Chéri, tu m’aimeras toujours quand je serai vieille ?

T’es là, répétant ton mantra du jour face au miroir de ta salle de bains : putain, putain, putain, putain… quand ton mec passe une tête : « Tout va bien ? » Tout dépend de l’angle par lequel on observe le problème. Vu du dessous, rien de grave. Vu du dessus par contre… Trois cheveux blancs pointent au milieu de ton tie and dye et te donnent des envies de meurtre à la pince à épiler. Ton mec ne trouve qu’une vanne en guise de réconfort : « Faut pas t’angoisser pour ça, sinon tu vas t’en faire plein, des cheveux blancs ! » Facile de rire quand chaque nouveau poil gris le rapproche de George Clooney. Toi, tu as la reine Elizabeth en ligne de mire. Ou pire : ta mère. Ton homme a aussi de belles légendes auxquelles se raccrocher : « Un cheveu blanc, c’est un cheveu qui ne tombera pas. » Quand toi, tu te contentes de : « Si tu arraches un cheveu blanc, il y en a dix qui repoussent. » Tu le sais, la question est bien plus profonde que celle que tu viens de googliser : « peut-on se débarrasser d’un cheveu blanc ? » La question, c’est celle de ta jeunesse qui se barre en teuf sans toi. Avec les réflexions qui en découlent : auras-tu le courage de combattre les injonctions (et les injections) faites aux femmes pour qu’elles ressemblent à leur fille (ou à leur chat) ? Plairas-tu toujours à Roméo quand tes joues t’arriveront au menton ? « Chérie, t’es consciente qu’au même moment, j’aurai pris cinq tours de taille et perdu 70 % de masse capillaire ? » En fait, ça ne te dérange pas d’être une vieille, avec ta petite canne, tes cheveux blancs, tes Mephisto dorées (swag) et un petit papy auquel t’accrocher. Ce que tu crains, c’est la transition, qui commence là tout de suite. Henné ? Pas henné ? Tu respires un grand coup et tu remets la décision au prochain cheveu blanc. Ta pince à épiler n’a pas bougé de ta trousse à maquillage et ton amoureux t’embrasse tendrement : « Bravo ma vieille. »