À l’heure des prédateurs
Une équipe de biologistes de l’université de Zagreb, en Croatie, a étudié les rythmes d’activité de chamois des Balkans ( Rupicapra rupicapra balcanica) dans le parc national du Velebit situé à l’ouest du pays. 78 % de sa superficie (10900 ha) sont constitués d’une forêt de sapins et d’épicéas. Une cinquantaine d’ours bruns, 25 loups et une population de lynx (effectif non précisé) partagent cet espace montagnard étagé entre 518 et 1678 m d’altitude, avec quatre espèces d’ongulés (sanglier, cerf, chevreuil, chamois). 40 chamois ont été prédatés en 2007-2008 et le taux de prédation en 2014-2015 était estimé à 0,6 ongulé aux 100 ha. 15 pièges photos installés sur le terrain ont permis de réaliser 2412 clichés d’animaux sauvages, dont 1793 de chamois, de mai à octobre 2012. 60 % des chamois en activité ont été photographiés dans la tranche horaire 5h00-7h00. Alors que les études sur le chamois, françaises comprises, font état d’un double pic d’activité des animaux à l’aube et au crépuscule, ces chamois croates ne sont actifs que tôt le matin. Pourquoi n’ont-ils qu’un
pic d’activité ? Les biologistes émettent une hypothèse : le couvert forestier régule la température et les chamois profiteraient de la fraîcheur matinale pour se déplacer et se nourrir. Mais alors pourquoi ne sont-ils pas actifs, de plus, en début de nuit alors que la température diminue aussi ? Mesurant que l’activité des chamois du parc national augmente entre 2h et 4h du matin, alors que celle des prédateurs décroît dans cette tranche horaire, les scientifiques concluent que les chamois pourraient s’être adaptés à cette pression de prédation en privilégiant une courte phase d’activité au lever du jour alors que loups, lynx, et ours dans une moindre mesure, ont chassé une bonne partie de la nuit et regagnent leurs sites de repos. La survie impose à chacun un rythme de vie différent.
D’après Unimodal activity pattern in forest-dwelling chamois: typical behaviour or inter-specific avoidance ?, Sprem N., Zanella D., Ugarkovic D., Prebanic I., Gancevic P., Corlatti L. European Journal of wild lifer esearch,
July 2015 61 (5): 789-794 short communication