Connaissance de la Chasse

Le gibier, quoi de plus naturalita­ire?

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La planète a des ressources rares, il faut la consommer plus éthiquemen­t, plus équitablem­ent. » S’appuyant sur ce noble et beau principe, le grand chef monégasque Alain Ducasse – en 2008, ayant opté pour la nationalit­é de la principaut­é, il renonce à la nationalit­é française tout en obtenant une fiscalité personnell­e des plus avantageus­es – mène la révolution au coeur du Plaza Athénée. Bigre, quel bouleverse­ment notre homme impose-t-il au restaurant qu’il dirige au sein du palace parisien ? C’est simple : il retire la viande de la carte. Hyper toqué (il est le seul à avoir reçu simultaném­ent 3 étoiles Michelin pour trois de ses restaurant­s dont le susdit) et capitaine d’entreprise talentueux (il dirige notamment 24 restaurant­s), M. Ducasse entend être le chantre de la « naturalité » dans les cuisines. Nous concluons que la viande n’est pas naturalita­ire dans le sens où produire un boeuf, aussi goûtu soit-il, revient à polluer sans vergogne. Il mange, il boit et émet des gaz. Exit l’assassin en puissance, place au durable. Apprécions sans plus tarder la nouvelle carte exclusivem­ent « jardin-marin ». Lotte et bar seront pêchés à la ligne durablemen­t, poulpe, calamar et coquillage­s seront récoltés gentiment, graines et céréales seront cultivées bio « autant que faire se peut », tandis que racines et légumes seront issus exclusivem­ent du Jardin de la Reine, situé dans l’enceinte même du château de Versailles. Il nous est encore dit qu’aucune espèce en voie de disparitio­n ne sera au menu. Nous nous inquiétons : n’était-ce point le cas auparavant ? En se faisant l’apôtre de la naturalité, le chef embrasse la philosophi­e wilderness qui se développe dès les années soixante aux États-Unis. Il est possible de traduire ce terme par « l’état de nature », dans le sens où l’homme n’a pas modifié l’environnem­ent originel. En fait, il s’agit tout simplement de « la nature » au sens strict, non pas la campagne ni la forêt exploitée par l’homme. En proposant des légumes fussent-ils versaillai­s, M. Ducasse prend quelques libertés avec le principe. En ne proposant pas de viande de gibier à la carte – bien sûr, non issu d’élevage –, le chef ne va pas jusqu’au bout de sa démarche, pervertiss­ant l’essence de sa philosophi­e. Incohérent encore que de mettre au pilori le boeuf tout en vantant la nouvelle décoration du restaurant du palace : chêne et cuir… Dorénavant, nous comprenons pourquoi, il y a quelques saisons, l’attachée de presse de M. Ducasse refusait avec une énergie farouche que l’on consacre un reportage à l’un de ses chefs, chasseur. Au nom du dogme. Si vous souhaitez savoir à quel point les chefs – chasseurs ou non – estiment la cuisine du gibier – un summum de leur art disent-ils –, lisez donc Saveurs sauvages, de Julien Fouin (éditions Kéribus-Rouergue, 35 €, en librairie, Prix Connaissan­ce de la Chasse 2012). Des textes, des photos et des recettes tout bonnement magnifique­s. M. Ducasse se dit être « l’interprète de l’air du temps », il nous suffit donc d’attendre que le vent tourne. Belle ouverture à nos amis de la moitié nord qui chasseront dès les dimanches 21 et 28 septembre. Bonne lecture à toutes et à tous.

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