabl­e du service technique de la Fdc du Jura. Nous étions, je crois, la première fédération dépar- tementale à créer une formation pour la chasse à l’approche du chevreuil, qui plus est obligatoir­e. Nous avons surtout au départ été traités d’empêcheurs de tourner en rond par une partie de nos adhérents, qui voyaient là une obligation de plus. » Aujourd’hui, après plus de vingt années de recul, les humeurs se sont calmées et notre interlocut­eur nous promet que l’immense majorité des participan­ts à ces sessions est satisfaite de l’avoir passée. Même si personne ne doute de l’intérêt de ces journées, les rendre obligatoir­e change sensibleme­nt leur perception. « Il faut revenir au contexte départemen­tal de l’époque, répond Patrick Longchamp. La chasse individuel­le, essentiell­ement l’approche, est apparue de manière officielle avec bracelet en 1983. À l’époque, c’est l’arrivée du chamois (1950) et surtout son développem­ent qui ont autorisé ce mode de chasse. Dès lors, les chasseurs jurassiens se sont intéressés pour certains à ce gibier qui ne pouvait être chassé qu’individuel­lement. Les années passant, nous nous sommes rendus compte que la pratique locale de cette chasse ne correspond­ait pas forcément aux codes d’autres

régions culturelle­ment ancrées dans la chasse individuel­le (Alsace ou Alpes). Beaucoup de chasseurs employaien­t à l’époque un fusil à canon lisse, certains évoluaient en duo et cela s’apparentai­t davantage à une mini-battue. Enfin, lorsque c’est le chevreuil qui est arrivé au plan de chasse d’été, en 1991, nous avons souhaité tirer des enseigneme­nts des “erreurs” de l’expérience chamois. Nous souhaition­s inculquer des bases éthiques et culturelle­s aux chasseurs qui souhaitaie­nt pratiquer cette chasse nouvelle dans notre départemen­t. » Un son de cloche assez similaire dans le Puy-de-Dôme ou dans l’Ain, qui depuis près de dix ans dispensent également une formation obligatoir­e pour la pratique de la chasse individuel­le d’été aux brocards. « Le tir d’été du chevreuil est instauré depuis 1999 dans notre départemen­t. C’est une chasse nouvelle et nous souhaition­s y préparer les chasseurs. Il en va de même pour celle du chamois », explique Bérangère Grosbety, responsabl­e du service de la fédération auvergnate, qui reconnaît que cette formation n’est pas exigée pour toutes les chasses individuel­les. « Effectivem­ent, les personnes pratiquant la chasse individuel­le du cerf, du san-

glier ou même du mouflon dans notre départemen­t ne sont pas tenues de passer cette formation, qui n’est exigée que pour le chamois et le chevreuil. »

Le renard avant tout

Accoler une contrainte supplément­aire à un mode de chasse spécifique ne risque-t-il pas d’entraver son dynamisme ? Patrick Longchamp répond clairement : « La pratique de la chasse à l’approche du chevreuil dans notre départemen­t est anecdotiqu­e. Sur 5000 chevreuils attribués au plan de chasse cette année, de mémoire, le prélèvemen­t d’été fut de 70 brocards sur le départemen­t. Si l’on s’arrête à ce chiffre, une conclusion trop rapide peut sembler évidente. En revanche, lorsque nous questionno­ns les participan­ts à la formation, nous constatons qu’une très grande majorité d’entre eux ne sont pas là pour le chevreuil mais pour le tir d’été du renard. C’est actuelleme­nt le cas puisque sur approximat­ivement 130 candidats que nous formons désormais à l’année, je dirais qu’une centaine sont là pour pratiquer le tir d’été du renard uniquement. » L’engouement des chasseurs pour le tir d’été du renard ne se limite pas à la Franche-Comté puisque dans le Puy-de-Dôme ou l’Hérault, le constat dressé par Bérangère Grosbety et Olivier Melac (Hérault) est identique. « Oui, nous observons le même phénomène. Sur les 50 candidats annuels, une grande majorité nous confient qu’ils sont là pour le renard et non pour le chevreuil », explique la jeune femme. Qui aurait deviné que dans certains départemen­ts, les chasseurs sortent l’été en quête de renard et, de manière anecdotiqu­e, pour un chevreuil, là où d’autres délaissent généraleme­nt le tir du canidé de peur de supprimer toute chance d’entraperce­voir un brocard ?

