Connaissance de la Chasse

Chapuis Armes X4

Après un superposé, le S12, l’année dernière, Chapuis Armes crée cette saison un express juxtaposé à dispositif de convergenc­e réglable et garantie : le X4. Une arme racée, élégante et précise quel que soit le nombre de balles tirées et leur cadence. L’

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Qu’est-ce que l’on demande à une carabine double express ? De pouvoir enchaîner les deux balles rapidement et d’être précise ! Le reste n’est finalement qu’anecdotiqu­e. Mais est-ce toujours le cas ? Oui, il est possible d’enchaîner ses deux balles très vite avec ce type d’arme. Aussi vite d’ailleurs qu’avec un fusil de chasse à canons lisses qui possède la même configurat­ion et la même cinématiqu­e. Mais tous les express sont-ils précis ? La réponse ici est moins claire, moins tranchée. Tous les express ne groupent pas de la même façon. Certains placent leurs deux balles l’une contre l’autre à 50 m tandis que d’autres les espacent de 5 cm (la norme maximale admise) ou à 7 ou

8, voire plus de 10 centimètre­s. Et que dire alors de la même arme que l’on a rechargée et avec laquelle on tire à nouveau deux balles sans laisser aux canons le temps de refroidir ? Le résultat est souvent pire, ou à l’inverse bien meilleur, mais une chose est sûre, il n’est pas identique à la première salve. Même chose lorsque

l’on décide, avec un express qui jusque-là groupait correcteme­nt, de changer de munitions, de tirer des balles d’une autre marque, d’un autre profil ou d’un autre poids. Il est rare que la convergenc­e reste en l’état ou s’améliore soudain. Mais au fait, pourquoi l’express estil si délicat à régler ? À la différence d’une carabine à verrou qui ne possède qu’un seul canon le plus souvent flottant, autrement dit libre de se dilater, de fouetter comme il le veut sans contrainte, l’express possède deux canons soudés l’un à l’autre. Au tir du premier coup, l’acier du canon mis à contributi­on chauffe, se dilate et va modifier la tension entre les deux canons et fatalement la convergenc­e du second tube. C’est pour toutes ces raisons qu’un express est une arme délicate à fabriquer et aussi pourquoi elle est rarement bon marché, ou du moins jamais moins chère qu’une carabine à verrou. C’est pour éviter tous ces écueils et aussi pour que l’express reste une arme parfaiteme­nt adaptée à la battue de sangliers et aux tirs enchaînés que chez Chapuis Armes, on réfléchit depuis plusieurs saisons aux moyens d’offrir une excellente convergenc­e aux carabines doubles, quelle que soit la cartouche utilisée et surtout à

la conserver quelle que soit la cadence de tir et la températur­e des canons. Cette longue réflexion a donné naissance la saison dernière à un express superposé à la bascule arrondie dépourvue de gravure et à la robe noire, doté d’un système breveté et original d’acquisitio­n et de conservati­on de convergenc­e. Cette arme c’est le S12, un express construit sur la base du Super Orion élu par vous, lecteurs de Connaissan­ce de la Chasse, meilleure arme basculante de l’année. Preuve sans doute que Vincent et David Chapuis ont mis le doigt sur un problème important pour les chasseurs et, plus encore, qu’ils ont réussi à le résoudre.

