QUAND L’AMITIÉ FAIT UN CARTON
« L’AMIE PRODIGIEUSE », D’ELENA FERRANTE
Nous sommes quasiment 1,5 million en France à nous passionner pour cette histoire d’amitié houleuse entre Lila et Elena. Et le succès est aussi planétaire avec plus de quarante traductions, au point que l’auteure, Elena Ferrante, a été citée pour le prix Nobel de littérature, que HBO travaille sur une adaptation en trente-six épisodes, et qu’un documentaire sur la saga a été tourné en Italie. Alors, qu’est-ce qui fait l’incroyable succès de cette « Amie prodigieuse » ? Anne Assous, directrice générale des éditions Folio, nous éclaire. Le thème de l’amitié féminine est assez peu abordé en littérature. Ici, il est décrit de manière honnête et sans tabou : Elena, l’une des deux héroïnes, est la première à dire qu’elle déteste son amie, pour mieux l’admirer ensuite. Ce n’est pas un lit de roses, il y a des rancoeurs, des destins qui s’éloignent, et malgré tout une immense complicité. Comme dans la vraie vie ! L’amitié entre filles est très complexe. Qui ne s’est pas dit à propos d’une amie toxique : « Mais pourquoi je reste son amie ? » Elena Ferrante réussit à mettre des mots dessus. La relation entre Lila et Elena se construit entre soutien et jalousie. C’est sur cette ambivalence qu’elles construisent leur identité, chacune à sa manière. Elles se portent mutuellement. Même les remous entre elles créent une forme d’émulation : quand l’une voit son amie essayer de s’en sortir en faisant des études, l’autre veut s’en sortir aussi. L’amitié est encore plus belle quand elle porte un vrai désir. Chez Lila et Elena, c’est leur quête de liberté qui au fond les unit : elles veulent se débrouiller seules, sans l’aide des hommes. Et elles vont d’ailleurs le payer cher. C’est l’histoire d’une belle amitié féministe ! Le quatrième et dernier tome, « l’Enfant perdue », sortira en janvier 2018 aux éditions Gallimard.