Que d’eau !
La bête noire s’implante décidément partout en Moselle, même dans les zones d’étangs. Récit édifiant du jour de « fermeture ». Fermeture très partielle sur ces terres vives en gibier.
Direction Arraincourt, une commune située dans le bassin versant des 3 Nied qui représente 1 500 km de cours d’eau et couvre un quart du département de la Moselle.
Dans un grondement sourd, le moteur éructant de fumée odorante, le tracteur s’approche d’une ferme À son bord, le directeur de chasse n’est autre que celui de la Fdc de la Moselle. Arnaud Steil manoeuvre l’engin pourvu d’un godet rempli de sangliers fraîchement prélevés. Si la scène manque de poésie, elle est hautement symbolique. Les précipitations généreuses qui règnent en maître depuis le début de l’automne ont détrempé les sols de la France du Nord. Seul un tel engin est à même de se frayer un chemin pour aller récupérer les sangliers tombés « à la pelle », lors de cette journée. N’allez pas imaginer dans cette brève description l’issue d’une de ces chasses « à grands frais » abondamment pourvues de postés, de traqueurs. Bien au contraire ! C’est le cas symptomatique d’une Moselle des étangs dernièrement colonisée par le sanglier et dont les chasseurs n’ont d’autres choix que de « s’occuper ».
Impensable, et pourtant...
Malgré la pluie qui tombe dru, les âmes sont souriantes. C’est un jour de fête qui illustre l’une des nombreuses particularités du département. En Moselle, comme en Alsace, la fermeture générale de la chasse du grand gibier en battue a lieu le 1er février. À compter de demain, le tir du chevreuil comme celui du cerf seront interdits. Seul le sanglier – chassé toute l’année – pourra faire l’objet de prélèvements. Il faudra même s’y atteler, bon gré, mal gré. Les chaspiscicole.
seurs du département y sont même fortement encouragés par le dernier schéma départemental de gestion cynégétique (2014). Malgré tout, ce jour est à part dans la culture des chasseurs qui, à notre question, pronostiquent une dizaine de sangliers prélevés durant cette journée qui s’annonce. Un chiffre qui semble exagéré au regard de l’effectif réuni. Un objectif totalement impensable il y a une quinzaine d’années, époque où le sanglier était rarissime aux abords des étangs de Moselle. Et pourtant… Et pourtant, la chasse de la bête dans un environnement
Dans un tel milieu, la visibilité
ne dépasse pas 2 mètres. humide présente plusieurs défis douces. Ils sont implantés sur de taille. D’autant plus que seule un paysage agricole de grand une dizaine de fusils ceinturera parcellaire. Chaque plan d’eau l’unique grande traque de la matinée. est ceinturé par endroits par une Une demi-douzaine de traqueurs bande de roselières, elle-même armés pour autant de chiens quadrillera une succession d’étangs bordés de ronces et de roselières. Pour regrouper ce petit effectif, pas moins de deux équipes de chasse issues de deux communes différentes se sont réunies pour l’occasion. C’est le principe de la battue « en gestion concertée ». Une initiative qui est désormais plébiscitée dans le département. Dans ces contrées, la culture des chiens bien gorgés n’a pas lieu. Traditionnellement portés sur des petits chiens mordants, capables de harceler une compagnie sur une courte distance, nos chasseurs laissent vagabonder autour du rond de grands chiens. Et pour cause : « Au marais, il faut des grandes pattes », sourient-ils. Le site retenu est un chapelet de quelques étangs qui s’égrainent le long d’une vallée aux pentes protégée par une bande arbustive (saule, ronce…) ou forestière. « Habituellement, les sangliers préfèrent se remiser dans les roseaux plus que dans les berges boisées, et ce même s’il pleut depuis des mois dans notre région », nous glisse Arnaud Steil. « Ils y construisent des nids surélevés ou des igloos en paille, capables de garder au sec toute une portée », poursuit notre hôte.