Évoluer
Le cerf et le chevreuil en connaissent deux. Celle de leur poil et de celle de leur tête. Leurs bois. On appelle ces phénomènes la mue. La mue est toujours un peu déroutante. Parfois, ce passage d’un stade à un autre se déroule de façon franchement désagréable. Cependant, la mue est inévitable. Il semblerait que notre société vive une pareille période de changement.
« Les chasseurs soutiennent Nicolas Hulot sur l’interdiction des néonicotinoïdes », annonce la Fédération nationale des chasseurs. Paradoxe alors que M. Hulot nous traita avec mépris et un rien de hargne de « semeurs de trépas » ? Non pas. Le chasseur se doit être naturaliste, écologiste même, afin de participer à la sauvegarde de la biodiversité. Celle-là même qu’il fréquente, qu’il recherche, dont il a besoin pour pratiquer son art. L’essence de la chasse. Les pesticides néonicotinoïdes s’avèrent être un fléau pour les abeilles. Donc pour l’ensemble la chaîne de vie liée à ces insectes. Voilà pourquoi les chasseurs avaient soutenu ce texte apparu dans la loi sur la biodiversité votée en 2016. Ils n’avaient pas attendu Nicolas Hulot.
Comme le rappelle la Fnc, dans son programme agricole, le président Macron a promis « d’interdire progressivement les pesticides les plus dangereux car ils impactent la santé humaine, les sols, mais aussi la petite faune de plaine ». Ce ne sont pas nos amis perdriers qui diront le contraire. La Fnc enfonce le clou et « souhaite que la réforme de la Politique agricole commune intègre un volet faune sauvage et habitats qui soit ambitieux et qui concerne aussi les pesticides et autres perturbateurs endocriniens ». Il ne s’agit pas de déclarer la guerre au monde agricole, dont de nombreux membres connaissent une grande souffrance financière et morale. Au contraire, il nous faut l’accompagner dans une mue la plus sereine possible.
Par son statut médian, entre ruralité et cité, le chasseur, autant que l’écolo sinon plus, peut et doit aider à faire la jonction entre deux mondes qui s’éloignent sans cesse : la campagne et la ville. L’arrivée de nouveaux députés plus jeunes, plus citadins, davantage féminins et issus de la diversité, révèle une évolution profonde de la société. La ville, toujours plus puissante, saura-t-elle considérer la campagne ? La soutiendra-t-elle ? Ou au contraire la malmènera-t-elle ?
En 1989 naissait Chasse Pêche Nature et Traditions (Cpnt), mais aussi l’Association nationale pour une chasse écologiquement responsable (Ancer). Depuis, les deux frères ennemis n’ont cessé de décliner, l’Ancer annonçant même sa propre disparition. 28 années ont passé... Les temps ont changé.
L’Oncfs vient de livrer le bilan des accidents de chasse pour 2016-2017. Si la tendance générale demeure à la baisse par rapport à la moyenne établie depuis 1998, si le nombre total d’accidents est à la légère baisse par rapport à l’an passé (143 contre 146), le nombre d’accidents mortels est à la hausse (18 contre 10 la saison passée, année record). La moyenne de ces dix dernières saison étant de 17 accidents, et de 22 depuis le début du suivi. Les principales causes des accidents mortels sont : - le tir dans l’angle des 30° (50 % des accidents) ; - la mauvaise manipulation de l’arme (27 %) ; - le tir sans identification (16 %). 3 de ces accidents ont eu lieu lors d’une chasse du petit gibier, 2 relevant de l’auto-accident. En revanche, 15 accidents se sont déroulés lors d’une chasse du grand gibier, avec 1 seul autoaccident. Les chiffres parlent : directement ou indirectement, le grand gibier est décidément toujours plus omniprésent.
En 1980, le génial Bernard de Nonencourt, patron des champagnes Laurent-Perrier, crée les Honneurs de la Chasse. Distinction saluant les initiatives des chasseurs gestionnaires. Grâce à ses filles, à la Fnc, l’Oncfs et Groupama, le prix lui survit. Il y a trente-sept ans, l’homme avait déjà évolué... Bonne lecture à toutes et à tous.