La charge dans le sang
Photographe animalier professionnel, Christophe Salin évoque ce cliché à la fois empreint de tendresse et de violence. « La nature offre parfois de belles rencontres, souvent même des plus insolites. À l’affût en forêt, une compagnie de sangliers s’approche de moi pour mon plus grand plaisir. Tandis que les adultes fouillent le sous-bois, les jeunes marcassins passent leur temps à jouer, à se poursuivre, à simuler des joutes parfois très spectaculaires, comme ici avec cette prise de judo ! Le photographe nature doit savoir se faire discret, se dissimuler dans la nature, souvent être très patient pour espérer saisir des instants de vie aussi privilégiés de la faune sauvage. » Il s’agit bien ici d’un instant de vie particulier. Cette charge ou joute relève certes du jeu mais elle participe aussi de la vie sociale de l’espèce. À force de s’affronter, de se jauger, chacun va trouver sa place au sein du groupe. Et cela commence dès le stade de la portée, comme nous l’indique superbement ce cliché. Afin de s’accaparer une allaite, puis du grain, des vers, des racines, etc., mais encore pour bénéficier d’une bonne et chaude place au sein du chaudron puis de la bauge maternelle, le jeune sanglier doit s’imposer. La joute sera tantôt ludique, tantôt agressive, s’accompagnant éventuellement de morsures. Les marcassins usant de leurs canines et de leurs « coins » (troisièmes incisives), seules dents du nouveau-né. L’énervement, l’anxiété face au danger, peuvent également donner cours à des bousculades. D’où les cris, des couinements, que nous entendons parfois alors que nous sommes postés en battue. Avant de franchir le layon, la compagnie jauge le danger, et certains membres font régner l’ordre ou tente de le bousculer en poussant ou mordant ses congénères. Enfin, la reproduction est un prétexte supplémentaire à la confrontation physique. Décidément, pour les marcassins comme pour toutes les espèces, la loi du plus fort est universelle, éternelle et… immédiate.