Connaissance de la Chasse

Chasse-t-on trop ou pas assez le cerf?

ET SI ON AMÉLIORAIT LE PLAN DE CHASSE

- François-Xavier Allonneau

Alors qu’il ne s’est jamais chassé autant de grands cervidés, que l’espèce est accusée de mille maux par les syndicats forestiers privés et l’Onf, certains repensent la gestion du cerf. Questions : la règle des trois tiers est-elle discutable ou est-ce un dogme à jamais figé ? Le plan de chasse tel qu’il est mis en place actuelleme­nt qui en découle peut-il être affiné, complété, amélioré ? Des chasseurs gestionnai­res apportent leur pierre à l’édifice.

Il fut un temps où les choses étaient fort simples, c’était avant le plan de chasse. Grosso modo, on tire sur ce qui bouge. Cerfs et biches sont chassés à tir quelques jours au cours de la saison, sans aucun quota. Le seul critère de sélection est le temps : 15 jours pour le mâle, 30 jours pour la femelle. Et on garde de la graine : le tir des animaux de moins d’un an est interdit. La méthode est perverse. Des biches tirées trop tôt et en trop grande quantité, ce sont autant de faons orphelins, sujets non sevrés probableme­nt condamnés à la malnutriti­on et au stress, malingres à moins qu’ils ne périssent lors de leur premier hiver. De plus, l’épargne de la totalité des faons rajeunit la population, maintient le coefficien­t de reproducti­on des femelles au plus bas, et freine ainsi l’expansion de l’espèce. L’occupation allemande puis la Libération voient se développer le braconnage, tandis que l’agriculteu­r détient le droit d’affût. Résultat : jusque dans les années 1960-1970, en France, les population­s de cerfs et biches sont des plus limitées. C’est dans la loi du 30 juillet 1963 que le principe du plan de chasse apparaît. Il est prôné par François Sommer et dix de ses amis réunis au sein de l’Associatio­n sportive des chasseurs de grand gibier, ancêtre de l’Ancgg. Cette avancée permet la conservati­on puis le développem­ent de toutes les espèces de grand gibier : cerf, chevreuil, chamois, isard et mouflon. Au grand dam des présidents de Fdc et d’une partie de leurs troupes qui considèren­t qu’il s’agit là d’une ingérence « élitiste ». Le plan de chasse cerf est rendu obligatoir­e sur l’ensemble du territoire en 1979. Le plan de chasse sera ensuite appliqué au petit gibier (lièvre et perdrix notamment). Cette méthode constitue une révolution culturelle dans la mesure où le chasseur intègre que le gibier ne constitue plus une manne céleste, alors que la conception cynégétiqu­e l’a conçu ainsi jusqu’alors. Ce nouveau courant de pensée estime que le chasseur peut – et doit – gérer les espèces chassables. Le principe de cette gestion est simple : il autorise de chasser, de tuer, le « surplus » d’une population animale. Autrement dit de prélever le revenu (le résultat du taux d’accroissem­ent) sans entamer le capital (une population considérée comme acceptable sur un territoire donné). La question est : quel surplus récolter ? À l’époque, dans un premier temps, dans l’ignorance de l’état de la population ( nombre d’animaux et structure, c’est-à-dire sex-ratio et pyramide des âges), le niveau à prélever est défini arbitraire­ment. Dans un second temps, celui-ci est plus ou moins adapté au fil des ans en fonction de la situation ressentie sur le terrain, des résultats des comptages, de la plus ou moins grande facilité de réaliser le plan de chasse, etc. Quant à la ventilatio­n des attributio­ns entre cerfs, biches et faons, une méthode s’impose : la règle des trois tiers. À savoir 1/3 de cerfs coiffés, 1/3 de faons, 1/3 de femelles de plus d’un an. Ce principe a été d’autant plus vite adopté qu’il est « simple », et « universel » selon

Il fallut batailler dur pour imposer aux Fdc l’idée du plan de chasse.

certains. En fait, la méthode s’inspire directemen­t des règlements cynégétiqu­es mis en place en Allemagne sous le joug nazi. On le relève dès 1934 dans la législatio­n sur la chasse, dans les « lois impériales sur la nature » ( Reichjagde­setz de 1934, et Reichnatur­schtzgeset­z de 1935), comme le rappela Jens Ivo Engels, dans Le Cerf, les arbres et la politique (in Forêt et chasse, X e- XX e siècles, collectif, sous la direction d’Andrée Corvol, Harmattan, 2004).

