Quels animaux dans la cité ?
Coyote, kangourou, ours, léopard et… sanglier. À travers tous les continents, désormais les grands centres urbains reçoivent la visite d’animaux. Explication d’un phénomène mondial émergent avec Nicolas Gilsoul, architecte.
Nombre d’animaux sont attirés par les « richesses » de nos villes. Certaines espèces ont même muté pour mieux s’adapter à leur nouvel environnement. Nicolas Gilsoul, architecte, a eu maintes fois l’occasion de le constater en parcourant le monde, de Chicago à Canberra en passant par São Paulo. Sa passion pour la vie sauvage l’a amené à mieux comprendre les interactions qui lient la faune sauvage et les mégalopoles. Invité de France Inter, l’architecte naturaliste a livré ses réflexions sur ces interactions nouvelles entre l’urbain et le sauvage.
Climat délétère
Les villes toujours plus vastes peuvent conduire à ceinturer de grandes zones naturelles, emprisonnant les animaux. C’est ainsi qu’une quarantaine de léopards sont recensés dans le parc naturel Sanjay Gandhi, désormais situé dans Mumbai (Inde). Les léopards, comme les mangoustes, sortent régulièrement pour aller en périphérie
de la forêt, dans les zones de bidonville et parfois en ville. Mais « ils étaient là avant que la ville ne les enferme », rappelle Nicolas Gilsoul (lire encadré p. 45). Des animaux encore plus dangereux pour l’homme investissent les villes. C’est notamment le cas à São Paulo (Brésil) où une espèce de scorpion, l’une des plus dangereuses au monde, se développe et occasionne 140 000 piqûres par an. Des favelas aux tours de 50 étages, leur présence concerne toutes les couches de la population. Le réchauffement climatique en serait la cause, associé à une très mauvaise gestion des ordures qui favorise leur développement. « La vraie solution serait de miser sur des prédateurs naturels comme le toucan ou certains singes qui ont appris à les tenir pour les manger, mais ce sont des espèces incompatibles dans une ville qui compte très peu d’espaces verts », explique Nicolas Gilsoul. Le dérèglement climatique concerne également d’autres espèces, comme les ours polaires qui descendent de plus en plus vers les centres urbains pour chercher une nourriture plus facile d’accès. En Russie, ils sont capturés et renvoyés en Sibérie. En Suède, une loi interdisant d’abattre une ourse accompagnée de son petit a même modifié leur éthologie. Les mères suitées, qui restaient naguère six mois en zone périurbaine, prolongent leur séjour jusqu’à un an et demi. Elles préservent ainsi davantage leur progéniture des attaques des mâles.
À Canberra (Australie), l’intrusion croissante des kangourous n’est pas sans heurts : environ 200 collisions avec voiture par an. L’arrivée des grands marsupiaux est de nouveau en partie expliquée par le climat. En période de forte sécheresse, les villes deviennent très appétentes avec d’abondantes pelouses arrosées (jardins, terrains de sport, hippodromes…). En dehors des villes, la concurrence avec les cheptels de bétail sur la consommation d’herbe fait rage, alors ils optent de plus en plus pour la ville. Selon Nicolas Gilsoul, les espèces s’adaptent très vite à la ville, dont elles ont décrypté les codes. Ainsi, le hérisson sort de plus en plus tard pour éviter les risques du trafic routier. Et si l’adaptation animale est comportementale, elle peut aussi être physiologique. Aux Pays-Bas, l’escargot a sa carapace qui blanchit pour se protéger des chaleurs urbaines. Certaines souris ont vu leur métabolisme se modifier pour mieux résister à l’ingestion