Ours et bouquetin : mélange des genres
Le 6 janvier 2000 à Ordesa, en Aragon, une vieille femelle bouquetin mourait écrasée par la chute d'un arbre lors d’une nuit de tempête. Rarement la chute d’un arbre aura eu un effet aussi insoupçonné ! Ainsi, disparaissait définitivement la race dans la chaîne de montagnes transfrontière et, avec elle, l’argument maintes fois énoncé par les autorités espagnoles (mais qui ne manquait pas de légitimité) : l’impossibilité de réintroduire une sous-espèce en raison d’un risque de pollution. Mais l’attachement à la pureté génétique de cette espèce du côté espagnol était tenace puisque plus de dix ans après (en 2012), il était toujours envisagé de cloner la souche pyrénéenne de bouquetins à partir des échantillons de la dernière défunte. En parallèle, une toute autre politique était menée sur l’ours côté français. Dès 1996, des sujets de souche slovène (captures dans la reserve de Medved) étaient lâchés à Melles (Haute- Garonne) dans le but de s’accoupler avec les derniers représentants d’une souche pyrénéenne en sursis.
plique Jordi Estebe. Ces cabris ont survécu à l’hiver. Une saison à haut risque pour tous les animaux qui vivent en montagne, et particulièrement pour les jeunes. Tout juste âgés d’un an, ils sont désormais devenus éterles ou éterlou. Ce taux de survie est encourageant pour la suite du programme. Malgré ces naissances, l’accroissement de la population est négatif puisqu’il faut y intégrer les pertes annuelles. Un mâle fut notamment pris par une avalanche l’hiver dernier (région de Cauterets). D’autres animaux seraient morts de froid. Sept au total auraient disparu. Malgré tout, le taux de survie de 95 % est particulièrement important et bien au-dessus des taux habituellement rencontrés pour les opérations telles que les réintroductions d'espèces. » D’après la charte nationale sur la réintroduction du bouquetin, un taux d’accroissement annuel de 20 à 30 % pour cette population serait, à terme, un gage de réussite de l’opération. L’espèce n’a pour l’heure que peu à craindre de ses prédateurs naturels. Seul l’aigle royal cible principalement les très jeunes sujets.
Positif mais relativement
Si l’opération semble aujourd’hui se dérouler positivement, quelques réserves sont cependant émises. C’est sur la « pauvreté génétique » dont souffre l’espèce que s’inquiète Jean-Paul Crampe, technicien qui a travaillé durant trente années pour la réussite de ce projet : « Le génome de ces animaux est pauvre. Il faut savoir que les deux sousespèces existantes encore aujourd’hui (lire encadré page 50) reviennent de loin. Au début du franquisme (en 1936), on ne connaît plus que quelques dizaines de sujets dans chaque massif ibérique. Si aujourd’hui ils sont des dizaines de milliers, il n’en demeure pas moins que leur base génétique (victime d’homozygotie) est pauvre donc fragile. » C’est cette fragilité génétique du bouquetin ibérique qui inquiéterait certains experts. La survivance de certaines épizooties reposant sur des allers et retours entre les mondes sauvages et domestiques (et réciproquement). Le cas médiatique des « bouquetins du Bargy », où 300 d’entre eux ont été abattus afin de lutter contre un foyer de brucellose, est saisissant. Toutes les précautions ont donc été prises. Avant d’être relâchés, les bouquetins capturés en Espagne font l’objet de prélèvements et d’analyses sanguines.
Les chasseurs jouent le jeu
Une fois n’est pas coutume, la réintroduction du bouquetin ibérique en France semble faire consensus. Les chasseurs se sont engagés pleinement dans cette réintroduction après s’être assurés qu’il n’y aurait pas de sanctuarisation des espaces concernés. « Si les chasseurs se font de précieux relais d’observation