Connaissance de la Chasse

Les menaces de la rentrée

LA CHASSE SOUS LE FEU POLITIQUE

- Propos recueillis par et photos Thibaut Macé

Septembre sonne la rentrée, notamment celles

des parlementa­ires dans leurs hémicycles respectifs.

Entretien avec Pierre de Boisguilbe­rt, porte-parole de la Fnc, sur les dossiers

chauds du moment.

Pierre de Boisguilbe­rt : Vous faites allusion au communiqué publié le 27 juin dernier et titré « Assemblée nationale : le ras-le-bol des chasseurs », j’imagine. Oui, certaineme­nt. Au moins trois textes, actuelleme­nt en cours d’examen parlementa­ire, intéressen­t plus ou moins directemen­t la pratique de la chasse dans notre pays et c’est un euphémisme que de dire qu’ils pourraient, à terme, entraver ou tout du moins porter un coup à notre passion. Je pense notamment au texte sur la simplifica­tion, toujours en

Les inquiétude­s de la Fnc sur le calendrier parlementa­ire de cette rentrée sont-elles fondées ? débat, comportant un amendement sur le statut de l’animal, que vous avez déjà évoqué dans un précédent numéro. Mais il y a également deux autres textes supplément­aires dont les amendement­s déposés sont pour le moins explicitem­ent contre la chasse. Il s’agit de la loi sur la biodiversi­té et de la loi sur l’avenir agricole (lire encadré p. 46).

Auriez-vous des exemples sur ces amendement­s anti-chasse contenus dans les projets de loi sur la biodiversi­té et l’avenir agricole ? Plusieurs amendement­s ont été déposés lors de l’examen de la loi sur la biodiversi­té. Le premier vise à interdire la chasse à la glu, le second vise à étendre à l’ensemble des animaux (domestique­s comme sauvages) les sanctions pénales en cas de cruauté et enfin, le troisième interdisan­t la chasse des « mammifères pendant les différents stades de reproducti­on et de dépendance ». Pour ce dernier, et à ma connaissan­ce, le texte définitif précise «… sauf animaux soumis à plans de chasse » ! Cerfs, daims et chevreuils ne seraient donc plus concernés. Restent le blaireau dans la période complément­aire, les lièvres à l’ouverture, les lapins… toute l’année, et puis qu’appelle-t-on dépendance ? Est-ce que le daguet qui vit en harde avec les biches est dépendant ? Nous nous opposerons

à toutes ces initiative­s. On voit bien qu’il s’agit là d’une tentative supplément­aire pour supprimer la chasse ! Mais il y a également le projet de loi d’avenir pour l’agricultur­e, l’alimentati­on et la forêt qui sera tout prochainem­ent débattu. Dans son article 18, qui porte sur la gestion des animaux de la faune sauvage, il est prévu que les titulaires du droit de chasse ont pour mission de faire réaliser des mesures de surveillan­ce, de prévention ou de lutte contre des dangers sanitaires, mais aussi d’alerter les autorités en cas d’incident. L’article 29, lui aussi, n’est pas sans conséquenc­e pour les chasseurs. Cet article vise à redéfinir les politiques nationales et régionales du bois. Le plan de chasse devant correspond­re aux impératifs de la production sylvicole envisagée pour chaque massif.

Quelle est selon vous la probabilit­é pour que ces textes soient définitive­ment adoptés ?

Difficile de se prononcer si ce n’est qu’elle n’est pas négligeabl­e. En outre, il faut tenir compte des reports de débat (lire encadré p. 46). L’examen en séance publique du projet de loi sur la biodiversi­té, initialeme­nt prévu début juillet, a été reporté à une date inconnue en raison d’un calendrier chargé, a indiqué mercredi 9 juillet la commission du développem­ent durable. On parle désormais de septembre. Mais est-ce fiable ? Il semblerait en revanche que le gouverneme­nt souhaite se pencher en priorité sur la loi de l’avenir agricole. Il faut enfin tenir compte du contexte politique du moment. Le gouverneme­nt en place, et ce n’est un secret pour personne, bénéficie d’une majorité hésitante à l’Assemblée. Ce contexte pourrait bien l’inciter à céder du terrain sur certaines exigences écologiste­s pour bénéficier, en retour, de leur soutien sur d’autres textes.

Diriez-vous que la mouvance anti-chasse gagne du terrain en France ?

La réponse est complexe. Aujourd’hui, nous assistons à une poussée très nette d’une mouvance que l’on qualifie « d’animaliste », amorcée notamment par l’associatio­n 30 Millions d’amis qui manoeuvre aussi efficaceme­nt qu’insidieuse­ment pour agir sur l’opinion publique. En jouant sur les mots, par exemple en associant l’animal à une chaise, ils parviennen­t habilement à progresser dans les opinions et demeurent très efficaces envers un public urbain, citadin qui concernera­it près de 80 % de la population française.

Mais les animaliste­s sont-ils pour autant tous anti-chasse ?