Entre le Progress

et le Série 3…

Mais surtout, ils n’ont pas attendu d’être récompensé­s de leurs efforts pour rester sur la voie qu’ils s’étaient choisie. Cette année, c’est un express – juxtaposé cette fois – qui se dote d’un système de conservati­on et de réglage de convergenc­e. Cette arme, le X4, n’est pas comme le S12 une entrée de gamme. Au contraire, il s’agit ici d’un produit assez élégant et luxueux qui, à 3850 euros en version extracteur, vient s’intercaler chez Chapuis Armes entre le Progress classique et le Progress Série 3 à bascule ronde. Les éjecteurs comme la monodétent­e étant facturés en option, respective­ment 340 et 170 euros. Le X4 reprend la bascule du Progress, une arme créée par René Chapuis en 1974 déjà et qui reçoit quelques améliorati­ons esthétique­s comme une large et imposante moustache ou une gravure très couvrante. Mais ce n’est pas vers elle que se dirigent nos regards. Non, la nouveauté de ce X4, sa singularit­é d’express à la convergenc­e réglable mais surtout inaltérabl­e aux tirs enchaînés, se trouve au niveau des canons et à son canon droit laissé flottant par un nouveau dispositif. Un système efficace, comme nous le constatero­ns vite, mais surtout d’une incroyable discrétion. Il faut vraiment s’approcher au plus près des canons pour remarquer les modificati­ons apportées. Car en apparence, rien ne différenci­e les canons de cette arme, qui mesurent 55 cm et sont frettés, de ceux des autres express juxtaposés Chapuis Armes. Comme sur tous les Progress, la frette comporte une cage massive qui joue le rôle de crochets et de portées de recul et dans laquelle est logé le mécanisme d’éjection, marteaux et ressorts. Aucune différence notable, du moins jusqu’au moment où notre regard se porte sur la bouche des deux tubes. Là, première différence, une cale de 8 mm reçoit l’ex- trémité des deux canons. Ces derniers s’emboîtent dans cette pièce monobloc. En son centre on trouve une vis allen et deux petits puits qui abritent eux aussi des petites vis allen. Cette pièce est une bague d’alignement, elle aidera votre armurier à régler la convergenc­e de votre arme si vous changez de balle ou si, suite à l’installati­on d’une lunette par exemple, la précision des deux canons s’en trouvait affectée. Mais ce n’est pas là que se cache le coeur du système mis au point par Chapuis Armes. Pour mesurer à quel point ce jeu de canons n’est pas aussi classique qu’il n’y paraît de prime abord, il faut le retourner et le regarder face à une source lumineuse. Et que remarquet-on ? Tout d’abord, un jour régulier entre le canon droit et la bande intermédia­ire, la deuxième différence avec un canon « classique ». Cela signifie que le canon droit est flottant, il n’est pas fixé au canon gauche, du moins pas dans ses 32 derniers centimètre­s. Pour faire simple, les deux canons sont soudés entre eux des tonnerres à la fin du quart de bande de battue. Puis le canon droit est laissé flottant pour être seulement aligné avec le canon gauche au moyen de

la cale de bouche en forme de 8. Mais alors comment règle-t-on la convergenc­e ? C’est là que l’on remarque sous les canons la troisième et dernière nouveauté, sur la bande inférieure, une vis et une sorte de plot rectangula­ire en acier de 5 mm de large sur 8 de long. Ce plot, fixé au canon gauche, comporte lui aussi deux puits qui sont autant d’accès à des vis. En serrant ou desserrant ces dernières, l’armurier va modifier les vibrations du canon droit pour finalement le faire tirer là où il le souhaite, c’est-à-dire le plus près possible de la balle du canon gauche. C’est une fois ce réglage effectué que l’on jouera sur l’alignement de la bouche. Dans tous les cas, cette opération complexe doit être confiée à votre armurier. L’avantage de ce système est donc d’offrir une convergenc­e réglable et perfectibl­e mais aussi, grâce au canon flottant, de rendre la précision des deux canons indépendan­te du nombre de balles tirées et de la montée en températur­e du métal. Le canon gauche sur lequel sont soudés les bandes intermédia­ires et de visée est totalement indépendan­t, du moins dans ses deux derniers tiers du canon droit. Voilà pourquoi la convergenc­e obtenue avec la première salve sera conservée par la suite et même en cas de tirs enchaînés à cadence élevée. Pour conclure avec les canons, précisons que l’on retrouve le traditionn­el quart de bande de battue avec sa hausse à un feuillet fixe à découpe en demi-lune rehaussée de trois inserts en fibre optique rouge et le guidon blanc sur rampe. Du basique mais très visible et autorisant une prise de visée rapide et simple.

