Connaissance de la Chasse

Et si on piégeait le sanglier ?

Le piégeage du sanglier est désormais un outil à la dispositio­n des Fdc. Retour d’expérience sur une pratique qui porte ses fruits en ville avec un piégeur qui a trois ans d’avance.

- T. M.

Lionel Navarro est avant tout un chasseur de petit gibier, l’un des rares de ce départemen­t qui, sur les 10000 adhérents de la Fdc 57, ne recense que 200 passionnés de plumes. Notre hôte nous emmène en périphérie de Metz, sur la commune d’Hauconcour­t : « J’ai choisi ce type de territoire parce que l’agricultur­e qui y est pratiquée demeure encore aujourd’hui plus intéressan­te pour l’accueil d’une population de petit gibier. » Pour notre piégeur, qui loue ce territoire depuis 18 ans, lapins et faisans abondaient lors des premières années. Malheureus­ement, au fil du temps, la périurbani­sation qui a gagné le secteur n’a pas aidé à préserver ce superbe potentiel. Le site, désormais garni de friches, de bandes de repousses, est bordurier avec la Meuse. Il demeure malgré tout plaisant pour la chasse du gibier d’eau.

Boîte à fauve et foin

Parallèlem­ent à l’urbanisati­on, le sanglier s’est développé dans le départemen­t. Les compagnies se sont ainsi épanouies dans ces zones qui leur offraient une certaine tranquilli­té et profitaien­t le soir venu des zones périurbain­es pour aller retourner les pelouses environnan­tes. Puis, ce fut la goutte de trop lorsque le gérant d’un hôtel qui jouxtait son territoire contacta le maire de la commune. « “Les sangliers qui vermillent sur le parking de l’hôtel effraient mes clients, il faut faire quelque chose”, s’exclamait-il. Le maire décida de me contacter pour tenter de trouver une solution. » Mais compte tenu de

la forte périurbani­sation du territoire, Lionel Navarro estimait fort déraisonna­ble de procéder par tir. Lorsqu’on lui suggéra de réguler l’espèce à l’affût, il répondit : « Si je tire un jeune dans une compagnie, la mère peut très bien emmener tout le monde et croiser la voie rapide à proximité qui est dépourvue d’un grillage de protection. À la première collision de gibier avec un véhicule, je serai donc le responsabl­e que je ne veux pas être. » La seule solution qui s’offrit donc fut le piégeage. C’est le maire de la commune qui entreprit les démarches permettant à Lionel de piéger l’espèce sur son territoire. Désormais, ce sont une douzaine de sangliers qui sont capturés chaque saison à l’aide d’une grande cage-piège et achevés avec une balle de petit calibre (22 Mag). Pour nous en convaincre, Lionel nous emmène sur son territoire. À peine les premiers mètres parcourus, ce sont des trains de pas qui impriment le sol en longeant un sentier boueux. Il y a du passage ! Quelques centaines de mètres plus loin, nous traversons plusieurs prairies en friche, partiellem­ent labourées par les suidés. Le « travail » est réalisé à moins de cent mètres d’une première zone pavillonna­ire, ce qui ne semble pas effrayer pour autant les animaux. Quelques mètres plus loin se présente le piège dissimulé à l’entrée d’une haie arbustive. Il s’agit d’une boîte à fauve de grandes dimensions. Longue de 220 cm et présentant une entrée de 130 cm par 140 cm. « À chaque piégeur de réaliser son piège » nous précise-t-il. Le système repose sur une large palette qui, une fois percutée, fait basculer la trappe. Du maïs est épandu au-dessus et en dessous pour inciter les sangliers à s’y intéresser. Puis du foin recouvre le tout. « Nous nous sommes rendu compte que les oiseaux venaient largement picorer les grains. Avec le foin, il demeure invisible et échappe donc au bec des chapardeur­s. »

« Il faut installer des cages dès les premières traces aperçues et ne pas attendre que les compagnies s’installent et se développen­t. »

Avec cette méthode, ce chasseur, et piégeur malgré lui, constate qu’il capture tous types de sangliers : « Nous ne prenons pas que des jeunes insouciant­s. J’ai pris un mâle de 90 kg vidé. Nous pesons toutes nos captures. Il m’est déjà arrivé de faire des captures multiples avec notamment trois bêtes rousses ensemble. » Notre piégeur recommande de réaliser, dès la conception du piège, un double treillage à petite maille accolé aux barreaux, espacés de 15 cm. À défaut, ils laisseront s’échapper les sangliers d’un poids inférieur à une quinzaine de kilos. « Il ne faut pas hésiter à équiper un maillage fin au deux tiers de la hauteur. Les petits sangliers étant capable de sauter plus de 50 cm et de s’extraire entre les barreaux ».

Réguler et dissuader

Selon lui, le piégeage du sanglier en zone sensible, qui dissuade de tout tir, se révèle pertinent sous conditions. En effet, la pratique impose des relevés quotidiens, elle est donc chronophag­e. Encore actif, Lionel Navarro pratique le piégeage un tiers de l’année : « J’évite de sortir lorsque le terrain est détrempé, cela complique la récupérati­on des sangliers. » La conclusion de notre hôte sera précieuse pour d’autres départemen­ts : « Je pense qu’il faut installer des cages dès les premières traces aperçues et ne pas attendre que les compagnies s’installent et se développen­t. Mis en place en amont, le piégeage pourrait alors se révéler comme un moyen capable de réguler sérieuseme­nt les premiers arrivants et dissuadant les autres de s’y installer. Pour nous, en Moselle, compte tenu des effectifs déjà présents, il est utile, mais le piégeage n’est qu’un moyen complément­aire parmi d’autres pour tenter de juguler l’expansion de l’espèce. »

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 ??  ?? « Il arrive que la laie demeure à proximité du piège lorsqu’il emprisonne une partie de la portée. »
« Il arrive que la laie demeure à proximité du piège lorsqu’il emprisonne une partie de la portée. »
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Pour éviter de se faire piller le maïs par les oiseaux, Lionel Navarro recommande d’épandre pardessus de la paille.
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« Le gérant de l’hôtel s’est plaint à la mairie. Les sangliers effrayaien­t les clients. »
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« Les sangliers périurbain­s sont bien moins farouches avec l’homme que leurs congénères plus forestiers. »

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