Chapeau bas, madame !
Qu’est-ce que je fais là ? Presqu’une heure que l’on attend. J’ai des crampes : trop de tension, d’appréhension, peur de décevoir, de se décevoir… Cela fait des années que je rêve de mon premier brocard à l’approche, et me voici face à lui ! Couché dans l’herbe, derrière une fleur de chardon, accompagné de sa chevrette. Soudain celle-ci se lève, suivie de son courtisan pour d’interminables poursuites occasionnant ces fameux ronds de sorcière. Puis, les deux petits cervidés commencent à viander, sur le sommet d’une crête : impossible de tirer, pour d’évidentes raisons de sécurité. Cher petit brocard, je ne te remercierai jamais assez d’avoir finalement disparu derrière la butte… Désireux de me faire découvrir un autre secteur, mon guide décide alors de rebrousser chemin vers la voiture. C’est là, à une cinquantaine de mètres de notre véhicule, que je t’aperçois, trônant fièrement au milieu des blés mûrs. Tes bois magnifiques dépassent tout juste des épis. Évidemment, un jour j’aurais cherché à récolter un sujet présentant un trophée comme le tien. Mais le tout premier soir, c’est inespéré ! Rapidement, nous nous décalons vers un chemin sur la gauche, histoire d’être à bon vent, et espérant te voir le franchir en direction du bosquet, plutôt que de t’enfoncer au coeur de la plaine. J’installe doucement la carabine sur le stick, me cale derrière la crosse. Commence une longue attente synonyme de stress. Puis, tu te décides à faire quelques pas dans notre direction. Ta silhouette apparaît enfin sur le sentier enherbé. Je te mets en joue, le réticule bien placé au défaut de ton épaule. La 7x64 claque… tu t’élances vers les tènements, plus rien… Je blêmis, mes douleurs se réveillent. Pour mon plus grand bonheur, tu seras finalement retrouvé à une trentaine de mètres de l’anschuss. Quelle joie ! Pas celle de t’avoir ôté la vie évidemment, mais celle de t’avoir approché, attendu et possédé. Mon rêve le plus cher désormais ? Revenir fouler ces magnifiques plaines du Berry, et continuer, comme l’écrivait Kipling, “à rêver, sans laisser le rêve être le maître” ». Anne-Claire Boutin, Le Pallet (Loire-Atlantique)
« La chance du débutant », évoqueront probablement certains. Pour part seulement… car bien qu’il s’agisse là de sa toute première approche en tant que tireur, notre fidèle lectrice n’est pas une néophyte de la chasse du grand gibier, loin s’en faut. Participante assidue à de nombreuses battues de Loire-Atlantique, elle suit aussi de longue date son chasseur de père, lui-même aficionado du pirsch de Capreolus. Aussi, sait-elle tout, ou presque, de notre petit cervidé et du comportement à adopter lorsqu’on se retrouve face au gibier convoité. Un grand bravo, et toutes nos félicitations à l’heureuse chasseresse pour cette magnifique récolte. Tout comme pour son récit choisi, qui nous plonge au coeur même de l’action et nous amène à partager ses émotions. Grand 6 quasi régulier, magnifiquement perlé et orné de meules parfaitement couronnées, ce brocard – qui est en cours de cotation – est à coup sûr médaille d’or, et devrait, selon nos sources, dépasser les 150 points Cic.