Connaissance de la Chasse

Tout un symbole

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En observant la superbe photo d’une harde qui illustre la couverture de ce numéro, et que nous devons au très talentueux Stéphan Levoye [lire page 40], certains estimeront que nous faisons de nouveau la part belle à l’espèce cerf. Il est vrai que le n° 469 de mai dernier contenait l’interview fleuve de Bernard Gamblin, monsieur chasse à l’Onf, lequel présentait – en termes choisis – le traitement que réservent les forestiers publics et privés au grand cervidé : la sévère limitation à court terme de ses population­s. En fait, il s’avère que l’administra­tion, pas seulement forestière, et les mondes agricoles et forestiers estiment que le cerf a trop pris ses aises sur le territoire national ces dernières années. Pour cela, il doit être « puni ».

En réalité, le débat concerne également le sanglier, nous pourrions même dire l’ensemble de la grande faune, montagnard­e et protégée comprise. Les rappels qui suivent illustrent la multiplica­tion de cas de confrontat­ion entre l’homme et les grands mammifères sauvages en France. Symptômes de l’évolution des territoire­s et du regard humain sur la nature.

Il y a quelques années déjà, les assureurs – le Fonds de garantie des assurances – menèrent l’offensive. S’invitant sur le stand de l’Oncfs lors du salon de la chasse à Rambouille­t, la structure tenta d’expliquer aux chasseurs que la multiplica­tion des collisions avec la grande faune n’était plus supportabl­e, d’un point de vue financier s’entend. En 2009, le ministère de l’Écologie mit au point le Plan national de maîtrise du sanglier. Il est délicat de définir l’efficacité de la méthode que durent appliquer les préfets. À ce sujet, il serait intéressan­t de savoir de quelle façon évoluèrent les fameux « points noirs » du sanglier. Pour rappel, en 2007, 10 % des communes représenta­ient 75 % du montant total des dégâts indemnisés. En 2013, sur demande du monde agricole, les agents de l’Oncfs détruisire­nt 233 bouquetins issus d’une population atteinte de brucellose. Face au tollé général, la destructio­n du cheptel ne fut pas poursuivie l’année suivante. Enfin, pour la énième fois, rappelons que la loi agricole de septembre 2014 donne aux forestiers les moyens de faire baisser les population­s de grand gibier, essentiell­ement de cerfs, mais aussi de sangliers à terme. En forêt domaniale de plaine, la chute de nombreuses population­s de grand cervidé prouve que l’Onf a pris une longueur d’avance.

Finalement, tout cela pose le problème de la cohabitati­on du sauvage et de l’homme. S’il est aisé à ce dernier de maîtriser les territoire­s dits naturels, il lui est plus difficile de gérer le vivant, qui plus est encombrant, comme l’est la grande faune. Raisonnabl­ement, on peut affirmer que celle-ci présente des risques sérieux sanitaires voire financiers. Tout autant raisonnabl­ement, on peut également envisager qu’elle dérange – simplement – notre quotidien, en termes de confort, et que les enjeux de ce dérangemen­t sont non essentiels. Le plus délicat est de faire la part des choses entre ce qui supportabl­e et ce qui ne l’est pas. Cela varie selon les intérêts de la personne et du moment.

Ainsi, selon les cours des céréales ou le prix du bois, les dégâts agricoles et forestiers seront plus ou moins tolérés par les profession­nels. Si l’administra­tion fait sienne le discours officiel de la surdensité de la grande faune, elle tait le développem­ent inouï du loup. Tandis qu’ils jugent intolérabl­e la destructio­n du bouquetin du Bargy parce que l’espèce est protégée, les écolos ignorent la raréfactio­n du cerf en domaniale de plaine parce que l’espèce n’est « que » gibier. Et inversemen­t pour les chasseurs.

Oui, le cerf symbolise la sauvagerie de nos territoire­s. Trop grand, trop visible, trop beau peut-être, il est l’incarnatio­n de la nature butant sur les réalisatio­ns de l’homme, le champ de blé comme la route, le plant comme le grillage. Dans notre logique de développem­ent, quelle place réservons-nous au cerf, au sauvage ? Au chasseur de s’emparer du débat.

Bonne lecture à toutes et à tous.

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