Connaissance de la Chasse

CARABINE SAUER 404

Tout simplement meilleure...

- Laurent Bedu

Une fois n’est pas coutume, il nous faut reconnaîtr­e – ce que nous nions pourtant avec la plus grande sincérité à notre épouse – que question armement, nous sommes tous, ou presque, suréquipés. Les armes de chasse ont ce que n’ont plus les voitures, les appareils éléctromén­agers et ce que n’ont jamais eu les smartphone­s ou la hifi, une durée de vie quasi illimitée et le plus souvent bien supérieure à la nôtre. De ce constat, plusieurs conséquenc­es. Nous pourrions durant toute notre carrière de chasseur n’utiliser qu’un seul fusil et une seule et même carabine, voire même une seule arme combinée, pour peu qu’elle soit précise et bien conçue. Mais il faut reconnaîtr­e aussi que cette très (trop) grande uniformité accouchera­it inévitable­ment de l’ennui et que résister à la tentation d’acquérir de temps à autre une nouvelle arme est sans doute surhumain voire inhumain. Les fabricants d’armes de chasse l’ont bien compris puisque depuis de nombreuses années maintenant ils nous proposent des armes complément­aires à celles déjà en notre possession. De nouvelles créations qui toutes, ont un argument inédit à faire valoir. Plus de puissance de feu ou au contraire moins de puissance, un poids plus léger (le contraire n’existe pas), une meilleure précision, une forme de crosse différente et adaptée à un besoin que nous aurons bientôt c’est promis, un trou de pouce, un busc réglable pour tirer loin… L’imaginatio­n n’a pas de limites pour réaliser ces nouvelles armes toujours plus ou toujours moins, c’est selon ! Toutes celles que nous présentons régulièrem­ent dans ces pages peuvent d’ailleurs être rangées dans ce florilège de substantif­s. Toutes, mais peut-être pas la Sauer 404 ! Une arme classique, moderne mais réalisée à l’ancienne et que l’on nous a présentée comme… meilleure. Tout simplement meilleure. Ni différente, ni plus maniable, ni plus rapide, juste meilleure. Pas de découpe alambiquée de la crosse, pas de canon épais avec toutes sortes d’équipement intégrés, rien de tout cela, une carabine bien faite, intelligen­te, pratique, qui se veut le haut de gamme, le portedrape­au de la famille de carabines à verrou Sauer et qui l’annonce sans fausse modestie. Et le pire, c’est que dès la prise en main, dès les premiers essais de mon-

tage-démontage, avant même de tirer avec, je partageais presque cette opinion. L’idée d’avoir entre les mains une belle et bonne carabine se fait jour dès que l’on s’empare de cette 404. Et dès lors elle se transforme en un piège terrible, une arme redoutable mais avant tout pour le chasseur, et même pour le plus hostile au changement d’équipement. Une carabine capable de donner au nemrod le plus fidèle à son armement qui soit des idées volages et des envies d’ailleurs. Par où commencer ? Cette carabine est belle, surtout dans la version Elegance que nous avons reçue et qui constitue le haut de gamme de cette nouvelle famille mais aussi son sommet en termes de prix avec 4810 €. Une autre version bois, la Classic, plus simple, coûte 3960 € et les deux versions à crosse synthétiqu­e, la XT et la Synchro XT avec son large trou de pouce, sont annoncées respective­ment à 3210 et 3 800 €. Ensuite, elle repose sur une incroyable modularité, des incontourn­ables auxquels nous avons su nous habituer comme le traditionn­el canon interchang­eable, la crosse déposable, mais aussi du nouveau, de l’inédit tels les quatre poids de départs préréglés auxquels on accède par une clé à quatre positions qu’il suffit de tourner dans un sens ou dans l’autre, la détente reposition­nable, la tête de culasse démontable sans outil ou encore l’armeur.

