Je suis l’inverse d’une geekette. Quand on me dit tablette, je pense : chocolat. Mais ma liseuse, c’est pas pareil.
ciplinée, y a plus qu’à regarder. Certains détails continuent néanmoins de me perturber, notamment l’absence de repère concret. Sur un livre, s’il me reste une vingtaine de pages, je le vois, mon cerveau enregistre automatiquement « bientôt, le coupable ». Là, les constructeurs ont intégré un système de statistiques, mais ça ne remplace pas l’épaisseur. Autre détail : la douche accidentelle. Sur un poche, je me désole pour les 7,50 euros, sur une liseuse, je me gifle. L’appareil tolère mal l’eau, le sable, le monoï, tout ce qui envahissait d’ordinaire mon roman et lui conservait un parfum d’été. C’est pénible, je vais devoir me priver de plage. Mais le pire, c’est de devoir tromper mon libraire.
Mon libraire adoré, comment faire ?
Avant, j’entrais, je disais : « Bonjour monsieur le libraire, moi j’aime Vargas et Olivier Gay, je voudrais un polar bien écrit où on ne torture ni les femmes ni les enfants – les hommes peuvent morfler, ça ne me dérange pas. » Là mon libraire me sortait Jeffrey Cohen et j’étais contente. Maintenant, au lieu de ça, le site Kobo me recommande à moi tout personnellement le dernier Mussopancolofgrey. Franchement, je n’ai rien contre Mussopancolofgrey, parfois même je l’apprécie, mais j’ai pas non plus une tête de gondole. Aussi, afin de préserver à la fois mon confort moral, les bonnes trouvailles des professionnels et le juste progrès, j’ai réfléchi. Et je propose qu’on adopte un système de code ou de borne dans les boutiques. Ainsi mon libraire me vend à son comptoir à lui, avec ses avis précieux et sa légitime commission, le livre virtuel que j’entre dans ma liseuse. Très chouette mon idée, je trouve. Alors amis geeks, libraires et décideurs, lancez- vous : je veux conserver mon dealer du coin, sans me séparer de ma liseuse. Parce que c’est trop tard maintenant, on s’aime.
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