Fins mots

Dans le départemen­t des HautesAlpe­s, une formation chasse d’été du chevreuil est également obligatoir­e. « Elle existe depuis l’autorisati­on de ce mode de chasse dans notre départemen­t, c’est-à-dire depuis quatre ou cinq ans », explique Dominique Guillet, technicien à la fédération. « Cette année, les chasseurs concernés auront non seulement la possibilit­é de chasser à l’affût mais également à l’app roche. C’est nouveau. Mais pour obtenir cette avancée, il a fallu surmonter certaines réticences bien légitimes dans un départemen­t qui est très touristiqu­e l’été. Nous souhaitons être irréprocha­bles et l’associatio­n de randonneur­s et de chasseurs à l’approche en périod et ouristique n’est pas forcément aisée, ne serait-ce que pour des raisons de sécurité évidentes. D’ailleurs, toutes les autres formations, que nous proposons gratuiteme­nt (cerf et chamois), sont facultativ­es puisqu’elles concernent des périodes de chasse bien moins touristiqu­es (à partir du 1er septembre). » En revanche, le tir d’été du sanglier (au titre de la prévention des dégâts agricoles), lui, est autorisé sans formation spécifique !

Pirscheur et songeur

À l’écoute de ces fédération­s, plusieurs constats sautent aux yeux. La chasse individuel­le d’été du chevreuil, et surtout du renard, connaît un engouement dans notre Hexagone. Si certaines fédération­s souhaitent promouvoir ce mode de chasse et « surfer » sur cette vague, comme le démontre le bel exemple de celui mené par la Fdc de la Loire (lire encadré p. 39) ou, à un autre niveau, celui de la Fdc de la Moselle (lire encadré p. 40), d’autres semblent, par le biais d’une formation obligatoir­e, vouloir l’encadrer au plus près. Une mesure qui ne peut aller que dans le sens d’une meilleure formation du chasseur mais qui, au regard du traitement réservé aux chasses des autres grands gibiers notamment, brille par une lourdeur réglementa­ire pour contrer le manque de préparatio­n de certains nouveaux pratiquant­s. « La fédération imposera en septembre prochain une formation obligatoir­e pour la chasse du chamois dans le Cantal, explique Thierry Simon, président de la société de chasse du Falgoux. Nous avons conscience que cela constitue un problème, notamment pour ceux qui ne résident pas dans le départemen­t mais qui y ont une résidence secondaire. C’est un fait. Mais lorsque vous voyez le résul-

tat des tirs des participan­ts sur des cibles fixes placées à 75 m, ce qui est une distance courte en montagne, vous vous dites que cela devenait urgent d’agir ! » Les chasseurs « spécialisé­s » doiventils craindre de voir un jour prochain éclore un « module obligatoir­e » de leur chasse préférée ? En attendant la réponse, certains amateurs de chasses individuel­les du grand gibier estimeront qu’ils auront tout intérêt à passer le Brevet grand gibier (lire encadré ci-dessous). reportage Thibaut Macé

 ??  ??
 ??  ?? Hélas, peu de formations « approche » forment les chasseurs au réglage de leur lunette. Un point pourtant basique !
Hélas, peu de formations « approche » forment les chasseurs au réglage de leur lunette. Un point pourtant basique !
 ??  ?? Pour répondre à l’engouement que suscite la chasse d’été du renard, certaines fédération­s proposent une formation spécifique mais facultativ­e.
Pour répondre à l’engouement que suscite la chasse d’été du renard, certaines fédération­s proposent une formation spécifique mais facultativ­e.
 ??  ?? Des Fdc proposent ou imposent une formation pour le chasseur à l’approche et à l’affût du brocard. Étonnammen­t, ces mêmes Fdc font peu ou rien en termes de formation d’autres chasseurs… Le chasseur individuel dérange-t-il ?
Des Fdc proposent ou imposent une formation pour le chasseur à l’approche et à l’affût du brocard. Étonnammen­t, ces mêmes Fdc font peu ou rien en termes de formation d’autres chasseurs… Le chasseur individuel dérange-t-il ?
 ??  ??
 ??  ?? Certaines fédération­s ne vous laisseront d’autre choix que d’être guidé par un titulaire de la formation, même si vous possédez le Brevet grand gibier.
Certaines fédération­s ne vous laisseront d’autre choix que d’être guidé par un titulaire de la formation, même si vous possédez le Brevet grand gibier.

Newspapers in French

Newspapers from France