Petit gibier : ce qui est encore possible
Le 28 novembre dernier, au Sénat, s’est tenu un colloque sur le petit gibier de plaine. Chasseurs, agriculteurs, entomologistes, spécialistes divers ont témoigné des pistes pour sauver le petit gibier de plaine. Du travail et de l’espoir. « Est-ce le colloque de la dernière chance pour le petit gibier ? Je ne veux pas le croire », clame Jean-Noël Cardoux, sénateur du Loiret et président du groupe d’étude chasse-pêche du Sénat. À ce titre, il préside le colloque organisé par l’Association nationale de conservation du petit gibier, « Agriculturegestion de l’espace rural, Conservation de la faune sauvage et du petit gibier ». À la tête de l’Ancpg, Gérard Pasquet a réuni une douzaine d’intervenants afin d’évoquer les enjeux de la petite faune sauvage en plaine, de l’insecte à la perdrix. Après avoir rendu hommage à Jean Grala, l’un des pères fondateurs de l’Ancpg et l’un des premiers à avoir eu l’idée de redonner à la nature ce que l’agriculture lui retirait, M. Pasquet rappela une donnée essentielle : durant les trois premières semaines de son existence, le poussin de perdrix doit consommer 2000 insectes par jour. Sinon, il meurt… Alors que le remembrement, la mécanisation des machines agricoles, l’emploi de produits chimiques (insecticides, herbicides, engrais…), l’arrosage automatique, etc., détruisent la micro faune et la petite faune de plaine, il est des agriculteurs, souvent chasseurs, qui oeuvrent pour tenter de préserver des îlots de vie. Tel François Mougenot, basé dans l’Aisne, qui consacre 13 hectares, sur un total de 183 ha, à des aménagements « écologiques » : chemins, bandes enherbées, buissons, bosquets, bandes mixtes, jachères, haies, etc. M. Mougenot se fait particulièrement l’avocat des chemins agricoles et communaux, ces derniers étant trop souvent annexés par certains agriculteurs, soucieux d’augmenter la surface des terres exploitées et de limiter la colonisation par les plantes adventices. Or, il apparaît que les « mauvaises herbes » en bord de champs et le long des chemins ne sont pas envahissantes, mais au contraire servent de réservoirs d’insectes prédateurs de leurs congénères ravageurs. De plus, cette végétation participe à la lutte contre l’érosion, joue le rôle de corridors écologiques, protège les auxiliaires pollinisateurs, etc. Un fauchage, au bon moment et surtout pas un broyage, permet de gérer les plantes adventices, ainsi que la faune. Exploitant dans l’Aisne, Philippe Séverin insiste : « Un chemin public est un chemin public ! Je n’admets pas que l’État et ses représentants hésitent à le récupérer par crainte de la réaction éventuelle d’un agriculteur. » Installé dans le même département, Jacques Hicter se veut optimiste. En 1984, il compte 20 couples de perdrix grises aux 100 hectares, 100 couples en 2005, 50 couples en 2016, effet météo oblige. L’homme conclut qu’à force d’agrainage (180 agrainoirs sur 310 ha), de piégeage et d’aménagement, il est possible d’avoir des oiseaux sur une exploitation rentable. Pour cela, il convient notamment de respecter les 70 jours cruciaux qui font un perdreau : installation territoriale de la femelle, ponte, couvaison, élevage. Pour leur part, Franck Beachler, exploitant dans le Loir-et-Cher, et Alastair Leake, exploitant britannique, proposent de réfléchir aux pratiques agricoles. Depuis une trentaine d’années, les rendements agricoles stagnent… et les espèces sauvages chutent. Le système peut être considéré en faillite. Faillite symbolisée par les deux suicides quotidiens d’agriculteurs en France. Pourtant, en France comme partout dans le monde, il convient de nourrir des bouches toujours plus démultipliées. Or, les terres agricoles sont de moins en moins fertiles et nombreuses, à cause de la pollution des sols, de leur tassement extrême, de leur surexploitation, de la chute des teneurs moyennes en matière organique, de l’urbanisation, du réchauffement climatique, etc. Aussi, nos deux exploitants considèrent qu’il leur faudra produire mieux, avec moins de produits phytosanitaires et moins de terres. Avec également un sol moins « agressé », moins labouré. Jean-Noël Cardoux et Gérard Pasquet, assistés d’Alain Vasselle, sénateur de l’Oise, agriculteur et chasseur, se veulent optimistes. Ils concluent que « la révolution environnementale est en marche ». Qu’« entre l’agriculture intensive et l’agriculture ringarde, il y a une troisième voie pour une agriculture raisonnable », laquelle sera plus douce pour la petite faune de plaine. Aux chasseurs d’encourager le monde agricole à évoluer, à le soutenir financièrement pour ses réels travaux d’aménagement, à faire en sorte que la société tout entière rémunère les exploitants mettant en oeuvre des pratiques environnementales responsables.