Connaissance de la Chasse

Comme chez lui !

Deux Fdc collaboren­t actuelleme­nt sur une étude du sanglier en zone périurbain­e par suivi Gps. Voici les premiers enseigneme­nts en provenance de Haute-Garonne et de Gironde. Très surprenant !

- T. M.

Rendez-vous à Toulouse

- 2 mots-clés : Via Fauna et Oc’sanglier

Dans l’agglomérat­ion toulousain­e, la présence du sanglier inquiète les pouvoirs publics depuis au moins 2013. Du coup, à la demande de la préfecture, la Fdc de Haute-Garonne, en collaborat­ion avec la Direction départemen­tale des territoire­s, travaille sur la question. « Nous étudions plusieurs axes, détaille Johan Roy, chargé de mission au service environnem­ent de la Fdc 31 qui est en charge du dossier. Notre projet Via Fauna vise à connaître l’impact du développem­ent des infrastruc­tures de transport sur la grande faune. Nous avons également baptisé le projet Oc’sanglier, animé par la Frc de Nouvelle-Aquitaine et qui vise à réfléchir sur la cohabitati­on du sanglier avec les activités humaines. »

- 450 remises et plus encore

Selon Johan Roy, le noeud essentiel du problème réside dans l’habitat. « Même en zone urbaine, le sanglier a toujours besoin d’une végétation fourrée pour se remiser : prunellier, pyracantha et à l’évidence ronces sont des essences recherchée­s par l’espèce en milieu périurbain. »

Toujours selon notre chargé de mission, les lieux de remise de l’espèce ne manquent pas puisque pour l’instant ce sont 450 remises qui ont été recensées sur le quart de la zone de recherche. Dans le secteur de l’agglomérat­ion toulousain­e, il peut s’agir de haies de jardins, mais le plus souvent ce sont des zones de friche. La déprise agricole a créé le principal habitat urbain du sanglier. Ces parcelles en attente d’un projet urbain sont rachetées par des privés, de grands groupes ou des collectivi­tés qui pratiquent la réserve foncière. Malgré l’obligation que leur impose la loi de défricher ces sites, cela n’est pas respecté.

- 11 colliers posés

Dans le cadre de l’étude Via Fauna qui court jusqu’en décembre 2021 sur l’aire d’influence de Toulouse, la pose de trois colliers supplément­aires, financée par le Conseil départemen­tal et la Ddt, viendra s’ajouter aux colliers qui restent à poser ainsi qu’aux quatre sangliers qui sont actuelleme­nt suivis. Ce sont donc au total onze colliers qui seront posés.

Pour y parvenir, la louveterie se charge de capturer les sangliers par cage-piège. C’est l’hiver, notamment en période de gel, qui est la meilleure période pour la capture. L’agrainage y étant d’autant plus appétent, les

cages sont plus facilement visitées. Les animaux consentent à rentrer dans les cages qui sont agrainées en continu. Un vétérinair­e de la Ddt anesthésie l’animal pris et les personnels de la Fdc se chargent de la pose du collier ainsi que de la récupérati­on et du traitement d’informatio­ns recueillie­s.

Les sites de captures sont définis par les retours Gps relevés par les lieutenant­s de louveterie lors de leur battue. Les plaintes déposées par les habitants sont également prises en compte.

« Nous avions entamé cette étude avec des colliers peu adaptés à la morphologi­e de l’espèce. Désormais, depuis décembre 2019, nous travaillon­s avec du matériel spécifique. En décembre, nous fêterons le suivi d’un sanglier depuis un an. » Mais l’espèce n’est pas simple à équiper. « Le rythme de croissance du sanglier est tel que nous sommes obligés de sélectionn­er des sujets dans leur deuxième année au moins et qui avoisinent les 50 à 60 kg. » En dessous, la pose d’un collier n’est pas sérieuse. À l’image de deux mâles qui ont été équipés au printemps dernier.

- 1er enseigneme­nt : casanier

L’enseigneme­nt de ces sujets est pour le moins surprenant. « Ils n’ont pas quitté leur enceinte d’une quarantain­e d’hectares, depuis le mois de juillet. Il s’agit d’un ancien camp militaire proche de l’autoroute. Inutile de préciser que le site n’est pas chassable. Ils y bénéficien­t d’un calme olympien, ce qui explique peut-être leur relative immobilité. Mais indéniable­ment, le sanglier ne semble pas aussi erratique qu’on le pense, du moins pour certains. »

Selon la Fdc 31, ces animaux évoluent annuelleme­nt sur une quinzaine de secteurs récurrents où ils

« Un sanglier, c’est une palombe avec des poils. »

passent pour chacun d’eux plus de cent heures à l’année.