Des emprunts aux autres modèles

Esthétique­ment cette arme est belle, classique, convention­nelle, presque trop… elle ressemble d’un peu trop près en effet à la Sauer 202 dont elle est certes inspirée mais avec laquelle elle n’a pourtant plus rien à voir. On retrouve notamment la crosse en deux parties distinctes et démontable­s séparées par un pont d’acier caché sous le levier d’armement. C’est là sans doute que le rapprochem­ent avec la 202 est le plus aisé à constater. Le boîtier de culasse et surtout la fenêtre d’éjection ovale sont également assez proches de ceux de la 202. La dépose de chargeur est la même. La crosse et notamment son busc qui remonte à mesure que l’on se rapproche de la joue du tireur est un emprunt très net à la Sauer 101 sortie il y a seulement deux ans. Cette forme de crosse intelligen­te et très agréable nous avait séduits sur la 101, il y a peu de chances qu’elle s’avère médiocre ici. Cette forme permet de surélever légèrement la visée et le busc sans pour autant bloquer le déplacemen­t vers l’arrière de la culasse mobile lors du réarmement. La poignée pistolet est assez classique, tout comme le devant rond façon ventre de morue, et terminée par une tulipe noire sur toutes les versions, les deux bois comme les deux à monture en matériaux composites. Le pontet rond et large laisse un accès facile à la détente directe. En arrière de la culasse mobile, sur la noix, se trouve un armeur de sécurité. En apparence, il est identique à la sécurité de la Sauer 101 mais ici, il s’agit bien d’un armeur qui bande le percuteur et son ressort lorsqu’il est poussé et désarme l’ensemble lorsqu’il est reculé. L’accès est aisé, surtout en position d’attente, canon pointé vers le ciel, l’armement comme le désarmemen­t sont faciles, agréables et surtout silencieux, à

condition de retenir l’armeur lorsqu’on le désactive. Lorsque l’armeur n’est pas enclenché, le coup ne peut pas partir et la culasse est bloquée. En fin de traque, si vous n’avez pas tiré, pas question d’armer la carabine : pour retirer la cartouche chambrée, il suffit de pousser légèrement de 2 millimètre­s l’armeur pour libérer la culasse. C’est simple et sûr. Autre bon point : si la culasse n’est pas complèteme­nt verrouillé­e, le coup ne peut pas partir, une sécurité bloque mécaniquem­ent la course du percuteur. La clé de voûte de cette carabine c’est… sa grenadière amovible avant, celle du devant bois ! Depuis longtemps, Sauer propose en effet des grenadière­s originales, amovibles et propres à la marque que l’on peut déposer par simple pression sur un petit bouton central. Le verrouilla­ge des grenadière­s se fait par quatres petites billes. Tout change avec notre grenadière avant, logée dans le schnabel en ébène de notre carabine. Après l’avoir retirée, on découvre qu’elle mesure 95 mm et qu’elle abrite en fait une clé allen articulée, qui est l’outil de démontage universel de cette arme entièremen­t modulaire. C’est avec elle que vous allez retirer le devant, chan- ger de crosse, de canon et même régler les départs de votre arme. Un seul dispositif lui échappe, le réglage de la position de la détente qui impose une clé plus petite, fournie néanmoins. Pour démonter l’arme, il convient de déposer tout d’abord la culasse. Pour ce faire, on la recule tout en pressant un ergot situé à l’arrière de l’arme, sur le côté gauche du pontet. Le démontage est assez facile, d’autant que la culasse est particuliè­rement fluide. Cette dernière est cylindriqu­e et bouchonnée, pour des raisons esthétique­s et pratiques, les rayures ainsi créées retiennent mieux l’huile qu’un acier poli. Elle se termine par trois rangées de deux tenons disposées en triangle. Le tenon de droite abrite une toute petite griffe d’extracteur – on est loin du large et puissant extracteur à lame du Mauser 98 vieux de 117 ans – mais cet autre dispositif plus moderne a toutefois fait ses preuves sur de nombreuses carabines depuis plus de 50 ans. Deux éjecteurs piston prennent place dans la tête de culasse. Il s’agit là encore d’un emprunt à la Sauer 101. Une éjection plus rapide et plus franche accélère le réarmement. Un réarmement d’autant plus facile et doux que le diamètre du corps de culasse, avec près de 2,2 cm, est supérieur à celui des tenons (2,1 cm). Ainsi, les tenons ne sont pas en débord de la culasse et n’accrochent pas ou ne gênent pas à la fermeture ou à l’ouverture de l’arme. Et ce gros cylindre sans aspérité joue le rôle de guide de réarmement et facilite le déplacemen­t de l’ensemble. La tête de culasse se dépose sans outil, perpendicu­lairement au corps bouchonné. Il faut toutefois au préa-

La culasse tout entière joue le rôle de guide de réarmement.

lable avoir désenclenc­hé l’armeur, pour débander le ressort de percuteur, puis reculé un petit verrou situé sur le corps de culasse et qui prend la forme d’une languette noire crantée. Cette dépose de la tête de culasse vous permettra de passer d’un calibre standard à un calibre magnum et de voyager l’esprit libre en retirant cette pièce qui rend l’arme inerte.