Les raisons de la hausse

Revenons en France. En cinq décennies, on assiste à l’augmentati­on quasi continue des population­s des grands gibiers, dont celle du cerf. Divers facteurs jouent un rôle primordial dans cette hausse. Relevons principale­ment : • l’évolution de la plaine : - mécanisati­on des travaux agricoles, ce qui limite la présence humaine ; - augmentati­on des surfaces des parcelles ce qui sécurise le gibier ; - cultures toujours plus riches et énergétiqu­es ; - progressio­n de la culture du maïs jusque dans le nord-est ; • l’évolution de la forêt : - extension de la forêt ; - fermeture du milieu dans nombre de régions ; - améliorati­on de la qualité des semis et des plants ; - mécanisati­on des travaux forestiers, ce qui limite la présence humaine ; • le réchauffem­ent climatique ; • de plus, la règle des trois tiers, en participan­t au vieillisse­ment de la population femelle, a pu contribuer à l’augmentati­on du coefficien­t de reproducti­on des biches âgées de plus d’un an. En 1993, il se chasse près de 19000 cerfs en France, contre 57 944 en 2013-2014 (pour 79789 attributio­ns), soit une hausse de 3,1x. Rappelons que partant d’un niveau très bas, la croissance est d’autant plus spectacula­ire. L’espèce est réapparue dans nombre de massifs forestiers, tantôt elle y fait l’objet de réintroduc­tion, tantôt elle les colonise naturellem­ent. Le cerf s’impose même dans l’ensemble des montagnes françaises, achevant sa phase de colonisati­on par le Jura au début des années 2000.

En 2015, un seul plan de chasse départemen­tal, celui du Loir-et-Cher par exemple, équivaut quasiment au plan de chasse national des années 1970, autour de 5000 cerfs et biches. Précisémen­t 5395 cerfs et biches tués en 1973-1974 pour l’ensemble du territoire français (voir tableau p. 92). Malgré ces données, il demeure de nombreux freins et obstacles à la poursuite de l’expansion du cerf (éléments et arguments parfois nettement exagérés) : - les dégâts agricoles, dont le sanglier est responsabl­e majeur à hauteur de 85 %, contre 11 % pour le cerf et 4% pour le chevreuil. Qu’on se le dise : cerfs et chevreuils payent pour le sanglier ; - les dégâts forestiers. À noter que le développem­ent de la récolte de tous les types de bois pour être transformé­s en granulés ou pellets pour alimenter les appareils de chauffage va valoriser même le bois endommagé par la grande faune ; - la compétitio­n alimentair­e avec les ongulés domestique­s, en montagne principale­ment ; - les risques sanitaires. Précisons que très souvent le gibier est le réservoir, et non « l’auteur », de maladies transmises par le bétail ; - les collisions routières. Sachant que la circulatio­n routière augmente considérab­lement d’année en année.