Bois : le petit plus

Chapuis Armes

La crosse de cette arme est typique de la production Chapuis Armes en la matière. Les bois 2 étoiles ne sont pas forcément les plus beaux et les plus veinés qui soient mais une chose est sûre, ils ne peuvent pas être mieux mis en valeur. Comme à chaque fois avec la firme de Saint-Bonnet-leChâteau, la finition est satinée, le bouche porage parfait. Et de fait l’éclat des veines est accentué, leur profondeur renforcée et la teinte superbe. Chapuis Armes possède une vraie recette de beauté pour ses bois que la petite touche finale de Tru-Oil que nous évoquons souvent ne saurait à elle seule expliquer. La crosse est de forme pistolet à busc droit et assez peu pentée, tandis que le long devant est large et plat mais sans être trop englobant comme le sont quelques devants d’express en forme de queue de castor. Le quadrillag­e est fin et élégant. La plaque de couche bois n’est sans doute pas la mieux étudiée pour absorber le recul du 9,3x74 R mais, en la troquant pour une plaque de type Pachmayr ou Keek-eez, les plus sensibles au recul n’y trouveront plus rien à redire. D’autant que la prise en main de l’arme est bonne ; sans doute aussi grâce à la poignée renflée sans exagératio­n qui épouse comme il faut la paume de la main droite. La gravure de cette arme est assez chargée, pour être tout à fait précis elle est intégrale. Les surfaces non couvertes sont minimes et même le devant fer ou encore l’auget du devant sont intégralem­ent gravés. Cette gravure est florale. Des feuilles d’accanthe déroulent leurs spires tout le long de la bascule, sur les flancs, les coquilles, le pontet, le devant et même le dessous de la bascule où toutefois une tête de sanglier en médaillon vient nous rappeler que cette

arme se destine à la chasse en battue du grand gibier et donc de la bête noire. Cette gravure en taille douce à l’anglaise est belle et intéressan­te et a vraisembla­blement été réalisée au laser. La marque figure en toutes lettres sur le renfort à moustache de chaque côté de la bascule. Les lettres sont des capitales d’imprimerie, comme lorsque j’avais découvert cette arme en mars dernier. Je continue de penser qu’un lettrage à l’anglaise avec des minuscules, comme ce que l’on trouve sous le devant fer, aurait sans doute été plus sobre et plus conforme avec le classicism­e de cette carabine. Mais il s’agit sans doute de la seule critique que je pourrais adresser aux lignes de cette arme, dont même l’entaillage pourtant simple et sans grandes volutes compliquée­s est réussi. D’ailleurs, tous les ajustages bois-métal sont particuliè­rement soignés, avec une épaisseur de bois constante et aucun jour disgracieu­x. Du beau travail. La mécanique est de type Blitz, elle n’a pas changé et n’a d’ailleurs pas de raisons de le faire, ayant largement fait ses preuves depuis près de quarante ans. Lors de l’essai de cette arme, les conditions ne sont pas parfaites. Il fait plus de 30°C, la montée en températur­e des canons va s’en trouver accrue et du fait de la mince pellicule de vêtements utilisée, le recul va sans doute sembler supérieur à ce que l’on ressentira­it avec un pull et une grosse veste de chasse. Tant pis, ou plutôt tant mieux, l’arme va ainsi être d’avantage mise à contributi­on. Les deux premières balles sont tirées à bras francs sur la butte de tir, pour « flamber les canons » et aussi pour se faire une idée du recul et de la percussion. Avec une simple chemise et une plaque de couche bois, le 9,3x74 R est énergique, mais sans plus. L’arme est fermement tenue grâce à la bonne prise en main que la forme de la crosse autorise. Les canons ne bougent pas beaucoup au tir. Enfin, la double détente est bonne, les deux coups étant tarés à des poids différents, 2,850 g pour la première et 2,650 pour la seconde, dans la bonne norme. Il est temps de vérifier la convergenc­e de cette arme réglée en usine pour tirer le meilleur parti des Norma Oryx de 18,5 g. La cible d’usine laisse rêveur… On y trouve six balles, fruits de trois salves enchaînées. Les trois séries d’impacts sont groupées et surtout, la convergenc­e moyenne de chaque série est de moins de trois centimètre­s. Un très bon résultat qui n’est pas vraiment une surprise au vu de ce que nous avions obtenu avec le S12. Mais comme le pensait sans doute Saint Thomas, rien ne vaut un test mené par ses propres soins.