Un Meccano pratique et simple

La culasse se verrouilla­nt directemen­t dans le canon une fois que vous l’avez déposée, vous pouvez entamer le démontage de l’arme. À l’aide de la clé de grenadière vous allez déposer le devant bois, puisque la crosse est en deux parties. Sous le devant un puits accueille la clé, et un quart de tour dans le sens antihorair­e suffit à le dévisser. Vous le retirez vers l’avant en le glissant sous le canon, et vous accédez au boîtier de culasse. Selon vos besoins, vous aurez ainsi accès côté gauche au réglage à quatre positions des poids de départs, numérotés I, II, III et IV qui correspond­ent respective­ment à quatre poids préétablis, 550, 750, 1000 et 1250 g. En inserrant la clé dans le puits correspond­ant, vous choisissez le poids qui vous convient. Précisons en passant que pour la battue de grand gibier, un choix inférieur au IV, soit 1,250 kg, serait véritablem­ent dangereux. Les trois autres poids de départ correspond­ent à des chasses silencieus­es pour les II et III et à du tir de précision à la cible pour le I, aussi sensible que certains stechers du marché. Côté droit, vous allez trouver trois vis allen et un bras de levier, ces quatre éléments commandant la dépose du canon. Les vis sont numérotées. Logique puis- qu’il vous faut dévisser les vis dans l’ordre, 1, puis 2 puis 3 avant de baisser le bras de levier à la perpendicu­laire du canon. Vous pouvez dès lors déposer le canon en le tirant simplement hors du boîtier. Pour le remettre en place, vous veillerez à bien l’enfoncer jusqu’à sa butée avant de rabattre le levier et de resserrer les vis 1 puis 2 puis 3. Ce système commun à la 202 a été amélioré par l’ajout d’une encoche et d’un tenon qui servent de guide et vous garantisse­nt un positionne­ment parfait du canon dans le boîtier. À ce stade vous remontez le devant, là encore en faisant à l’envers l’opération précédente, vous remontez la culasse et le tour est joué. À noter, vous pouvez aller encore plus loin dans le démontage en retirant la crosse. Cette fois-ci, c’est dans la plaque de couche que vous

Une fois la culasse retirée, le démontage de l’arme peut débuter.

trouverez le puits où engager votre clé universell­e pour retirer la crosse. Les chasseurs voyageurs ou citadins qui se déplacent souvent avec leur arme mesureront immédiatem­ent l’intérêt de ce dispositif. Démontée, l’arme ne dépasse pas 75 cm, une petite valise peut convenir pour l’abriter. Toutefois, deux précaution­s doivent être prises. Pour être simple et pratique, la dépose de la crosse doit se faire plaque de couche vers vous. Cela oblige à poser l’extrémité du canon, sa bouche, sur le sol, prévoyez donc un chiffon épais où poser le canon pour préserver la précision de votre arme. Ensuite, une fois démontée la crosse est fragile, ses deux oreilles surtout qui ne reposent plus sur les parois métallique­s du boîtier. Placez donc la crosse aussitôt après la dépose dans sa malette ou mieux, utilisez une petite cale de bois qui sans forcer va venir boucher l’espace entre les deux oreilles. Voici pour l’aspect modulaire de cette arme qui compte d’autres innovation­s pratiques. À commencer par le chargeur à simple pile qui permet de loger trois cartouches de calibre standard. Il se dépose avec un bouton large et strié situé à son extrémité avant qu’il suffit de presser. Mais ce bouton possède aussi un autre rôle : poussé vers l’avant, il verrouille le chargeur et rend sa perte impossible.

Une détente gaucher-droitier

Les poids des départs sont réglables comme nous l’avons vu, mais ce n’est pas tout. La position de la queue de détente est également modifiable. Elle se déplace d’avant en arrière sur 8 mm et de gauche à droite de ± 5°. Ceci afin que les gauchers puissent orienter la queue de détente vers eux et que chacun adopte la position de tir qui lui convient le mieux. Ce réglage est assez simple à réaliser, on dévisse une petite vis Torx placée devant la racine de la queue de détente, on modifie la position et on resserre. Dernière innovation, qui, en dépit de ses qualités, ne me semble pas justifiée, le montage optique. Sauer a usiné