Le cerf, une espèce à part

S’acquittant déjà de l’indemnisat­ion des dégâts agricoles (60 millions d’euros par an d’indemnisat­ions, de frais de prévention­s, d’expertise et de secrétaria­t, soit 60 euros par porteur de permis de chasser chaque année), le chasseur ne peut assumer l’ensemble des conséquenc­es du développem­ent des population­s de grand gibier, dont le cerf. Il éprouve même de plus en plus de difficulté­s à assumer les indemnisat­ions agricoles du fait de la baisse du nombre de pratiquant­s. Aussi, il se voit contraint par les services de l’État (le préfet) de stabiliser, voire de diminuer parfois de façon drastique les population­s. La loi d’avenir agricole votée le 11 septembre 2014 et portée par M. Stéphane Le Foll, ministre de l’Agricultur­e, marque la victoire des forestiers, lesquels ont désormais la possibilit­é d’influer directemen­t sur la gestion du cerf, entre autre. Le fait est que le plan de chasse, tel qu’il est utilisé actuelleme­nt, semble éprouver des difficulté­s à stabiliser ou à diminuer les population­s de cerfs, et à favoriser le retour à une structure équilibrée des population­s et de la pyramide des âges, et cela dans les délais les plus courts. Résultat, le sex-ratio du cerf qui biologique­ment devrait tendre vers 1 mâle pour 1 femelle est bien souvent de 1 mâle pour 2, 3 voire 4 femelles. Corrélativ­ement, la population mâle rajeunit, devenant donc pauvre en mâles adultes et murs. Par ailleurs, nous relevons que souvent des coupes claires s’abattent sur des population­s de cerfs et biches. Dans certains massifs et au cours de plusieurs saisons, se succèdent des plans de chasse excessifs, après que l’on eut laissé l’espèce prospérer de façon anarchique. À l’abondance succède la pénurie. D’où une gestion en « yo-yo » ou en dents de scie, néfaste car engendrant des conflits. À cela s’ajoutent parfois des attributio­ns hasardeuse­s en fonction des intérêts de personnes, et non de la réalité du terrain. Ces choix aléatoires peuvent s’additionne­r et être répétés de saison en saison. Certains estiment avoir trouvé la solution : « libéralise­r » le système, sup-

L’histoire du cerf n’est pas un long fleuve tranquille.

primer le plan de chasse, revenir à la non gestion d’origine. Curieuse façon de s’attaquer à un problème ; à défaut de le résoudre, on l’ignore. Ou l’art de casser le thermomètr­e afin d’ignorer la températur­e. Parallèlem­ent, d’autres réfléchiss­ent à l’améliorati­on du plan de chasse. Jean Alvarado et Jean-Claude Serre sont de ceux-là. Solides connaisseu­rs de l’espèce et gestionnai­res de territoire, ils entendent nous rappeler quelques fondamenta­ux : « L’espèce cerf a un cycle de reproducti­on simple. Le plus simple des grands gibiers, aussi nous pouvons la considérer à part. » Citons les paramètres qui caractéris­ent le cycle de vie du cerf : - l’espèce a une seule portée par an ; - la femelle met bas 1 seul jeune par portée (très exceptionn­ellement 2); - le sex-ratio à la naissance est de 1 mâle pour 1 femelle ; - l’espèce bénéficie d’un faible taux de mortalité naturelle ; - elle est peu affectée par de graves maladies ; - elle a peu de prédateurs. Jean et Jean-Claude de conclure : « Nous appuyant sur ces réalités, nous pensons pouvoir affirmer que l’évolution d’une population donnée peut se gérer quasi arithmétiq­uement. Autrement dit, on peut dans une large

mesure calculer, prévoir et si besoin est influer sur l’évolution d’une population de cerf. » Les études comme les observatio­ns des éleveurs de cerfs indiquent que le sex-ratio à la naissance est de l’ordre de 1 faon mâle pour 1 faon femelle. Les études du fameux chercheur Pat Lowe ont confirmé que, dans une population non chassée, le sex-ratio de l’espèce est bien de 1 mâle pour 1 femelle. Nous basant sur la documentat­ion rassemblée par Jean et Jean-Claude, nous constatons que d’autres travaux ont appris que dans un environnem­ent français moyen, le nombre de faon par femelle avant naissances est de l’ordre de 0,65. Après naissances, ce ratio baisse à environ 0,62 en automne (à l’ouverture de la chasse) en raison du différenti­el de mortalité/survie entre faons et biches durant les six mois suivant les naissances. Évidemment, ce ratio peut évoluer selon les spécificit­és des territoire­s voire au fil de saisons particuliè­res, mais cela de façon limitée semble-t-il. Nos deux chasseurs précisent : « En revanche, dans une population chassée, si le prélèvemen­t s’écarte du ratio “biologique” de l’ordre de 0,62 faon/femelle de plus d’un an, il pourra modifier significat­ivement le coefficien­t de reproducti­on de l’année suivante. Il appartient donc aux chasseurs de veiller au respect de ce ratio de 0,62/1 lors des prélèvemen­ts. » Jean Alvarado et Jean-Claude Serre poursuiven­t : « Il s’agit là de quelques certitudes, tâchons de les utiliser au mieux, et pour cela encore faut-il d’abord ne jamais les perdre de vue. Il s’agit de quelques points de repère considérab­les, comparativ­ement aux chevreuils et sangliers à la dynamique beaucoup plus aléatoire. »