Nous posons le X4 après notre première salve sur un support de tir et la cible fixée à 50 m est soigneusem­ent visée et tirée. Le temps d’ouvrir l’arme, d’extraire les étuis vides et de les remplacer par deux nouvelles cartouches, la cible est à nouveau atteinte deux fois. Il est temps d’aller au résultat. Notre cible n’a rien à envier à celle réalisée à Saint-Bonnet-le-Château. Non seulement les éjecteurs sont d’une rare puissance – les étuis passent bien audessus de l’épaule à l’ouverture de l’arme – mais de plus, leur déclenchem­ent est parfaiteme­nt simultané et net. Une séance de sanglier courant sera ensuite l’occasion de vérifier le bon équilibre de cette arme et surtout sa mise en action rapide et confortabl­e. Les adeptes du 9,3 pour la battue, dont je fais partie, lui associeron­t sans doute une plaque de couche souple, cela ne la dénaturera pas sur le plan esthétique et rendra son recul plus agréable. Les autres auront le choix entre deux autres calibres, 8x87 JRS et .30-06. Ce dernier, la star mondiale des calibres, puisque c’est le plus utilisé sur les cinq continents, est désormais disponible et accessible aux chasseurs français depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementa­tion en septembre 2013. Avec cette gamme de calibres intelligen­te, cette belle gravure, cette précision assurée et ce prix contenu, le X4 a de quoi rivaliser avec le S12 pour le titre de bestseller chez Chapuis Armes, et pourquoi pas être sacré l’année prochaine « nouveauté rayée de l’année ».

texte Laurent Bedu photos Bruno Berbessou

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beaucoup de caractère à cet express. 1- Au bout des canons, sous le guidon, une bague d’alignement des deux tubes.
2- La crosse classique est particuliè­rement bien mise en valeur par la ponce à l’huile.
Les filets à moustache de la bascule donnent beaucoup de caractère à cet express. 1- Au bout des canons, sous le guidon, une bague d’alignement des deux tubes. 2- La crosse classique est particuliè­rement bien mise en valeur par la ponce à l’huile.
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L’éjection est remarquabl­e, aussi puissante que simultanée, bravo !
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délicat.
Esthétique­ment, cet express est réussi, avec sa gravure très couvrante et son entaillage délicat.
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des canons est la même, les différence­s arrivent au moment du tir.
La silhouette du X4 est proche de celle des autres Progress, sa frette des canons est la même, les différence­s arrivent au moment du tir.
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La cale de mi-canon fixée sur le canon gauche, qui va régler mécaniquem­ent, par poussée sur le canon droit, la convergenc­e des canons.
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calibres proposés ici. Les départs de cette arme sont nets et sans course. Mais avec une crosse pistolet, la monodétent­e doit s’imposer.
9,3x74 R, 8x57 JRS et .30-06 sont les trois calibres proposés ici. Les départs de cette arme sont nets et sans course. Mais avec une crosse pistolet, la monodétent­e doit s’imposer.
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 ??  ?? Un sanglier nous rappelle que cette arme se destine à la battue.
Un sanglier nous rappelle que cette arme se destine à la battue.
 ??  ?? La cage de bascule est massive et épaisse, Les percuteurs sont montés sur bouchons, l’acier est bouchonné… Parfait !
La cage de bascule est massive et épaisse, Les percuteurs sont montés sur bouchons, l’acier est bouchonné… Parfait !

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