La traque-affût
À travers la France, trois directeurs de chasse vantent les avantages de la traque-affût. Découvrons son organisation précise. Et, pourquoi pas, appliquons-la sur nos territoires !
Le gibier évolue, nous aussi
« Les coulées de déplacement habituel des animaux ne sont pas forcément celles empruntées lors des traques-affût et encore moins lors de battue », précise Jonathan. Avec le temps, c’est le retour d’expérience des postés qui fera foi. C’est l’une des fonctions du chef d’équipe que de récolter les précieux retours des postés et ainsi réajuster l’emplacement des postes lors des prochaines journées.
« Le territoire évolue, la pression de chasse évolue, donc le comportement des animaux évolue également. »
Des traques réparties
« Nous procédons avec 4 ou 5 rabats animés par 1 ou 2 tra
queurs épaulés de leurs chiens : épagneul de Munster, drahthaar, labrador… », explique Jonathan Fischbach.
Chacun sillonne un secteur qui lui est propre pour des raisons sécuritaires.
Fin de traque : l’heure fait foi
« Nous ne fonctionnons pas avec les trompes. Tout le monde n’entend pas compte tenu de l’éloignement des postes. Nous utilisons des montres ou des téléphones. On synchronise les horloges, et à 13 h tout le monde arrête. »
Moins de balles, mieux de balles
Moins de balles tirées, c’est plus de sécurité, et moins de nuisances sonores.
Avec un ratio situé entre 1,5 et 3 balles tirées pour chaque animal prélevé, la traque-affût permet des tirs plus précis, mais également moins de blessés, et donc plus d’éthique.
Jusqu’à 100 postés !
Ce procédé de chasse s’adapte à tous les effectifs. Certains placent jusqu’à 100 postés.
« Chez nous, les postes sont au sol. Le placement en mirador, affût ou battue, n’a rien à voir avec le procédé de chasse, il est juste induit par la nature du relief. Notre territoire est accidenté, donc nous n’avons pas besoin de mirador de battue ou autre », précise Jonathan.
Faire vite, et bien
Selon Jonathan Fischbach, le gibier a de la mémoire. On n’imagine pas l’effet dévastateur que peut avoir un mauvais timing dans la mise en place des postés sur le succès d’une battue.
« La traque-affût nous en a donné la preuve. La première année, la moitié du tableau était déjà faite lorsque les traqueurs débutaient. Pourquoi ? Simplement parce que nous avions déjà positionné 45 minutes avant la ligne de postés périphérique, puis 30 minutes avant, celle de la zone tampon et 15 minutes avant, celle située en coeur de traque. » Résultat : « Durant les premières chasses, le gibier tournait dans l’enceinte, comme déboussolé. Maintenant, après quatre saisons chassées ainsi, il a fini par comprendre et essaie de sortir le plus vite possible de l’enceinte. Entre le début et la fin de saison, la durée des traques diminue d’un tiers. L’essentiel des tirs est réalisé en une heure et demie. »
Prélever plus, déranger moins Durant les premières chasses, la manoeuvre était très efficace, et un animal pouvait passer devant plusieurs postés, ce qui lui laissait peu de chances. L’efficacité du prélèvement permet de réduire le nombre de jours de chasse et donc le dérangement du gibier et son accoutumance à des pratiques répétitives.
Le territoire géré par Jonathan Fischbach est chassé six fois (3 h) sur la saison pour un tableau de 151 pièces (78 cerfs, 70 sangliers, 3 chevreuils). « Quand vous chassez 15 week-ends par saison, la pression mise sur le gibier l’incite à se défendre davantage. C’est aussi pour cette raison que vous avez des fermes. » Plus on met de pression et plus le gibier devient difficile à chasser. Chez le cerf, par exemple, on parle de harde de détresse composée d’un grand nombre d’animaux, souvent difficiles à tirer et qui se concentre sur un ou deux postes. La réduction de jours de chasse ouvre de nouvelles possibilités. Une forêt domaniale périurbaine pourrait ainsi être fermée pendant une matinée une fois par an avec ce type de procédé de chasse. Les associations de chasseurs pourraient aussi se saisir du principe de chasses concertées.
2 - Rendez-vous dans l’Yonne
Avec Ludovic Fabre, qui organise des traques-affûts depuis trois saisons sur plusieurs lots (lire encadré page suivante).
