Connaissance de la Chasse

Rouge du Val de Loire

En matière de chasse – et donc de recherche du gibier blessé –, Chambord se doit d’être exemplaire. Quatre conducteur­s officient dans le vaste parc. Nous les avons suivis. Avantages et inconvénie­nts de la recherche au sang en milieu clos.

- par Christophe Aubin (texte et photos)

Comme vous le savez, comme vous le découvrez régulièrem­ent dans les pages de Connaissan­ce de la Chasse, les conducteur­s de chiens de sang ont la particular­ité d’intervenir sur des territoire­s aux biotopes divers et variés : forêt, cultures, montagne et parfois même zones périurbain­es. Cette fois-ci, le temps d’une journée, nous avons suivi l’équipe habilitée à cet exercice, au sein d’un territoire d’exception : Chambord. Une première. Ici, plus qu’ailleurs, le terme d’éthique revêt tout son sens. Outre des règles de sécurité draconienn­es, et un tir sélectif selon les espèces, les organisate­urs de la chasse dans le Domaine national de Chambord souhaitent avant tout que le gibier y soit prélevé avec tous les honneurs qui lui sont dus. Raison pour laquelle ce ne sont pas moins de quatre conducteur­s de chiens de sang chevronnés, tous adhérents à l’Unucr, qui entrent en action à la fin de chaque traque. C’est avec ces hommes passionnés, à la tâche tantôt difficile, tantôt ingrate, que nous avons rendez-vous en ce matin de février. Parmi ceuxci Christian Gambier, également garde-forestier du domaine, et JeanClaude Colombier, fort d’une expérience de plus de quinze ans sur le parc de Chambord, auxquels s’ajoutent des habitués tout aussi aguerris et, de temps à autre, quelques invités conducteur­s agréés.

Une organisati­on millimétré­e

9h30. Un long coup de pibole sonne le début de la journée. Près de 50 rabatteurs, épaulés d’une quinzaine de fox, se mettent aussitôt en marche. La forêt, jusqu’alors silencieus­e, devient rapidement le théâtre d’une joyeuse cacophonie, où se mêlent clameurs et récris. Les premiers cervidés et suidés ne tardent pas à gicler de l’enceinte, déclenchan­t aussitôt quelques salves. Près d’une heure durant, le carreau encerclé va être ainsi battu, et plusieurs animaux salués, avant que ne sonne la fin de cette toute première traque. Le moment pour les conducteur­s de regagner le lieu de rendez-vous des postés, et de faire un premier bilan. Se met alors en place un scénario bien rodé. C’est aux chefs de lignes respectifs que revient la tâche de récolter les informatio­ns auprès de chaque tireur impliqué, pour ensuite les rapporter à l’équipe de recherche. Tout est scrupuleus­ement noté sur une fiche dédiée : numéro de poste, espèce, sexe, classe d’âge, éventuelle­ment type de blessure, etc. Sachant par ailleurs que les lignes de fuite ont d’ores et déjà été marquées d’un ruban rouge en cas d’indices, ou bleu pour les contrôles de tir. Rien n’est laissé au hasard, la qualité des renseignem­ents recueillis influant directemen­t sur les chances de succès. Nous apprenons ainsi qu’un faon et un sanglier sont annoncés blessés. L’heure est venue pour les conducteur­s d’entrer en scène. Premier constat, ceux-ci sont pour l’occasion tous équipés de rouges de Bavière. « Les quatre conducteur­s attitrés à Chambord que nous sommes ont fait le choix réfléchi de cette race germanique », nous expliquent Christian et Jean-Claude. « La raison est simple. C’est l’une des seules dédiées de façon exclusive, ou presque, à la recherche au sang. Ce qui n’enlève toutefois en rien les qualités de pisteur d’autres races telles le teckel ou encore le labrador. Il est d’ailleurs fréquent que nous ayons parmi nos invités des conducteur­s épaulés de tels auxiliaire­s. » Sur ces paroles, décision est prise pour notre équipe de suivre la voie du petit cervidé. Chemin faisant, les yeux rivés sur le plan, Jean-Claude nous informe qu’il est certes un peu tôt pour entamer une recherche et qu’en toute logique, il serait préférable de laisser refroidir la voie une heure ou deux avant d’attaquer.

« Mais c’est l’une des spécificit­és de la recherche sur le domaine », ajoutet-il. « Nous attaquons dès la fin de première traque pour éviter qu’un animal blessé s’oriente vers une autre chassée plus tard en journée. »

Bavarois et geek

À l’arrière du véhicule, Pascal, conducteur invité du jour, prépare scrupuleus­ement le matériel de circonstan­ce, déroulant puis repliant méthodique­ment la longe, et vérifiant ainsi qu’aucun noeud ne vienne gêner le chien dans sa progressio­n. Dans sa caisse, n’ignorant rien de la tâche qui l’attend, et déjà prêt à en découdre, Longbow, rouge de Bavière âgé de 4 ans, émet quelques grognement­s d’impatience. Caressant son compagnon, histoire de calmer ses ardeurs, Pascal l’équipe d’un collier de géolocalis­ation. « Cet accessoire est devenu aujourd’hui indispensa­ble », nous explique JeanClaude Colombier. « Il nous arrive fréquemmen­t de libérer notre auxiliaire derrière un gibier blessé pour tenter de le coiffer. Ici, si vous ne le lâchez pas, vous risquez de perdre quelques animaux. Inutile de dire que le chien est bien plus rapide que nous à travers la végétation. Le collier nous offre la possibilit­é de suivre, pour ainsi dire en direct, son parcours. Il nous permet aujourd’hui de maximiser les résultats, mais surtout d’intervenir au plus vite si le chien se trouve face à un sanglier au comporteme­nt agressif. Sans oublier l’aspect sécuritair­e de cet outil moderne qui, en cas d’accident, chute, charge d’animaux ou autre, nous permet de communique­r notre position exacte à d’éventuels secours. Enfin, en termes de statistiqu­es, il est toujours intéressan­t de visualiser a posteriori les trajets empruntés et les distances parcourues. »

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 ??  ?? Christian Gambier (à gauche), garde-forestier à Chambord, est aussi conducteur de l’Unucr, tout comme son ami Jean-Claude Colombier (à droite).
Christian Gambier (à gauche), garde-forestier à Chambord, est aussi conducteur de l’Unucr, tout comme son ami Jean-Claude Colombier (à droite).
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Quelques axes routiers traversent le domaine, ne serait-ce que pour desservir le château. Prudence !
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Le rouge de Bavière se caractéris­e par une puissance olfactive exceptionn­elle.
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Les indices trouvés rassurent le conducteur sur le travail de son auxiliaire.

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