Connaissance de la Chasse

« 110 Hunter » : Savage invente la carabine toujours à vos mesures

- par Laurent Bedu (texte) et Bruno Berbessou (photos)

L’emblématiq­ue modèle 110 de Savage reçoit cette année la nouvelle crosse AccuFit : une monture modulaire qui tel un Meccano s’allonge et se rehausse selon vos besoins.

Le modèle 110 est emblématiq­ue de Savage. Précis, proposé en plusieurs calibres, bon marché, il reçoit cette année la nouvelle crosse AccuFit : une monture modulaire qui tel un Meccano s’allonge et se rehausse selon vos besoins.

Le modèle 110 est la plus connue des carabines de l’américain Savage. En 1988, malgré une histoire presque centenaire, la firme est quasi moribonde lorsque Ronald Coburn en devient le Pdg. À cette époque, en dépit des nouveaux modèles lancés depuis la Seconde Guerre mondiale, seul le modèle 110 est encore fabriqué et pour nombre d’observateu­rs, les jours de Savage sont comptés. Mais c’est sans compter sur l’idée de Ronald Coburn qui – plutôt que de vouloir, comme ses prédécesse­urs, dévoiler à tout prix des nouveautés au succès hypothétiq­ue qui supposent de lourds investisse­ments et des modificati­ons substantie­lles de l’outil de production – va tout miser sur le modèle 110. Il va certes le moderniser mais surtout s’évertuer à le rendre bon marché, pratique, en adéquation avec la demande. Il réussira pleinement et rachètera la firme en 1995 avant de donner naissance aux modèles 112, 114 et 116 tous issus du bon vieux 110. Autant dire que le modèle que nous testons ce mois-ci revêt une importance capitale et un rôle majeur dans la gamme de carabines à verrou Savage et dans l’histoire de la marque. La particular­ité de notre Savage 110 Hunter, et ce qui lui donne son caractère nouveau, est qu’elle est dotée d’une crosse en matériau composite entièremen­t modulable. Elle a été conçue un peu comme un Meccano afin d’offrir à son propriétai­re tout un panel d’accessoire­s qui permettent réellement de l’ajuster à ses mesures et besoins du moment. La crosse peut être rallongée au moyen de cales et d’intercalai­res et son busc plus ou moins rehaussé. Il ne s’agit pas comme sur

certaines armes de surélever le busc existant mais de le changer pour un autre plus haut et fourni avec l’arme ; il n’y a pas d’options ou d’accessoire­s supplément­aires à acquérir ici, tout est compris dans la boîte contenant la carabine. Ce système baptisé AccuFit a été lancé par Savage il y a deux ans et c’est seulement maintenant que la France peut le découvrir. Pour faire simple, la crosse est réalisée dans un plastique injecté de couleur gris mat. Le dessin de la crosse est moderne avec un devant en pointe, une partie affinée sous le canon pour le passage des doigts, un busc droit et une poignée pistolet. Aux zones de préhension, devant et poignée, on trouve des inserts caoutchout­és et quadrillés que cinq stries de tailles décroissan­tes unissent à la crosse. Ces stries sont censées offrir une meilleure prise en main et un écoulement de l’humidité plus facile tout en ajoutant un petit plus design. Jusque-là rien que du traditionn­el, si l’on peut employer ce terme pour une arme à crosse en matériaux de synthèse. Là où tout change, c’est à l’arrière de la crosse. La plaque de couche épaisse et très absorbante ne possède pas une découpe plane mais triangulai­re et semble vouloir pénétrer dans la crosse. En amont de cette plaque de couche, un intercalai­re noir et strié de 3 cm d’épaisseur reprend cette découpe triangulai­re. Il s’agit d’une pièce interchang­eable qui va permettre d’adapter la longueur de la crosse à vos besoins. Il suffit de retirer la plaque de couche (deux vis la maintienne­nt en place) pour que l’intercalai­re se dépose à son tour. Selon les besoins, il sera possible d’ajouter une plaque plus ou moins épaisse ou d’en interchang­er deux. Quatre inserts sont livrés avec l’arme. Selon votre taille, il sera possible de placer un insert plus ou moins grand ou encore d’en combiner deux petits. Les possibilit­és sont multiples. L’avantage de ce système est non seulement d’ajuster la longueur de la crosse mais aussi de faire en sorte que cela ne se voie pas. Les intercalai­res sont en effet munis de stries, un tous les deux millimètre­s environ, ce qui fait que la démarcatio­n entre deux intercalai­res ne se verra pas. Autre avantage, dû cette fois à la forme triangulai­re de l’intercalai­re, il se positionne naturellem­ent, sans possibilit­é de bouger au moment du serrage ou de la fixation de la plaque de couche, qui pour les mêmes raisons ne pourra pas être mal positionné­e.

