De boue et vautrés
Janvier, Marc Longuet est en safari photo dans le sud de la Tanzanie, plus précisément dans la région marécageuse des lacs Katavi et Chada. Ce secteur bien irrigué abrite la plus grande concentration d’hippopotames du pays. Et comme partout ailleurs en Afrique, les mastodontes amphibies craignent particulièrement les brûlures du soleil. C’est ainsi qu’ils passent les heures chaudes de la journée immergés dans l’eau ou, à défaut, dans la boue, pour se protéger. Il faut savoir que les « chevaux du fleuve » sont dépourvus de glande sudoripare et ne disposent d’aucun autre moyen pour réguler la température de leur corps. En revanche, ils sécrètent par les pores de leur peau glabre un liquide baptisé « sueur de sang » qui fait office de crème solaire naturelle. Une fois à l’air libre, cette substance prend petit à petit une teinte orangé-rouge (d’où son surnom) pour virer ensuite au brun. Après analyses, les scientifiques ont trouvé dans ce produit deux pigments très acides. L’un d’eux, l’acide hipposudorique, stoppe le développement des bactéries pathogènes et laisse penser que la sécrétion possède un effet antibiotique. Associé à l’autre pigment, l’acide norhipposudorique, il absorbe de façon optimum la lumière dans la gamme ultraviolette et lui donne son pouvoir d’écran solaire. Les hippopotames stationnent l’essentiel du jour dans l’eau ou la boue et rejoignent la terre à la tombée de la nuit pour aller paître. Ils peuvent ainsi parfois s’écarter de plusieurs kilomètres de leur point de départ. L’aurore donne le signal du retour à l’eau. Et là, malheur à celui, humain ou animal, qui se trouve sur le passage de ces bulldozers. Rappelons que ce faussement balourd est très rapide et que, de toute la grande faune sauvage africaine, c’est lui qui cause le plus de décès. Il est beaucoup plus dangereux que le buffle, le lion, le crocodile ou l’éléphant. Marc Longuet, avec Philippe Aillery