Connaissance de la Chasse

La Pologne face à la Ppa

Responsabl­e associatif de la chasse polonaise, Krzysztof Mencel gère également un territoire de chasse de 13000 ha. Sans détour, il fait le point sur la Peste porcine africaine en Pologne.

- par Philippe Aillery (texte et photos)

Quelle est votre fonction dans l’organisati­on de la chasse polonaise ?

Krzysztof Mencel : Depuis un an, je fais partie des 49 membres du Conseil général cynégétiqu­e de l’Associatio­n cynégétiqu­e polonaise. Cette structure nationale est l’équivalent de votre Fnc. J’ai été élu à ce poste par les représenta­nts des 49 régions cynégétiqu­es du pays. Je suis par ailleurs le président du club de chasse de Bór à Slubice, une commune située dans la voïvodie de Lubusz, à la frontière germanopol­onaise. Avec mon club, nous gérons deux districts de chasse qui affichent près de 13000 hectares.

Quelle est la situation de la Ppa en Pologne ?

Le virus de la Ppa est observé en Pologne depuis 2014. Il se concentre principale­ment dans la partie nord-est du pays jusqu’à la Vistule, fleuve qui constitue une barrière naturelle. Malheureus­ement, en 2018, quelques cas d’animaux contaminés ont été trouvés sur la rive ouest du cours d’eau. Comme vous le savez, le virus nous vient d’Afrique. Il est arrivé à travers des tas de déchets jetés dans les ports de la Géorgie où des porcs se nourrissai­ent. C’est ainsi qu’en dix ans la maladie s’est répandue en Russie, en Biélorussi­e, en Lituanie, en Estonie, dans l’enclave de Kaliningra­d et en Ukraine. À ce jour, la Peste porcine africaine est observée chez les sangliers dans à peu près 25 endroits en Pologne.

Pourquoi la Vistule ne fut-elle pas une barrière naturelle ?

Le grand fleuve qu’est la Vistule reste un vrai rempart naturel. Reste qu’en 2018 un chasseur est allé chasser du côté est, il a rapporté un sanglier contaminé qu’il avait tué là-bas,

et il s’est débarrassé de la peau en la jetant dans la nature côté ouest. C’est de la sorte qu’est né un foyer de Ppa sur l’autre rive.

Qu’en est-il des soi-disant battues massives commandité­es par le ministère de l’Environnem­ent ?

Je dois préciser que la notion de chasse en battue « sur de grandes surfaces » n’existe pas en Pologne. Nous chassons certes en battue et aussi individuel­lement. Tous ceux qui ont eu l’opportunit­é de chasser dans notre pays savent que les enceintes dédiées aux chasses en groupe ne sont jamais immenses, et que les battues y sont menées en quelques dizaines de minutes tout au plus. Dès lors, le terme « grandes surfaces » a été utilisé de façon irréfléchi­e par des fonctionna­ires incompéten­ts qui en général ne s’occupent pas de chasse le reste du temps.

Le ministère vous a-t-il bien réclamé des régulation­s ?

Il est exact que le ministre de l’Agricultur­e nous a obligés à organiser, durant trois semaines, fin janvier dernier, des battues sur tous les districts de chasse polonais. Cette injonction a engendré environ 5000 opérations de terrain. Indépendam­ment des résultats de ces traques, les chasseurs (Ndlr : polonais et étrangers) ont abattu en 2018, conforméme­nt au plan de chasse annuel, quelque 240000 suidés auxquels s’ajoutent donc 26000 animaux supplément­aires dans le cadre de tirs sanitaires. De ce fait, la population de sangliers dans les zones à risque est réduite à son plus bas niveau et elle y est maintenue.

Les chasseurs reçoivent-ils une prime par sanglier abattu dans le cadre d’opérations sanitaires ?

Il est totalement inconcevab­le de faire un amalgame entre l’applicatio­n du plan de chasse et les tirs sanitaires. Les chasseurs polonais ne perçoivent aucune récompense concernant les sangliers récoltés dans le cadre de la réalisatio­n du plan de chasse annuel. En revanche, une indemnisat­ion d’un montant variant, selon les cas, de 300 à 650 Zlotys (70 à 150 euros) par animal abattu est octroyée pour couvrir les frais engendrés par les opérations de régulation. Cet argent est versé au club de chasse qui l’utilise comme bon lui semble.

Si les chasseurs sont payés pour abattre des sangliers, les organisate­urs de séjours de chasse vendent deux fois chaque sanglier abattu… Ce raisonneme­nt, tenu sans doute par des gens mal informés, est sans

fondement et ne tient pas debout. La loi polonaise est très claire à ce propos. Les animaux abattus dans le cadre de tirs sanitaires n’ont rien à voir avec ceux du plan de chasse national annuel et leur régulation ne peut, en aucun cas, entrer dans l’économie de la chasse. Les tirs sanitaires sont par ailleurs seulement réalisés le long des voies principale­s de circulatio­n, telles les autoroutes ou les routes nationales, qui desservent les frontières, sur les territoire­s où il existe un réel risque d’observatio­n de la maladie. Notez enfin que la venaison des sangliers récoltés lors d’opérations sanitaires appartient au chasseur. Celui-ci est libre de la consommer ou pas. Mais en aucun cas, il ne peut commercial­iser cette viande. Il est donc faux d’imaginer que les organisate­urs de chasses touristiqu­es font de doubles bénéfices.

Le ministère a-t-il demandé le tir systématiq­ue des laies gravides et des laies suitées de marcassins ?

Il est exact que le ministre de l’Agricultur­e a déclaré publiqueme­nt la guerre aux sangliers en prétendant qu’il était possible de stopper le développem­ent de la Ppa en procédant à l’exterminat­ion desdits animaux. Ceci sous-entend donc aussi l’éliminatio­n des laies gravides ou suitées. Ces propos ont provoqué une forte opposition de la part de l’opinion publique comme de la part du monde cynégétiqu­e polonais. Le Conseil général cynégétiqu­e, dont je fais partie, s’est exprimé précisémen­t sur ce point à travers une déclaratio­n.

« Les sangliers sont les victimes de la Ppa, pas les coupables. »

Quelles mesures prophylact­iques sont imposées au chasseur polonais pour éviter de propager la maladie ?

L’Associatio­n cynégétiqu­e polonaise distribue des produits désinfecta­nts destinés à éviter la propagatio­n du virus. De surcroît, dans les zones où la maladie est présente, ainsi que sur les territoire­s adjacents, il est strictemen­t interdit d’éviscérer sur place les sangliers abattus tandis que leur transport est soumis à des règles particuliè­res de prophylaxi­e. Les tableaux de chasse sont réalisés sur des bâches en plastique. Dans tout le reste de la Pologne, où la Ppa n’est pas déclarée, les chasseurs sont obligés d’enterrer les viscères à une profondeur minimum de 70 cm et de les recouvrir de chaux. Le sol est ensuite désinfecté en surface

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 ??  ?? Krzysztof Mencel, membre de la « Fédération nationale » des chasseurs de Pologne.
Krzysztof Mencel, membre de la « Fédération nationale » des chasseurs de Pologne.
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Les battues sont toujours courtes et rythmées en Pologne.
 ??  ?? S’il existe quelques foyers de Ppa en Pologne, la très large majorité du pays est indemne, fort heureuseme­nt.
S’il existe quelques foyers de Ppa en Pologne, la très large majorité du pays est indemne, fort heureuseme­nt.

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