Rouge du Val de Loire
En matière de chasse – et donc de recherche du gibier blessé –, Chambord se doit d’être exemplaire. Quatre conducteurs officient dans le vaste parc. Nous les avons suivis. Avantages et inconvénients de la recherche au sang en milieu clos.
Comme vous le savez, comme vous le découvrez régulièrement dans les pages de Connaissance de la Chasse, les conducteurs de chiens de sang ont la particularité d’intervenir sur des territoires aux biotopes divers et variés : forêt, cultures, montagne et parfois même zones périurbaines. Cette fois-ci, le temps d’une journée, nous avons suivi l’équipe habilitée à cet exercice, au sein d’un territoire d’exception : Chambord. Une première. Ici, plus qu’ailleurs, le terme d’éthique revêt tout son sens. Outre des règles de sécurité draconiennes, et un tir sélectif selon les espèces, les organisateurs de la chasse dans le Domaine national de Chambord souhaitent avant tout que le gibier y soit prélevé avec tous les honneurs qui lui sont dus. Raison pour laquelle ce ne sont pas moins de quatre conducteurs de chiens de sang chevronnés, tous adhérents à l’Unucr, qui entrent en action à la fin de chaque traque. C’est avec ces hommes passionnés, à la tâche tantôt difficile, tantôt ingrate, que nous avons rendez-vous en ce matin de février. Parmi ceuxci Christian Gambier, également garde-forestier du domaine, et JeanClaude Colombier, fort d’une expérience de plus de quinze ans sur le parc de Chambord, auxquels s’ajoutent des habitués tout aussi aguerris et, de temps à autre, quelques invités conducteurs agréés.
Une organisation millimétrée
9h30. Un long coup de pibole sonne le début de la journée. Près de 50 rabatteurs, épaulés d’une quinzaine de fox, se mettent aussitôt en marche. La forêt, jusqu’alors silencieuse, devient rapidement le théâtre d’une joyeuse cacophonie, où se mêlent clameurs et récris. Les premiers cervidés et suidés ne tardent pas à gicler de l’enceinte, déclenchant aussitôt quelques salves. Près d’une heure durant, le carreau encerclé va être ainsi battu, et plusieurs animaux salués, avant que ne sonne la fin de cette toute première traque. Le moment pour les conducteurs de regagner le lieu de rendez-vous des postés, et de faire un premier bilan. Se met alors en place un scénario bien rodé. C’est aux chefs de lignes respectifs que revient la tâche de récolter les informations auprès de chaque tireur impliqué, pour ensuite les rapporter à l’équipe de recherche. Tout est scrupuleusement noté sur une fiche dédiée : numéro de poste, espèce, sexe, classe d’âge, éventuellement type de blessure, etc. Sachant par ailleurs que les lignes de fuite ont d’ores et déjà été marquées d’un ruban rouge en cas d’indices, ou bleu pour les contrôles de tir. Rien n’est laissé au hasard, la qualité des renseignements recueillis influant directement sur les chances de succès. Nous apprenons ainsi qu’un faon et un sanglier sont annoncés blessés. L’heure est venue pour les conducteurs d’entrer en scène. Premier constat, ceux-ci sont pour l’occasion tous équipés de rouges de Bavière. « Les quatre conducteurs attitrés à Chambord que nous sommes ont fait le choix réfléchi de cette race germanique », nous expliquent Christian et Jean-Claude. « La raison est simple. C’est l’une des seules dédiées de façon exclusive, ou presque, à la recherche au sang. Ce qui n’enlève toutefois en rien les qualités de pisteur d’autres races telles le teckel ou encore le labrador. Il est d’ailleurs fréquent que nous ayons parmi nos invités des conducteurs épaulés de tels auxiliaires. » Sur ces paroles, décision est prise pour notre équipe de suivre la voie du petit cervidé. Chemin faisant, les yeux rivés sur le plan, Jean-Claude nous informe qu’il est certes un peu tôt pour entamer une recherche et qu’en toute logique, il serait préférable de laisser refroidir la voie une heure ou deux avant d’attaquer.
« Mais c’est l’une des spécificités de la recherche sur le domaine », ajoutet-il. « Nous attaquons dès la fin de première traque pour éviter qu’un animal blessé s’oriente vers une autre chassée plus tard en journée. »
Bavarois et geek
À l’arrière du véhicule, Pascal, conducteur invité du jour, prépare scrupuleusement le matériel de circonstance, déroulant puis repliant méthodiquement la longe, et vérifiant ainsi qu’aucun noeud ne vienne gêner le chien dans sa progression. Dans sa caisse, n’ignorant rien de la tâche qui l’attend, et déjà prêt à en découdre, Longbow, rouge de Bavière âgé de 4 ans, émet quelques grognements d’impatience. Caressant son compagnon, histoire de calmer ses ardeurs, Pascal l’équipe d’un collier de géolocalisation. « Cet accessoire est devenu aujourd’hui indispensable », nous explique JeanClaude Colombier. « Il nous arrive fréquemment de libérer notre auxiliaire derrière un gibier blessé pour tenter de le coiffer. Ici, si vous ne le lâchez pas, vous risquez de perdre quelques animaux. Inutile de dire que le chien est bien plus rapide que nous à travers la végétation. Le collier nous offre la possibilité de suivre, pour ainsi dire en direct, son parcours. Il nous permet aujourd’hui de maximiser les résultats, mais surtout d’intervenir au plus vite si le chien se trouve face à un sanglier au comportement agressif. Sans oublier l’aspect sécuritaire de cet outil moderne qui, en cas d’accident, chute, charge d’animaux ou autre, nous permet de communiquer notre position exacte à d’éventuels secours. Enfin, en termes de statistiques, il est toujours intéressant de visualiser a posteriori les trajets empruntés et les distances parcourues. »