Le petit gibier de montagne victime du tourisme
Abonné à votre revue depuis plusieurs années, et après avoir été interpellé par nombre de vos articles relatifs à la gestion du gibier, par les chasseurs que nous sommes, je me décide à vous demander de l’aide pour une cause que je pense hélas déjà perdue… Habitant depuis peu sur une commune du massif de Belledonne (Isère), devenu le perpétuel terrain de jeu des Grenoblois, force m’est d’admettre que l’extinction du petit gibier de montagne (tétras-lyre, perdrix, blanchots…) s’impose comme une triste évidence. Malgré des plans de chasse drastiques (1 bague par an pour le coq), ces espèces disparaissent peu à peu du massif. Chaque week-end, ce sont 300 à 400 véhicules qui gravissent le col du Barioz, acheminant une foule d’ “écologistes” en herbe, amateurs de vtt, de ski, de randonnée, etc., et qui, empêchant la faune d’hiverner dans de bonnes conditions et de se reproduire, réduisent à néant les efforts des chasseurs. Pire encore, ces personnes, qui ne se gênent pas d’arpenter des terrains privés, croient naïvement être les conservateurs de ces lieux, et voudraient par conséquent y faire interdire la chasse au prétexte de mieux y exercer leur propre “prédation”. Cette année, déçu de n’avoir levé qu’une seule poule, au cours de mes nombreuses sorties (même constat pour les trois autres chasseurs montagnards de la commune), j’ai pris la décision de raccrocher à la fois mon Korthals et mon fusil. Exposant mes préoccupations à mes camarades, tout comme aux propriétaires devenus pour certains indésirables sur leurs terres, l’idée de mener une action relayée par un quelconque soutien est devenue pour moi une évidence. Aussi, suis-je à la recherche de contacts partageant les mêmes préoccupations. » christophecordelle.38@gmail.com Un constat navrant… et loin d’être isolé. Voici quelques jours seulement, un dresseur de la région Paca, lui-même amateur de chasse aux tétras-lyres et bartavelles, nous faisait part des mêmes inquiétudes. L’âge moyen du chasseur en augmentation constante, ainsi que les plans de chasse toujours plus rigoureux, auraient dû en théorie conduire à une amélioration des effectifs de ces espèces sensibles. Or, malgré ces efforts, la réalité est tout autre. La plupart des départements, dits de montagne, constatent en effet un recul de leurs populations. Les causes sont diverses et multiples : fermeture du milieu, développement d’un pâturage extensif détruisant la végétation basse, etc., mais surtout dérangement intempestif de ces oiseaux en période hivernale ou de reproduction. Pour information, le tétras-lyre perd environ un tiers de son poids l’hiver venu. Oiseau très méfiant, il s’enfuit systématiquement dès lors que quelqu’un s’approche de son abri creusé dans la neige. Des envols répétés en hiver nuisent gravement à son équilibre – perte des réserves de graisse, stress, dispersion du groupe – et le conduisent à une mort quasi certaine. Le ski hors-piste, la construction de remontées au coeur de son habitat, ou la randonnée en raquettes sont donc autant de risques de dérangement, en une période cruciale pour la survie de l’espèce. De la même façon, au printemps, ce sont vététistes et randonneurs qui importunent, le plus souvent par ignorance, ces volatiles au moment décisif et délicat de leur reproduction. Forts de ces constats, nombre de communes alpines ont pris, à juste titre, des mesures destinées à sauvegarder ces espèces vulnérables : création de zones vierges de toute activité humaine, interdiction des zones d’hivernage aux skieurs hors-piste, limitation du passage des randonneurs aux sentiers balisés, interdiction des chiens en liberté, etc. C’est un premier pas, mais encore faut-il que ces consignes soient respectées. Si interdire reste inévitable, la solution passe plus probablement par l’éducation de nos jeunes concitoyens, tant sur le plan civique que sur le plan écologique au sens noble du terme. Car force est d’admettre que nombre d’entre eux ne sont pas ou peu conscients de la fragilité de Dame Nature et de ses hôtes. Plusieurs initiatives ont déjà été prises dans ce sens, à l’instar du programme Ekolien proposé par la Fnc. Chaque année, ce sont ainsi 80 000 élèves de primaire, dans un cadre scolaire ou périscolaire, qui bénéficient de l’expérience des animateurs nature affiliés aux Fdc. Connaître la faune, prendre conscience de la sauvegarde des différents milieux, tels sont les objectifs fixés par Ekolien, dont le contenu est adapté aux programmes de l’enseignement primaire, définis par le ministère de l’Éducation. L’avenir de notre patrimoine faunique, et par conséquent l’exercice de notre loisir, dépend de la prise de conscience.