Plus de chasse
À partir de la fin des années 1960, les reprises de grands cervidés sont de moins en moins réalisées, faute de commandes. Peu à peu une politique de « tirs de sélection » se met en place. C’est à l’affût et à l’approche, que le cerf est chassé. Pour cela, des miradors d’affût sont mis en place. À partir de 1969, cerfs, biches, jeunes mais aussi sangliers sont tirés de la sorte. Autre évolution, en 1970, les mouflons quittent leur petit enclos pour accéder à la totalité de la superficie du domaine. Sous Georges Pompidou, le grand gibier se porte bien à Chambord. En 1974, la population de cerfs atteint 400-500 animaux, avant naissances, celle de sangliers 700-800 animaux. En revanche, le chevreuil ne trouve plus sa place. Une cinquantaine de sujets seulement est comptée.
Président d’une France pleine de promesses, homme visionnaire et bâtisseur, créateur du premier ministère délégué à la Protection de la nature et à l’Environnement en 1971, personnalité aux attaches rurales, en instaurant les battues présidentielles de Chambord, Georges Pompidou sera en quelque sorte le « père des chasseurs ». À l’instar de François Ier, « père des veneurs » selon l’expression traditionnelle.
De VGE à Macron : poursuite et renaissance
Les chasses présidentielles se poursuivront sous Valéry Giscard d’Estaing, dernier président de la République chasseur, à ce jour. Amateur de battue, VGE apprécie également la chasse à l’approche. Afin de s’immerger dans la nature, il dort à la Thibaudière. M. de Roquancourt le guide lui-même sur la piste des cerfs bramant, 2 à 3 fois l’an. « Fin chasseur, très bonne carabine, respectueux des consignes de tir, le président n’hésite pas à ramper en phase finale d’approche des animaux. » Dans la foulée, de telles invitations sont proposées à des personnalités. Ceux-ci de se voir remettre un livret (réalisé par M. de Roquancourt) expliquant le « tir sélectif » et la gestion du cerf. D’une certaine façon, cela participe de la légitimation des chasses dites silencieuses alors encore peu pratiquées, et souvent considérées par les chasseurs eux-mêmes comme du braconnage. Pour leur part, les battues seront davantage protocolaires, « il est vrai que le président y accueille souvent des personnalités étrangères ». Non-chasseur mais entourés de chasseurs, véritable président monarque, particulièrement sensible à un certain décorum, François Mitterrand crée le Comité des chasses présidentielles, et y met à la tête son ami François de Grossouvre. Le comité gère les chasses sur les domaines du président de la République de Rambouillet et de Marly-le-Roi, ainsi que les battues mises à la disposition du Président à Chambord. 1995, sitôt élu, et influencé par sa fille Claude et Nicolas Hulot, tous deux anti-chasse, Jacques Chirac – qui avait pourtant si souvent flatté les chasseurs – supprime les chasses présidentielles de Marly-le-Roi et de Rambouillet, ainsi que les battues présidentielles de Chambord. Survivantes, les battues de grand gibier sont dites « de régulation ». Après avoir envisagé la réouverture des chasses présidentielles, Nicolas Sarkozy confirme l’arrêt de celles-ci en 2010. Et d’écrire à son Premier ministre, François Fillon, qu’il a « décidé de mettre un terme aux chasses présidentielles, qui seront remplacées par de simples battues de régulation, nécessaires aux équilibres naturels, et qui seront confiées à la gestion du ministre de l’Agriculture ». Virage à 180°, lors du congrès de la Fnc, le 14 mars 2017. Candidat à l’élection présidentielle, Emmanuel Macron annonce, aux représentants des chasseurs, la réouverture des chasses présidentielles à Rambouillet et Chambord. À la stupéfaction générale. Au micro de France Info, Christophe Castaner, porte-parole du candidat, s’avoue « surpris ». Faut-il voir dans cette décision l’influence de deux proches de M. Macron : François Patriat, sénateur de la Côte-d’Or et chasseur, et Thierry Coste, conseiller à la ruralité du candidat et lobbyiste politique de la Fnc ? Et M. Macron de déclarer à la tribune de la Fnc : « Quand on m’a parlé des chasses présidentielles, j’avais l’impression de commettre une espèce de forfaiture terrible en disant que j’étais favorable à leur ouverture, encadrée, transparente. Les gens disaient : c’est absolument affreux. Il ne faut pas être honteux si l’on décide de porter cette valeur. Il faut la reconnaître comme un élément d’attractivité. C’est quelque chose qui fascine à l’étranger. C’est quelque chose qui fascine partout. Cela représente la culture française. C’est un point d’ancrage. » Et les chasses présidentielles de laisser la place aux chasses « de la République ». 50 ans après leur création par Georges Pompidou, 500 ans après qu’elles eurent été initiées par François Ier, les chasses d’État renaissent. La diplomatie cynégétique réapparaît. Ainsi Chambord demeure fidèle à lui-même, à l’esprit des lieux. Un écrin de nature où l’homme tient son rang. Naturellement.
Remerciements appuyés à M. Geoffroy de Roquancourt