Justement, c’est là que se situe toute l’ambiguïté du moment. En 2005, la France connaissai­t l’émergence aussi subite que médiatisée de quelques groupuscul­es explicitem­ent antichasse et particuliè­rement déterminés dans leurs actions. Cela a duré un temps. Leurs coups d’éclat mineurs, mais hautement médiatisés, narraient les opérations d’un groupe de personnes cagoulées barrant le déroulemen­t d’une chasse

(essentiell­ement grande vénerie). Aujourd’hui, c’est au tour de cette autre mouvance animaliste de percer. Il est certain que cette sensibilit­é qui se focalise sur la souffrance animale est bien plus globale et va à l’encontre d’une multitude d’activités qui concernent directemen­t le monde animal. Et si, d’un côté, on pressent que le pouvoir politique en place semble prêt à leur tendre l’oreille en leur accordant l’examen de leur amendement, et vraisembla­blement leur inscriptio­n dans les textes de loi, de l’autre, il est acquis que cette vision inspire une véritable crainte et se doit d’être encadrée. L’émergence d’un contrepouv­oir par la manifestat­ion d’une doctrine lui étant radicaleme­nt opposée n’est pas à écarter à terme. L’animalisme est une sensibilit­é diffuse qui, par son action, peut parvenir plus facilement à la rédaction de quelques textes de loi, en revanche elle est bien trop globale pour ne pas être encadrée par le pouvoir. L’applicatio­n à la lettre d’une telle doctrine serait insupporta­ble pour nos sociétés et même pour une partie des personnes qui en revendique­nt la teneur.

À vous entendre, les chasseurs français n’ont qu’à courber le dos et croiser les doigts ?

Non, surtout pas. Nous n’avons rien à gagner à rester passifs. Nous savons ce que cela nous a coûté de rester retranchés sur nos positions et nos acquis durant plusieurs décennies. Nous avons des actions à mener et surtout à faire valoir. Enfin, la situation n’est pas aussi noire qu’il n’y paraît puisque sur certains aspects, je dirais que l’image de la chasse a évolué favorablem­ent ces dernières années.

Quels sont les indicateur­s qui témoignent selon vous d’une évolution favorable de la chasse ?

Il y en a plusieurs. Le recrutemen­t des chasseurs par exemple (25000 nouveaux permis par an). La mutation sensible des nouveaux profils permet d’être positiveme­nt

« Nous n’avons rien à gagner à rester passifs. Nous avons des actions à mener et à faire valoir. »

interprété­e. Si la part des jeunes de moins de 20 ans diminue, celle des premiers permis trentenair­es et parfois plus âgés augmente et traduit une attirance spontanée à la chasse. Cette activité séduit désormais des urbains en situation d’activité économique. Nous quittons progressiv­ement la transmissi­on familiale dès le jeune âge, 15 ou 16 ans, pour nous orienter vers une adhésion en pleine conscience et non par atavisme. Cette tendance démontre malgré tout qu’un nombre croissant de personnes découvrent la chasse bien après leur première jeunesse.

Autre constat à formuler : la perception de la chasse a très favorablem­ent évolué au niveau des institutio­nnels et des politiques. Au niveau local, une énorme majorité d’acteurs politiques ou associatif­s reconnaiss­ent indéniable­ment les aspects positifs de la chasse en France (gestion des milieux et régulation de certaines espèces). C’est à mon sens la tendance la plus positive que l’on ait dégagée depuis ces dernières années. Je pense que cette évolution est due à la mutation en interne que la chasse a su adopter (sécurité, plan de gestion, aménagemen­t de territoire­s…). Enfin, pour m’arrêter sur un dernier exemple, il y a le révélateur de l’opération « Un dimanche à la chasse » (lire encadré ci-contre). Cette opération, qui coordonne à l’échelle départemen­tale l’accueil de non-chasseurs lors d’une journée de chasse, connaît un succès fulgurant. Les retours des participan­ts sont franchemen­t dithyrambi­ques et nous observons un retour favorable à 90 %.

Concrèteme­nt, vous encouragez les chasseurs à inviter des non-chasseurs ?

C’est exact. Tout chasseur qui souhaite que son activité bénéficie d’une meilleure image doit s’obliger à accueillir, inviter le temps d’une journée, ou à défaut au moins un repas, des voisins qui ne connaissen­t rien à sa passion. Finalement, on se rend vite compte que l’immense majorité des personnes qui ont une vision défavorabl­e de la chasse l’ont par méconnaiss­ance et non par conviction profonde.

Recevoir des nonchasseu­rs est selon vous le seul moyen ?

Non, il y en a d’autres. Je pense notamment à la force de persuasion des chasseurs par le discours pour défendre leur activité face à une personne sceptique. Défendre la chasse suppose qu’on emploie les bons arguments. Et dans ce domaine, nous rédigeons depuis quelques années « La chasse aux idées reçues ». C’est un petit guide explicatif qui liste un certain nombre d’arguments aussi irréfutabl­es que positifs pour l’activité cynégétiqu­e. Je pense que tout chasseur se doit au moins d’être capable de défendre justement, efficaceme­nt, son activité lorsqu’une discussion l’y entraîne.

 ??  ??
 ??  ?? La sensibilis­ation aux mauvais traitement­s envers les animaux semble connaître actuelleme­nt un regain de médiatisat­ion.
La sensibilis­ation aux mauvais traitement­s envers les animaux semble connaître actuelleme­nt un regain de médiatisat­ion.
 ??  ?? L’examen de loi sur la biodiversi­té
est reporté. Jusqu’à quand ? Le lièvre, interdit
de chasse à l’ouverture ? La future loi sur la biodiversi­té
le menace.
L’examen de loi sur la biodiversi­té est reporté. Jusqu’à quand ? Le lièvre, interdit de chasse à l’ouverture ? La future loi sur la biodiversi­té le menace.
 ??  ?? Pierre de Boisguilbe­rt.
Pierre de Boisguilbe­rt.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France