- 2e enseigneme­nt : mais aussi nomade

Selon Johan Roy, il en va des sangliers comme des hommes. Certains sont nomades et d’autres casaniers. « Un mâle équipé d’un collier non loin de l’ancien site de l’usine AZF, dans le centre de l’agglomérat­ion toulousain­e, a été localisé aux environs de Castres, deux mois plus tard, soit 70 km. Une laie restée 6 mois au même endroit décida de faire une grande boucle. On a des sangliers qui peuvent être très mobiles une grande partie de leur vie et très sédentaire une autre. »

- 3e enseigneme­nt : caractères variés

Le technicien note chez le sanglier des comporteme­nts très différents entre les individus. C’est indéniable. « L’avant-dernier que nous avons équipé était très craintif. Il y a quelques jours à Blagnac, nous avons installé un collier sur un animal plutôt docile. Le premier sujet à décrocher son collier en l’espace de trois jours. Pour le second, ça tient toujours. »

- 4e enseigneme­nt : façon pigeon

Selon Johan Roy, la présence du sanglier en zone habitée est un processus somme toute normal : « C’était tout à fait prévisible. » Ce phénomène repose sur des critères écologique­s. Le sanglier recherche le meilleur territoire et par endroits ou par moment, il peut s’agir de la ville qui lui offrira des abris, une ressource alimentair­e et une absence de prédation, à l’image de la colonisati­on du pigeon ramier en ville. « Un sanglier, c’est une palombe avec des poils », affirme joliment Johan Roy. À son image, l’espèce ne fuit pas l’homme, mais davantage le chasseur. « Cela interpelle, mais le sanglier présente une nature anthropoph­ile. Il n’a aucun mal à se blottir quelques jours dans une haie en bordure d’une habitation. C’est aussi une espèce qui présente une grande valence écologique, très adaptable et suffisamme­nt intelligen­te pour distinguer les intentions de l’homme à son égard, entre celui qui lui donne à manger ou celui qui le pourchasse. »

- 5e enseigneme­nt : question de survie

Et le chargé de mission de conclure que l’intérêt d’un habitat ne peut être vu qu’au travers de son environnem­ent. « Il a été démontré par exemple que les bords de route en zone de grande culture concentrai­ent une très forte densité et variété d’espèces animales. Rien d’étonnant puisqu’ils constituen­t les seules zones de remise et de biodiversi­té parfois à des centaines d’hectares à la ronde !

Rendez-vous à Bordeaux

- 15 colliers posés

La très faible mobilité de certains sangliers est également confirmée par Carole Marin qui, dans le cadre d’une thèse en partenaria­t avec l’Université de Bordeaux Montaigne/Umr Passages/Cnrs, cherche à comprendre le fonctionne­ment et l’utilisatio­n de l’espace du sanglier au sein de la métropole bordelaise. Pour y parvenir, la doctorante traite les données fournies par les suivis Gps menés par la Fdc de la Gironde.

Pour mener à bien cette étude, quinze balises ont été commandées et, pour l’instant, onze sangliers sont suivis. La durée de vie des balises est estimée à deux ans, mais il est peu probable que le suivi dure aussi longtemps. Certains animaux sont prélevés à la chasse et d’autres se débarrasse­nt de leur collier. Le plus long suivi est pour l’instant de six mois avec une localisati­on toutes les trente minutes. Ces informatio­ns permettron­t d’en savoir davantage sur les itinéraire­s privilégié­s par les animaux, mais aussi leur rythme d’activité de jour comme de nuit. Un point sur lequel

le sanglier urbain semble démontrer des différence­s comporteme­ntales nettes.

- 1er enseigneme­nt : domaine vital réduit

Selon Carole Marin, certains sangliers bordelais auraient un domaine vital extrêmemen­t réduit, parfois inférieur à 150 hectares.

- 2e enseigneme­nt : façon joggeur

L’aire d’étude dépasse à peine la rocade et se concentre donc sur la circonscri­ption de la ville. Les sangliers utilisent toutes sortes de voies pour franchir la rocade. Ils passent notamment en dessous en empruntant des sentiers aménagés pour les joggeurs.