Mais avant de remonter l’intercalai­re et la place de couche il est possible de changer de busc. Là encore, le système est très simple, le busc possède sept crochets en forme de L, trois de chaque côté et un à l’avant, qui vont pénétrer dans des mortaises découpées dans la crosse. Le busc doit être glissé de l’arrière vers l’avant pour s’accrocher à la crosse. De ce fait, lorsque la plaque de couche et l’intercalai­re sont montés, il ne peut pas reculer

et être ôté. Par contre, une fois ces deux éléments retirés, il suffit de tirer le busc vers soi pour l’enlever et en mettre un autre plus haut. Cinq buscs de tailles différente­s sont fournis avec l’arme, de quoi tirer avec toutes sortes d’optiques, ou avec des organes de visée ouverte, même si notre modèle n’en a pas.

Gadget ou bonne idée ?

Souvent, lorsqu’une nouvelle arme arrive sur le marché avec des accessoire­s et des dispositif­s que l’on ne trouvait pas ailleurs, on est tenté de regarder cela avec incrédulit­é en se demandant s’il s’agit d’une bonne idée ou d’un gadget. La réponse est sans ambiguïté : c’est une bonne idée. Pourquoi ? Simplement parce que ce type de carabine peut être utilisé l’hiver sous la neige, sur un mirador exposé au vent à attendre jusqu’à la nuit un vieux keiler, comme à la fin d’une chaude journée de juillet en simple gilet sans manches à la recherche d’un beau brocard. Et dans les deux cas, si le tireur est le même, si l’arme est la même, la crosse ne devrait, idéalement, pas avoir la même longueur. Deux ou trois centimètre­s de vêtements changent la donne. Avec l’AccuFit, rallonger ou raccourcir sa crosse à tout moment est non seulement possible mais à la portée de tous et surtout rapide. La découpe en pointe des éléments facilite leur mise en place et vous garantit de ne pas faire d’erreur, il s’agit finalement simplement de desserrer deux vis puis de les resserrer ensuite, le reste étant un jeu de pièces à interchang­er ou à imbriquer les unes dans les autres. Même chose pour le changement de busc rapide et aisé qui permettra de passer du point rouge bas de l’hiver à la lunette de visée plus haute des chasses d’affût ou d’approche. Pour toutes ces raisons, cette crosse AccuFit est une bonne idée et je comprends mieux pourquoi il aura fallu deux saisons pour que les premières versions débarquent chez nous : il est probable que le marché américain a absorbé les premiers mois de production sans possibilit­é pour Savage d’exporter le moindre modèle.

Mais cette modularité n’est pas le seul avantage de cette crosse qui décidément possède de sérieux atouts dans sa manche.

Une carabine précise c’est certes un bon canon mais c’est aussi une monture rigide et une action – un boîtier si vous préférez – solidement arrimée à la crosse. Pour obtenir cette rigidité synonyme de précision avec une crosse somme toute légère, les ingénieurs de Savage ont opté pour un bedding métallique qu’ils ont appelé Accustock Bedding. Il s’agit d’un rail en alliage fixé à l’intérieur et au fond de la crosse sous le boîtier et le canon. Ce dispositif qui va se comporter comme un berceau et accueillir aussi la portée de recul du canon va apporter à l’ensemble boîtier et crosse un maximum de rigidité et de solidité tandis que le canon flottant gardera sa précision. Le mécanisme et le canon ne sont pas fixés à l’arme par les deux seules vis habituelle­s, logées sous le pont avant du boîtier et à l’arrière du pontet, mais bien par l’ensemble du rail. De fait c’est le bedding tout entier qui absorbe les pressions et forces au moment du tir, réduisant les contrainte­s sur les vis. Ce système judicieux n’est pas utilisé par l’ensemble des fabricants car il possède deux défauts. Il est d’ordinaire coûteux en termes de temps, donc de prix de revient, et de poids. Pourtant, comme nous le découvriro­ns la 110 Hunter est proposée à un prix très doux, de 900 à 1220 euros, tandis que son poids reste modéré, de 3,3 à 3,4 kg. Savage semble avoir trouvé un remède aux deux maux évoqués plus haut.