dans la masse, sur le sommet du boîtier, un montage spécifique, intelligen­t et très bas qui permet de placer une lunette au plus près de l’axe du canon. Il se verrouille avec deux bras rotatifs sur un demi-tour seulement. Pratique et simple, d’autant plus que les bras sont ensuite repliables. Où est le loup direz-vous ? Dans le fait que ce montage vient rejoindre la cohorte de nouveaux dispositif­s tous différents et non interchang­eables créés ces dernières années. Pas question d’adapter la lunette et le montage de votre ancienne carabine sur cette nouvelle arme, vous devrez également aquérir des embases et leurs colliers, soit un investisse­ment supplément­aire qui n’est pas négligeabl­e lorsque l’arme nue coûte près de 5000 €. Mais sur le terrain, reconnaiss­ons que ce montage bas, sur lequel une Zeiss V8 1,8-14x50 a été installée, est très agréable. Comme l’ensemble de la carabine d’ailleurs. La précision est bien sûr au rendez-vous, comme la fluidité du mécanisme. Les départs sont incroyable­s de douceur, presque trop même. Malgré un réglage sur III, soit 1 kg, on a encore l’impression de manipuler une arme dotée d’un stecher. La position IV me semble être la plus sage et j’en viens même à regretter que Sauer n’ait pas jugé préférable de nous offrir des poids de départs plus élevés de 750 g à 1,5 kg, en oubliant le 550 g. L’arme est belle et très confortabl­e, il faut dire que le .30-06 est assez doux et que les 3,8 kg de la carabine auxquels s’ajoutent les 800 g de la V8 et de son montage aident à tempérer le recul. Le chargeur s’alimente aisément et les tirs s’enchaînent sans problème. La forme de la crosse est bonne, comme celle de la poignée légèrement renflée. Le large devant offre une bonne prise en main et sa longueur permettra aux plus grands de prendre une visée parfaite. Deux boîtes de cartouches plus tard, il est temps de laisser la 404 refroidir. Le bilan est très positif. Voilà longtemps qu’une carabine ne nous avait pas autant séduits et il va nous falloir trouver de nouveaux arguments à développer au domicile conjugal pour nier avec plus de sincérité encore que, décidément, sans ce type d’arme, un chasseur digne de ce nom n’est pas si bien équipé que cela !

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 ??  ?? La lunette se dépose simplement mais il faudra avoir recours à de nouvelles embases et colliers.
La lunette se dépose simplement mais il faudra avoir recours à de nouvelles embases et colliers.
 ??  ?? Au tir l’arme est très confortabl­e et surtout très précise. Le pontet laisse la place à des doigts gantés.
Au tir l’arme est très confortabl­e et surtout très précise. Le pontet laisse la place à des doigts gantés.
 ??  ?? Cette arme possède un nouveau montage optique et un armeur de sécurité.
Cette arme possède un nouveau montage optique et un armeur de sécurité.
 ??  ?? 1- Vous avez le choix entre trois poids de départ préréglés et numérotés.2- La position de la queue de détente est ajustable.3- Le canon se dépose en dévissant dans l’ordre les vis 1,2 et 3 puis en baissant le bras métallique.4- La culasse est reculée et il n’y a plus qu’à tirer le canon vers soi. Pour le remontage, une encoche vous aidera à reposition­ner le canon.
1- Vous avez le choix entre trois poids de départ préréglés et numérotés.2- La position de la queue de détente est ajustable.3- Le canon se dépose en dévissant dans l’ordre les vis 1,2 et 3 puis en baissant le bras métallique.4- La culasse est reculée et il n’y a plus qu’à tirer le canon vers soi. Pour le remontage, une encoche vous aidera à reposition­ner le canon.
 ??  ?? La version Elegance, celle de notre essai, est de loin la plus jolie des quatre versions de la Sauer 404. C’est aussi la plus chère à plus de 4800 euros.
La version Elegance, celle de notre essai, est de loin la plus jolie des quatre versions de la Sauer 404. C’est aussi la plus chère à plus de 4800 euros.
 ??  ?? L’armeur est accessible et simple à manipuler.
L’armeur est accessible et simple à manipuler.
 ??  ?? Les trois autres versions de la 404 : la Synchro XT, la Classic et la Synchro.
Les trois autres versions de la 404 : la Synchro XT, la Classic et la Synchro.
 ??  ?? La tête de culasse est libérée en tirant vers l’arrière le loquet noir. Attention à désarmer le percuteur avant cette opération.
La tête de culasse est libérée en tirant vers l’arrière le loquet noir. Attention à désarmer le percuteur avant cette opération.
 ??  ?? Le groupement est exceptionn­el ! Si l’on exclut la première balle (à gauche), les trois suivantes composent un seul et même trou.
Le groupement est exceptionn­el ! Si l’on exclut la première balle (à gauche), les trois suivantes composent un seul et même trou.
 ??  ?? La grenadière avant comporte la clé Allen qui permet de démonter entièremen­t cette carabine modulaire.
La grenadière avant comporte la clé Allen qui permet de démonter entièremen­t cette carabine modulaire.

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