Pendant ce temps-là...
Longtemps, trop longtemps, nous nous sommes bercés d’illusions. Nous avons cru, nous avons voulu croire, que le grand gibier sauverait, à lui seul, la chasse. Peut-être nous sommes-nous menti… Plus le petit gibier, principalement sédentaire, montrait des signes de fatigue, plus l’on se tournait vers le grand gibier. Lequel fort opportunément affichait des signes, pour le coup, de bonne santé. En effet, chevreuils, sangliers, cerfs, isards, chamois et mouflons étaient favorisés comme jamais par de nombreux facteurs. Aux repeuplements d’aprèsguerre, aux premières applications de la gestion, s’ajoutèrent de façon plus déterminante encore des territoires toujours plus nombreux et accueillants pour la grande faune sauvage. Exode rural, météo clémente, fermeture du milieu, parcelles de cultures toujours plus vastes, plus appétentes et énergétiques. Autant de conditions idéales. La filière économique – dont votre revue préférée – découvrit les charmes de la battue du grand gibier, de l’approche et de l’affût. Le marché s’enthousiasma pour les carabines, les munitions métalliques, les lunettes de tir, les points rouges, les jumelles, les télémètres, le mirador, le goudron dit de Norvège, la pierre à sel, les vestes, le camo, le fluo, etc. Pour leur part, les Fdc trouvèrent leur compte à travers la vente des bracelets, et les propriétaires forestiers à travers des actions de chasse au montant élevé. Le grand gibier sauva-t-il la chasse française ? Les chiffres des validations du permis de chasser donnent une ébauche de réponse. Depuis 1976, le nombre de chasseurs est à la baisse permanente. Sans remonter à Mathusalem, observons précisément des données. En 2003-2004 l’on compte officiellement 1 313 162 validations, en 2015-2016 le total atteint 1159 209, soit une baisse de près de 12 %. Pour la même période, le nombre de validations nationales passe de 149 289 à 97 959, soit une chute de 34,5 %.
Le grand gibier a-t-il empêché la baisse du nombre de chasseurs ? Non. L’a-t-il ralentie ? Rien ne le prouve. En revanche, il est plus que probable que, fascinés par le gros, nous avons délaissé le petit gibier sédentaire et la plaine jugés trop ingrats à gérer. Or, il n’est pas impossible de penser que l’avenir de la chasse passera, pour partie, par le petit gibier, devant soi, au chien. Le nombre de candidats à l’examen du permis de chasser ne cesse d’augmenter, il atteint 29 628 inscrits en 2015 contre 27 024 l’année précédente ; la chasse exerce un attrait réel. Hélas il semble qu’une déperdition très élevée de nouveaux chasseurs se fasse au cours de leurs premières saisons. Une étude nationale sur ce thème aiderait à analyser au mieux la situation. Selon des personnels des Fdc et de l’Oncfs en charge de l’examen, il semble que nombre de nouveaux chasseurs recherchent désespérément les charmes du petit gibier, et raccrochent faute de rêve concrétisable.
Lors d’un récent et passionnant colloque organisé par l’Association nationale de conservation du petit gibier [lire prochain n° 490 de février 2017], Gérard Pasquet, le visionnaire président de l’Ancpg, et Jean-Noël Cardoux, sénateur du Loiret, actif président du groupe d’étude chasse au Sénat et inlassable défenseur de notre art, ont indiqué qu’il existait des pistes afin de rendre la plaine accueillante vis-à-vis du petit gibier. Cela se fera avec les agriculteurs. En leur expliquant les enjeux, en les associant, en les valorisant. Les agriculteurs du réseau Agrifaune [agrifaune.fr] ont déjà compris tout cela. Ainsi, la Fdc de Seine-et-Marne encourage-t-elle les chasseurs à payer la location des terres d’un côté, et de l’autre à rémunérer les aménagements au profit du petit gibier effectués par l’agriculteur. Proposition : que la société rémunère les agriculteurs qui, par leurs travaux et leurs aménagements, oeuvrent réellement pour la biodiversité, pour l’intérêt commun. Pourquoi subventionner des associations militantes du droit animal et pas de tels agriculteurs exemplaires ? Bonne lecture à toutes et à tous. À l’occasion de Noël et du Nouvel An, Connaissance de la Chasse vous souhaite de belles fêtes et vous présente ses meilleurs voeux.