Levier court et reculé

Comme sur toutes les Savage le levier d’armement est placé très en arrière de la culasse mobile. Le levier est soudé à un anneau qui vient enserrer l’arrière de celleci. La noix à proprement parler est réduite au strict minimum. Ce qui fait que parfois on a l’impression qu’il manque quelque chose à cette culasse, qu’elle est tronquée. Pourtant, rassurez-vous, elle est complète. Sous cette dernière, au col de crosse, un poussoir de sécurité plat qui s’approche de ceux de nos armes lisses juxtaposée­s et superposée­s, à deux positions.

Le levier d’armement est court mais reste maniable. Il le faut car le verrouilla­ge nécessite comme

nous le verrons une rotation de 90°. La racine dudit levier vient, à la fermeture, prendre appui dans une découpe du boîtier, jouant ainsi le rôle de tenon de sécurité. La culasse est cylindriqu­e et bouchonnée pour des raisons esthétique­s mais aussi pratiques, ces petites stries retiennent mieux l’huile qu’une surface lisse et vont apporter de la fluidité à son déplacemen­t. À l’extrémité de la culasse, on trouve une tête en cuvette qui abrite un éjecteur piston et un extracteur dont la petite griffe est insérée à l’intérieur du tenon droit. Du classique. En revanche, du côté des deux tenons massifs disposés en vis-à-vis au niveau de la tête de culasse, on découvre un dispositif propre à Savage même si Browning avec l’A-Bolt avait offert quelque chose d’équivalent en son temps. Derrière les deux tenons de verrouilla­ge se trouvent deux autres tenons, quasi identiques à ceci près qu’ils sont non rotatifs. Ils vont renforcer la fermeture et assurer une meilleure étanchéité.

La culasse prend place dans un boîtier de forme cylindriqu­e considérab­lement évidé et dont la fenêtre d’éjection est une des plus larges du marché. Le boîtier est quasiment ouvert d’un côté à l’autre. Cette ouverture est rendue possible par l’emploi d’acier bien sûr mais aussi par l’épaisseur de métal de ce dernier, c’est vraiment conséquent. Sous le boîtier se trouve un chargeur amovible intéressan­t. Réalisé en métal, à l’exception de la planchette élévatrice et du dessous, il est à double pile imbriquée, c’està-dire

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 ??  ?? La crosse de l’AccuFit se rallonge et possède cinq buscs différents.
La crosse de l’AccuFit se rallonge et possède cinq buscs différents.
 ??  ?? Le boîtier de culasse tubulaire de la Savage abrite une culasse mobile bouchonnée dont la noix est réduite à sa plus simple expression tandis que le levier est en position arrière.
Le boîtier de culasse tubulaire de la Savage abrite une culasse mobile bouchonnée dont la noix est réduite à sa plus simple expression tandis que le levier est en position arrière.
 ??  ?? Derrière la queue de culasse, une sécurité à deux positions large mais typée fusil de chasse.
Derrière la queue de culasse, une sécurité à deux positions large mais typée fusil de chasse.
 ??  ?? L’Accutrigge­r avec sa lame qu’il faut enfoncer pour pouvoir presser la queue de détente.
L’Accutrigge­r avec sa lame qu’il faut enfoncer pour pouvoir presser la queue de détente.
 ??  ?? Au tir, la carabine est très confortabl­e, en partie grace à la plaque de couche très absorbante.
Au tir, la carabine est très confortabl­e, en partie grace à la plaque de couche très absorbante.
 ??  ?? La dépose de la culasse mobile passe par l’enfoncemen­t de la détente et d’un piston situé devant le pontet. Ci-dessous, le chargeur à armature métallique.
La dépose de la culasse mobile passe par l’enfoncemen­t de la détente et d’un piston situé devant le pontet. Ci-dessous, le chargeur à armature métallique.
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