Connaissance de la Chasse

Ennemi mortel

- François-Xavier Allonneau fx.allonneau@editions-lariviere.fr

Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage ». Paraphrasa­nt le bon maître La Fontaine, nous écririons : « Qui veut tuer son cerf, l’accuse de ravages. » Le 15 février dernier, l’Onf a marqué un superbe point en inspirant un reportage au journal de 20 heures de France 2. Alors que le titre du reportage s’inscrit et demeure sur l’écran (« Forêt : des cerfs trop voraces »), le commentair­e ne fait pas dans la dentelle. Dès le début de ces 4,17 minutes, le cerf est qualifié d’ « ennemi mortel » de la forêt. Puis nous apprenons que : « Depuis 30 ans, chevreuils et cerfs se multiplien­t. On peut les voir sur les chemins, pas effarouché­s […] broutant en troupeau. » Ah les sales bêtes ! « Les animaux sont tellement nombreux qu’ils ne trouvent plus assez de nourriture et s’attaquent aux jeunes arbres, c’est l’abroutisse­ment. » Bigre, n’est-ce pas là un comporteme­nt alimentair­e normal ? Un chasseur donne un autre son de cloche : « La forêt a un rôle de production, mais elle a aussi un rôle d’accueil de la faune sauvage. » À cette interventi­on succède un commentair­e égratignan­t : « Les chasseurs préfèrent ne pas tuer trop de bêtes sauvages pour être sûrs d’en retrouver assez les années suivantes. » Irresponsa­bles chasseurs. Le site internet de France 2 en remet une couche : « Environnem­ent : la forêt menacée par les bêtes sauvages. La proliférat­ion de millions de chevreuils et de cerfs met actuelleme­nt les arbres des forêts françaises en danger. Explicatio­ns avec France 2. » Voilà une opération de communicat­ion parfaiteme­nt réussie.

Plus que jamais, la grande faune sauvage est accusée de mille maux : le grand gibier propage des maladies, il véhicule les tiques – lesquelles propagent elles-mêmes des maladies –, il occasionne des accidents de la circulatio­n, il met en péril la forêt française. Tout cela avec la complicité des chasseurs.

Relevons ici le silence assourdiss­ant des grandes centrales dites de protection de la nature sur ce dossier. Excepté les associatio­ns regroupant des naturalist­es locaux, jamais les « écolos » ne s’intéressen­t au chevreuil, au cerf, et encore moins au sanglier, considérés comme de simples gibiers. Quid du monde de la chasse ? La Fédération nationale des chasseurs, et l’Associatio­n nationale des chasseurs de grand gibier doivent-elles réagir ? Le veulent-elles ? N’est-il pas possible voire nécessaire de riposter d’une manière ou d’une autre à un reportage, disons tendancieu­x, vu par 4 à 5 millions de personnes. Une paille ?

Ici nous ne chassons pas assez, là-bas trop paraît-il. Le 18 janvier dernier, des députés européens ont rédigé une déclaratio­n demandant l’interdicti­on d’importatio­n de l’ensemble des trophées de chasse dans l’Union européenne. La mouvance du droit animal et de l’anti-chasse aura très certaineme­nt été encouragée dans cette démarche par l’affaire du lion Cecil (1er juillet 2015) ainsi que par celle de l’éléphant chassé – légalement – au Zimbabwe mais considéré par certains comme trésor national car âgé de plus de 50 ans (7 octobre 2015). Rappelons que le 12 novembre 2015, après avoir interdit l’importatio­n en France des trophées de lion légalement obtenus, Ségolène Royal écrivait à Brigitte Bardot : « En ce qui concerne les trophées des autres espèces, je suis favorable à un encadremen­t beaucoup plus strict des trophées de chasse. » La ministre s’engagea à porter le débat au niveau de l’Europe. Le 18 avril prochain, nous saurons si l’Union européenne exauce les souhaits de Madame Royal. L’Uicn (Union internatio­nale pour la conservati­on de la nature) voit les choses autrement : « Une chasse sportive peut contribuer à la conservati­on de la biodiversi­té en raison des avantages sociaux et économique­s qu’elle entraîne. »

Le risque : que l’émotion l’emporte sur la conservati­on. Bonne lecture à toutes et à tous.

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