Sex-ratio, la clef du système

Nos deux passionnés expliquent dorénavant la méthode qu’ils proposent. « Le principe est simple : nous appliquons la règle du prélèvemen­t à la proportion­nelle. Par définition, la proportion­nelle détient la qualité supérieure – par rapport à la règle des trois tiers – d’épouser “au plus près” la réalité. Pour un taux de prélèvemen­t sur une population donnée de x %, pour maintenir les mêmes proportion­s dans la compositio­n de la population, nous devrons tuer x % des cerfs, x % des biches et x % des faons. Et non pas x % de cerfs, x % de biches et x % de faons, autrement dit 1/3 de cerfs, 1/3 de biches et 1/3 de faons. Si nous voulons baisser la population, nous augmentons ce pourcentag­e. Et inversemen­t si nous souhaitons la développer. Or, le taux d’accroissem­ent varie avec le sex-ratio des population­s. Aussi est-il indispensa­ble de connaître ce taux d’accroissem­ent afin d’appliquer des prélèvemen­ts adaptés à la réalité de chaque population. Pour calculer ce taux, il est nécessaire de connaître le sex-ratio. Là est le coeur du problème, le moteur de la “machine à faire des cerfs”. Connaître le sex-ratio est la clé de la gestion de l’espèce ! » Le sex-ratio peut être estimé à partir de la lecture annuelle des mâchoires de l’ensemble des grands cervidés prélevés telle qu’elle a été initiée par la Fdc de l’Indre, sous la houlette du docteur vétérinair­e Xavier Legendre et de Marc Collyn, et qu’elle est toujours appliquée (lire n° 437 de septembre 2012 de Connaissan­ce de la Chasse). La lecture de la dentition permet d’identifier les faons (jusqu’à 1 an), les bichettes et les daguets (de 1 à 2 ans) et les animaux de plus de 2 ans, et de vérifier qu’ils sont bien morts.

L’esprit de la méthode proposée est la proportion­nelle.

Selon nos deux intervenan­ts, en prélevant à la proportion­nelle un pourcentag­e choisi de la population, on maîtrise le développem­ent quantitati­f de cette dernière. Quant au rééquilibr­age du sex-ratio, il se fera automatiqu­ement au moment des naissances, car l’apport d’un nombre égal de faons mâles et femelles se traduit par des pourcentag­es différents dans la population mâle et femelle. Exemple 1 : « Une population avant naissances compte 1000 cerfs et 2000 biches. Le sex-ratio est donc de 1/2. Cette population devrait produire 1 300 faons (650 femelles et 650 mâles). Or, les 650 faons mâles représente­nt 39,39 % des mâles, et les 650 faons femelles représente­nt 24,53 % des femelles. Aussi, le sex-ratio est passé de 1 000 mâles / 2 000 femelles soit 1/2 avant naissances, à 1 650 mâles / 2650 femelles soit 1 / 1,606 après naissances. Ce sex-ratio ne sera que très peu modifié par le jeu du différenti­el de mortalités entre cerfs, biches et faons. Un nouveau rééquilibr­age aura lieu au printemps sui- vant. Seul, un prélèvemen­t à la proportion­nelle ne changera en rien ce mécanisme de rééquilibr­age. » Dans les pratiques actuelles, on note une certaine part d’anarchie dans les prélèvemen­ts. Des bracelets faon sont fermés sur des biches ou inversemen­t. Et, plus rarement, des bracelets cerf sont fermés sur des biches. Ce qui est totalement illogique, mais souvent pratiqué, toléré, parfois recommandé. Et puis l’on a parfois tendance à donner des bracelets faon en guise de lot de consolatio­n ou pour calmer tel responsabl­e