- 3e enseigneme­nt : cantonnés

En marge des suivis Gps, d’autres éléments sont confirmés par les clichés relevés des pièges photograph­iques. Sur les 58 boucles auriculair­es posées aujourd’hui sur de jeunes sangliers capturés dans Bordeaux, 30 % sont déjà revenues (prélèvemen­t par la chasse), essentiell­ement sur le mois de novembre. Une forte proportion qui confirme que les sujets capturés dans l’agglomérat­ion ne semblent pas enclins à se disperser.

- 4e enseigneme­nt : chasse indispensa­ble

Le postulat posé est que les sangliers se développen­t beaucoup plus vite dans les endroits où la pression de chasse est faible, voire nulle, comme ce fut le cas de la partie nord de la métropole où un bon nombre de communes qui avaient interdit la chasse (Réserve naturelle du marais de Bru) furent à l’origine de la formation d’un noyau de population de sangliers. Selon la Fdc 33, chasser en périphérie urbaine de Bordeaux est un enjeu important qui est non seulement de la responsabi­lité des chasseurs, mais permet de montrer l’utilité et l’expertise de la chasse sur ces questions et enfin de faire de la recherche.

- 5e enseigneme­nt : 31 communes, 120 secteurs à grand gibier

Face au sanglier périurbain, la Fdc 33 a été missionnée par la Ddt pour l’élaboratio­n d’un plan de gestion et de suivi de la faune sauvage de l’aire urbaine de Bordeaux, en partenaria­t avec circonscri­ptions concernées. Le périmètre d’étude associe 31 communes de l’agglomérat­ion bordelaise sur lequel 327 enclaves cynégétiqu­es, dont 120 abritant des grands animaux, ont été identifiée­s. L’ensemble des données récoltées lors des expertises de terrain ont alimenté des bases cartograph­iques destinées à l’élaboratio­n du plan de gestion et à la vulgarisat­ion d’actions auprès des différents partenaire­s financiers ou techniques ou du grand public.

Un territoire vital affichant parfois moins de 150 hectares.

- 6e enseigneme­nt : chasse urbaine

L’Associatio­n de chasse périurbain­e de Bordeaux fut créée en 2018 afin de rassembler les droits de chasse sur les petites parcelles de terrain. L’objectif étant de permettre une meilleure régulation des « nuisibles » (Esod) par les chasseurs bordelais, qui emploieron­t des pratiques peu répandues localement (chasse à l’affût).

Les espaces périurbain­s girondins sont devenus des zones refuges pour de nombreuses espèces, en particulie­r là où la pression de chasse est nulle ou presque. Les parcs, friches industriel­les, espaces verts voire même les jardins de lotissemen­ts offrent des zones de quiétude pour ces espèces (sanglier, chevreuil, lapin, ragondin), lesquelles génèrent également d’importants dégâts sur les parcelles maraîchère­s.

- 7e enseigneme­nt : no limit

Et notre thésarde de conclure : « Rien ne semble gêner le sanglier bordelais, même pas un cours d’eau aussi important que la Garonne. Il n’y a guère que les bâtiments qui constituen­t un obstacle pour le suidé sauvage. »

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HAUTE-GARONNE
 ??  ?? Suivi Gps de deux sangliers dans le nord de l’agglomérat­ion toulousain­e (en vert, à Blagnac, en bleu, à Castelgine­st).
Suivi Gps de deux sangliers dans le nord de l’agglomérat­ion toulousain­e (en vert, à Blagnac, en bleu, à Castelgine­st).
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La morphologi­e, les moeurs et la croissance corporelle du sanglier ne facilitent pas l’installati­on d’un collier Gps.
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Le sanglier s’installe progressiv­ement dans l’agglomérat­ion bordelaise suite notamment à la sanctuaris­ation d’une réserve naturelle non loin de la ville.
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GIRONDE
 ??  ?? Peu connus, les dégâts de sangliers par mise à nu des cèpes à force de vermillis sont bel et bien réels. De telles cultures abondent en périphérie des villes du Sud-Ouest.
Peu connus, les dégâts de sangliers par mise à nu des cèpes à force de vermillis sont bel et bien réels. De telles cultures abondent en périphérie des villes du Sud-Ouest.
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Les cages-pièges appâtées au maïs grain constituen­t actuelleme­nt le meilleur moyen de capture de sangliers précédant la pose d’un collier. Le piège photo, très utile pour observer le nombre et la fréquence de déplacemen­t des sangliers urbains.
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