Autre procédé, autre état d’esprit
Selon Ludovic Fabre, la limitation des jours de chasse influe également sur l’état d’esprit. « Avec une chasse par mois, on est plus dans l’esprit d’un jour de fête. Nos actionnaires attendent ça avec impatience. Ils sont également plus motivés au poste. » Cet état d’esprit, qui déplaira à certains, présente malgré tout quelques solides avantages : « On intéresse les propriétaires forestiers peu tournés vers la chasse. Cela nous permet d’obtenir des baisses significatives sur le montant des baux. » La réduction des jours de chasse intéresse en effet beaucoup les propriétaires des terrains publics (forêt domaniale ou communale).
Un poste à sensations
Pour un chasseur, être posté au coeur des bois dans l’enceinte de chasse, seul, procure des sensations bien éloignées de celles des chasseurs placés ventre au bois en lisière de plaine à intervalle de 40 mètres, ou le long des routes exposés aux coup de klaxon ra
geurs voire aux insultes de certains automobilistes courageux. « Mis à part la mauvaise image donnée, cette comparaison est importante. Nos postés voient beaules coup plus d’animaux. Ils ont le sentiment de faire partie intégrante de l’action de chasse. Ils ont de bons espoirs de pouvoir placer une bonne balle de la première minute à la dernière minute de traque », remarque Ludovic Fabre. La pratique de la battue, telle que nous la connaissons, se révèle de moins en moins en phase avec les aspirations des jeunes chasseurs qui parallèlement peinent à trouver des territoires.
Pour autant, « dans l’Yonne notamment, les cabanes de chasse se vident les effectifs chutent. Nous avons repris la chasse il y a trois ans. Mes partenaires sont satisfaits de ce mode de chasse. Nous sommes 20 carabines et affichons une moyenne d’âge de 30 ans. Aujourd’hui, j’ai une liste d’attente », se réjouit Ludovic.
Approche des traqueurs : la déconnexion temporaire Par principe, une traque-affût, qui poste les chasseurs de façon homogène sur l’enceinte de chasse, se doit de veiller à des conditions sécuritaires spécifiques.
Il faut miser sur le relief d’un territoire s’il le permet. À défaut, placer les postés sur des miradors hauts de 1,50 à 2,50 m.
« Nous avons 50 miradors distants globalement de 200 à 250 mètres uns des autres, sachant que les distances de tirs sont limitées, explique Ludovic Fabre. Tous les tirs sont vérifiés. Y compris ceux qui sont infructueux. Une balle audelà de la zone des 40 mètres et c’est le renvoi définitif de l’auteur. À l’approche des traqueurs, qui sont bruyants, nous avons mis en place un protocole de déconnexion temporaire du posté : il décharge son arme et se manifeste d’un geste au traqueur en attendant son passage. »
Selon Ludovic Fabre, baisser drastiquement le nombre de balles tirées est un gage de sécurité.
3 - Rendez-vous en Eure-et-Loir
Avec Christophe Launay, directeur des chasses du Domaine du Bois Landry.
1,5 balle par animal
Selon Christophe Launay, la traque-affût limite sensiblement la proportion de tirs ratés. « Sur notre territoire, la proportion tombe à 1,5 balle par animal tué. Jusqu’en 2010, nous chassions en battue. À cette époque, le nombre de prises par chasseur et par jour était de 0,3. Aujourd’hui, avec la traque-affût on est passé entre 0,7 et 0,8. »
Il part ? Non, il vient ! Christophe Launay observe que lors d’une traque-affût, bien souvent le tir se fait sur des animaux approchant alors qu’en battue c’est davantage quand ils s’éloignent. Par ailleurs, les postés sont isolés, plus concentrés, il n’y a pas l’effet de groupe d’une ligne où chacun s’observe. Le seuil de vigilance est bien plus élevé et aiguisé par la survenue plus discrète des animaux à tout moment et en toute direction.
Traque-affût et traque peignée
« Nous employons souvent la traque peignée avec des chiens d’arrêt tels des épagneuls et des broussailleurs, plus que des mordants et des courants. L’un des principes consiste à varier la stratégie de manière à ne pas habituer les animaux. Il faut ruser, il faut chasser », conclut Christophe.