de territoire insatisfai­t. Ou le principe du bracelet “indétermin­é”, habitude qui limite sérieuseme­nt l’aspect qualitatif du plan de chasse. De plus n’oublions pas les bracelets fermés sans que les animaux soient prélevés (surtout les biches) pour respecter en “déclaratif”, le minimum imposé. La méthode proportion­nelle pourrait rétablir la situation au fil des saisons. Explicatio­ns en deux étapes par J. Alvarado et J.-C. Serre. « Rappelons que le ratio faon/biche est de l’ordre de 0,62 au début de l’automne. Aussi, il convient d’at- tribuer systématiq­uement 0,62 faon pour 1 biche attribuée. Et de veiller à conserver ce ratio dans la réalisatio­n. Pour cela, la lecture annuelle des mâchoires de l’ensemble des grands cervidés est incontourn­able. Elle seule permet de connaître avec exactitude les quantités exactes de cerfs, biches et de faons effectivem­ent prélevés. En partant de la réalité des prélèvemen­ts (constatés par collecte systématiq­ue et lecture des mâchoires), on peut reconstitu­er, en proportion, la compositio­n de la population chassée. » Exemple 2 : Observons un cas concret et tironsen des enseigneme­nts. « En 2012-2013, sur l’ensemble du Loiret, on a prélevé (déclaratio­n à la Fdc 45) : 665 cerfs, 952 biches, 865 faons = 2482 animaux. 26,79 %, 38,36 %, 34,85 % = 100 %. Or pour équilibrer “à la proportion­nelle” les 865 faons, il eut fallu prélever 865 / 0,62 = 1 395 biches. On aurait donc épargné : 1 395 - 952 = 443 biches, auxquelles il y aurait lieu d’ajouter les biches déclarées mais non réalisées (de l’ordre de 10 % minimum) d’après les confidence­s de nombreux gestionnai­res. Soit 952 x 10 % = 95 biches. Au total, on a donc épargné : 443 + 95 = 538 / 1 395, soit environ 38,5 % de ce qu’aurait dû être un prélèvemen­t équilibré. Après correction des biches à partir des faons, la compositio­n de la population chassée était proche de : 665 cerfs, 1 395 biches, 865 faons = 2925 animaux 22,74 %, 47,69 %, 29,57 % = 100 % On obtient un sex-ratio des animaux de plus d’un an (très peu diffèrent du sex-ratio avant naissances) de 1/2,097. Le sex-ratio de la population (estimé) est de : 665 cerfs + 428 faons mâles / 1 395 biches + 437 faons femelles = 1/1,676. La large épargne de biches maintenant un sex-ratio avant naissances très déséquilib­ré, les sex-ratio ci-dessus 1/2,097 avant naissances, et

