Cosmopolitan (France)

...L’ESPRIT DE NOËL

Des cadeaux + une bûche dans la cheminée + une autre dans l’estomac = la magie du réveillon.

- Par Manon Pibouleau

CChaque année, rebelote. Tino Rossi s’égosille et les chalets imitation bois fleurissen­t en centre-ville. Les gens se baladent dans les allées en sirotant un vin chaud tandis que d’autres, plus prévenants – ou à la bourre –, piétinent dans les centres commerciau­x. Perso, pendant que mes cadeaux commandés en ligne sont en cours d’achemineme­nt jusqu’à mon canapé, je peaufine ma culture télé. Double avantage : éviter les magasins, c’est éviter d’avoir envie de tuer quelqu’un alors qu’on célèbre l’amour de son prochain. J’en profite pour découvrir des chefsd’oeuvre du petit écran : « Une aventure sous le gui», « le Bûche-àbûche »… L’esprit de Noël, c’est les passants emmitouflé­s, les vitrines peintes, le jardin du voisin décoré avec amour, le thermomètr­e en négatif, et surtout, les enfants. C’est bien pour eux qu’on suspend un vieux monsieur habillé en rouge au-dessus du vide et qu’on se pose des questions existentie­lles : Monopoly avec paiement en espèces ou sans contact ? Cheval à bascule ou drone téléguidé ? Leurs yeux brillants – la faute à un trop-plein de LED – me feraient presque oublier que ce sont les vacances les plus crevantes de l’année. Cultiver et perpétuer l’esprit de Noël n’est pas une mince affaire. Si on veut faire vivre la magie, on doit se retrousser les manches et s’échauffer avant de monter le sapin au 4e étage. Il faut aussi inspirer-expirer calmement avant de démêler les guirlandes rangées en boule dans un carton. Évidemment, qui dit esprit de Noël, dit famille. Un mélange instable de personnes radicaleme­nt différente­s, qui s’aiment très fort mais ne se supportent pas du tout. Pour apaiser les tensions, mes parents ont trouvé la solution : divorcer. Pour moi, évidemment, c’est pas simple. Réveillon avec papa, déjeuner du 25 avec maman, et les deux jours qui suivent avec les grands-parents de chaque côté. Chacun a décidé de refaire sa vie sur un terrain neutre, ce qui implique une distance de 100 km. Malgré la fatigue accumulée à force de voyager de train en train, de porte en porte, quand la fête est terminée, je me cogne un spleen pas croyable. Déjà finis, le papier cadeau froissé, les boîtes de chocolat, les illuminati­ons ? Pas tout à fait… Grâce à mon sapin, l’esprit de Noël perdure jusqu’en mars. Je balaye des épines trois fois par jour, mais je fais durer le plaisir. Benjamin, mon petit neveu, me suggère de replanter mon sapin afin de lui offrir une seconde vie. Je lui explique que j’ai déjà du mal à faire pousser du basilic sur mon balcon… mais face à sa mine déçue, je tricote un mensonge tout chaud : « Je vais l’envoyer à grand-mère, il coulera des jours heureux dans son jardin. » L’esprit de Noël, c’est aussi une quantité de petits mensonges. D’abord ceux destinés aux enfants : « Les rennes seront ravis que tu leur laisses un quignon de pain complet. » Ceux taillés sur mesure pour la famille : « Qui est sèche ? Ma dinde ? », « Mais pas du tout, maman ! » Ceux employés à l’ouverture des cadeaux : « Oh, il est beau ton dessin. C’est quoi ces traits noirs ? Les cernes de tatie ? Ah, bien… » En fait, j’appelle ça de la diplomatie. Parce qu’au fond, à Noël, il n’y a pas de magie, mais des personnes magiques qui font de leur mieux pour être bien, ensemble. Et ça, c’est cadeau.

Noël, c’est du boulot Noël, c’est de la diplomatie

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