Chambord, côté jardin
« Une femme dont le vent aurait soufflé la chevelure », c’est ainsi que Chateaubriand décrivait l’ensemble formé par les 282 cheminées du château de Chambord. Voulu par François Ier et achevé sous Louis XV, ce joyau d’architecture, bâti sur le site d’une ancienne forteresse, se devait d’être bordé par des jardins réguliers à la française dignes de son rang. C’est sous le règne Louis XIV que ces espaces furent imaginés devant la grande façade. Le chantier fut très long et discontinu. Au final, lesdits jardins existèrent durant plus de deux siècles en connaissant divers changements et finirent par être transformés, dans les années 1970, en simples espaces engazonnés. C’est à Jean d’Haussonville, le directeur général du domaine, que l’on doit le projet de renouveau des 6,5 ha de jardins à la française. Après 16 années d’études et de recherches, la mise en oeuvre a débuté à l’été 2016, selon des plans du XVIII siècle, pour ouvrir e au public en mars 2017. Des essences mieux adaptées et plus économes en eau ont été plantées tout en respectant la restitution historique. Château, jardins et village de Chambord forment un ensemble d’environ 200 hectares entouré de grillages pour le protéger de l’intrusion des grands ongulés. Autour de cet îlot s’étire le plus grand parc clos d’Europe dont la superficie totale affiche 5445 ha. En son sein, une vaste forêt découpée en enceintes de 300 m de côté où dominent les feuillus (60 %), suivis des résineux. Pas moins de 11000 m3 de bois sont produits ici chaque année. Douze étangs sont aussi entretenus sur le territoire, tant pour abreuver la faune sauvage que pour servir de réserves aux pompiers en cas d’incendie. Philippe Aillery Rarement l’expression « tomber dans le panneau », entrée dans le lexique cynégétique au XIII siècle, n’aura été mieux e illustrée. Mode de capture ancestral, le panneautage est une forme de piégeage qui fait appel à des filets, ou des étoffes, tendus vers lesquels les chasseurs rabattent, selon les cas, grand ou petit gibier. N’oublions pas que les reprises de lièvres et de lapins, là où elles ont encore lieu, font aussi appel aux services de filets. De nos jours, ce genre d’opération n’est déployé que pour prendre des animaux en vue d’un déplacement et/ou de contrôles sanitaires. À Chambord, jusqu’au lendemain de la Révolution, le grand gibier (cerfs, chevreuils, sangliers et daims à l’époque) était essentiellement chassé à courre et pris dans les panneaux et toiles. La plupart des suidés récoltés actuellement sur le domaine le sont via les battues à tir. Selon les chiffres disponibles, 1 000 à 2 000 sangliers hantent le territoire de Chambord, tout dépend des glandées et des conditions climatiques. La moitié de l’effectif estimé est régulée par la chasse chaque saison. Mais la bête noire n’a pas toujours été aussi bien représentée et appréciée, loin s’en faut. Ainsi, au début des années 1900, l’espèce est considérée comme nuisible. Elle est détruite à tir et très rarement chassée à courre. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le nombre de sangliers est au plus bas et ne dépasse pas 75 têtes. Ce n’est qu’à compter de 1947, quand sont créés à Chambord une « réserve nationale de chasse » et un « parc national d’élevage », que les animaux commencent réellement à prospérer. Pour améliorer la qualité des sangliers, des sujets panneautés dans l’Est de la France et dans le massif de Chizé (Deux-Sèvres) sont introduits. Philippe Aillery