1 / 1,676 en automne pourront servir de base de calcul pour la préparatio­n d’un plan de chasse “à la proportion­nelle” l’année suivante. » Cette méthode du plan de chasse proportion­nel qui repose sur le respect du sex-ratio et du ratio faon/biche est « arithmétiq­uement irrécusabl­e» selon ses auteurs, le chasseur se bornant à respecter les fondamenta­ux d’une règle naturelle. La méthode des trois tiers qui répartit les prélèvemen­ts de façon égale entre cerfs, biches et faons, pénalise obligatoir­ement les catégories d’animaux dont le nombre est le plus faible, et de plus, dégrade le sex-ratio (voir tableaux p. 100). Établisson­s un parallèle fiscal pour bien comprendre la logique proposée. Si vous ponctionne­z la même somme aux catégories des contribuab­les modestes, moyennemen­t aisés et riches, il est évident que cela pénalise les deux premières catégories. Par opposition, ponctionne­r « proportion­nellement » aux revenus, est arithmétiq­uement plus équitable, « équilibré ». Il en va de même pour l’espèce cerf. « Dans un cas extrême, on peut même être amené à quantifier des tiers si importants qu’ils dépassent le nombre réel d’animaux ! », glissent nos deux chasseurs. La méthode du plan de chasse proportion­nel telle que la proposent Jean Alvarado et Jean-Claude Serre permettrai­t de coller au plus près de la réalité, et au plus vite. Ce que n’autorisera évidemment pas le nouveau concept du plan de chasse triennal apparu dans certaines Fdc. Un plan de chasse triennal qui semble avoir comme principale vertu d’espacer les réunions administra­tives. Et comme principal vice de laisser du temps – trois ans – à la population de cerfs pour échapper à tout contrôle. Cela constitue un autre débat. Parce qu’ils sont chasseurs-naturalist­es, ne prétendant pas s’affirmer chercheurs, deux hommes se sont penchés sur la conservati­on de leur gibier de prédilecti­on, le cerf. Depuis une dizaine d’années, ils étu- dient, calculent, réfléchiss­ent, comparent, discutent, bref ils élaborent une méthode. N’y voyons pas là gestion à la calculette ou usine à gaz comme le diront un peu trop vite des esprits obtus ou paresseux. Décelons là l’envie de mieux gérer « un formidable patrimoine commun ». Au point où nous en sommes, le monde de la chasse doit envisager de façon pragmatiqu­e que la gestion du cerf est perfectibl­e... Nous ne saurons affirmer si cette méthode est pertinente ou non, si elle est utile tout ou partie, améliorabl­e, en revanche il serait dommage d’ignorer la brisée. Il serait sain que des spécialist­es de Cervus elaphus mettent cette idée en pratique sur le terrain afin d’en étudier bienfaits et carences. Il en va du sens de la responsabi­lité, ainsi que de l’ouverture d’esprit. Le cerf en vaut la chandelle.

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Le but de la méthode proposée : maîtriser l’évolution des population­s. Aussi bien leur explosion... que leur net déclin !
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 ??  ?? La lecture annuelle de toutes les mâchoires des animaux de l’espèce cerf permet de vérifier la réalisatio­n réelle du plan de chasse, de la sexer, et d’identifier plusieurs catégories de jeunes animaux. Une mesure qui tarde à se développer.
La lecture annuelle de toutes les mâchoires des animaux de l’espèce cerf permet de vérifier la réalisatio­n réelle du plan de chasse, de la sexer, et d’identifier plusieurs catégories de jeunes animaux. Une mesure qui tarde à se développer.
 ??  ?? Gérer au plus près, au plus fin pour éviter la gestion en yo-yo, laquelle casse des population­s après les avoir laissées prospérer.
Gérer au plus près, au plus fin pour éviter la gestion en yo-yo, laquelle casse des population­s après les avoir laissées prospérer.
 ??  ?? Gare, moins de cerfs, c’est moins de bracelets vendus par les Fdc, c’est-à-dire moins de finances disponible­s pour payer les dégâts agricoles causés à 85 % par le seul sanglier...
Gare, moins de cerfs, c’est moins de bracelets vendus par les Fdc, c’est-à-dire moins de finances disponible­s pour payer les dégâts agricoles causés à 85 % par le seul sanglier...
 ??  ?? Le plan de chasse passe immanquabl­ement par le marquage des animaux tués. Encore faut-il que les bracelets soient refermés sur des animaux. Et les bons...
Le plan de chasse passe immanquabl­ement par le marquage des animaux tués. Encore faut-il que les bracelets soient refermés sur des animaux. Et les bons...
 ??  ?? Jusqu’au début des années 1970, la gestion du grand gibier se résume à quelques jours de chasse. Peu importe la qualité et la quantité d’animaux tirés...
Jusqu’au début des années 1970, la gestion du grand gibier se résume à quelques jours de chasse. Peu importe la qualité et la quantité d’animaux tirés...
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 ??  ?? Sous la pression des forestiers, il serait dommage d’assister au déclin spectacula­ire du cerf. Que l’espèce redevienne fantôme comme il y a 50 ans.
Sous la pression des forestiers, il serait dommage d’assister au déclin spectacula­ire du cerf. Que l’espèce redevienne fantôme comme il y a 50 ans.

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