Cosmopolitan (France)

A-T-ON PLUS DE PLAISIR QUAND ON EST AMOUREUSE ?

Les sentiments sont un puissant aphrodisia­que… Mais même pour une nuit, le nirvana peut aussi être au rendez-vous. Preuve que ce n’est pas si simple.

- Par Louise Prothery. Photo Robbie Fimmano.

Les sentiments sont un puissant aphrodisia­que… Mais même pour une nuit, le nirvana peut aussi être au rendez-vous. Preuve que ce n’est pas si simple. Par Louise Prothery.

S« Si je suis amoureuse, ça démultipli­e mon orgasme », « avec mon mec, ça marche à tous les coups même après cinq ans », « ça change tout depuis qu’on s’est dit je t’aime »… À tendre le micro, comme ça, pour un sondage express entre amies, les avis sont unanimes : le sexe quand on aime, c’est souvent un cran au-dessus du coït avec un sex-friend ou le coup d’un soir. Éloïse confirme : « S’il n’y a pas un minimum de sentiments, sans aller jusqu’à l’amour fou, la promesse du mariage, ou celle de faire des enfants ensemble,

mais juste le coeur qui bat, je ne peux pas me lâcher, je peux prendre du plaisir, mais pas atteindre le nirvana. » Carla, 32 ans, approuve : « Quand je couche avec une personne que j’aime, je suis confiante, donc je me laisse aller plus facilement. Je n’ai pas peur de passer pour une hystérique parce que je crie ou que je prends une initiative coquine. En plus, mon partenaire me connaît bien, il sait exactement quoi dire ou entreprend­re pour me faire vibrer. D’ailleurs, je ne tombe amoureuse que d’hommes avec qui je m’entends bien sexuelleme­nt. Et cette entente sexuelle contribue à renforcer mes sentiments. » Mais il suffit qu’on pousse un peu plus loin la conversati­on pour découvrir que la frontière est floue. Et soudain, Carla se souvient d’un amant qu’elle n’a jamais revu et avec qui elle a passé une nuit torride. Qu’en pense l’experte ? « Même si l’orgasme n’est pas forcément meilleur qu’avec un inconnu, avec un amoureux, l’esprit et le corps se donnent d’une telle façon que le plaisir est décuplé, explique Camille Rochet, psychologu­e et thérapeute de couple. Quand on est amoureux, on projette sur l’autre une relation dans la durée. Le corps enregistre ce début d’attachemen­t, c’est un phénomène puissant car, derrière, il y a les questions de la filiation et de la transmissi­on qui se profilent inconsciem­ment. À l’inverse, si l’on sent que l’autre n’est pas dans la même dynamique que nous, on peut rapidement se bloquer. »

PLAISIR ET PLAN D’UN SOIR

Rassurons-nous, inutile d’attendre le prince charmant, parfois très long à se pointer, pour prendre son pied. Laure, 35 ans, se souvient du jour où elle a définitive­ment quitté son ex toxique, à la fois possessif et infidèle, le doublé perdant, pour vivre pleinement sa vie. De folles soirées en rencontres Tinder, elle a oublié ses trois ans de galère amoureuse dans les bras de quasi inconnus. « La durée de la relation variait d’une nuit à six mois, raconte-t-elle. J’assumais que je n’éprouvais aucun sentiment, et d’ailleurs je n’étais pas du tout prête à reconstrui­re quelque chose avec qui que ce soit. Je ne sais pas si c’est cette envie de m’éclater en toute légèreté qui me libérait complèteme­nt sexuelleme­nt ou si j’ai eu la chance de tomber sur des bons plans, mais à part une ou deux exceptions, la plupart de ces expérience­s ont rimé avec jouissance. » Aujourd’hui, Laure est à nouveau en couple et garde un souvenir ému de cette parenthèse sensuelle. Pour Minako, 31 ans, il n’y a pas eu, pour l’instant, de rencontre décisive. Celle qui donne envie de s’engager pour de bon, ou en tout cas pour quelques années. « J’ai le papillonna­ge joyeux, lâche-t-elle. Jusqu’à présent, ma vie intime, à part un mauvais souvenir, est plutôt excitante. Le sexe sans enjeu d’avenir, de vie à deux, d’appart, d’enfants et tout le tralala, permet aussi d’expériment­er sans se mettre la pression. » Qu’en pense l’experte ? « Atteindre l’orgasme dépend moins de ses sentiments que de la bonne connaissan­ce de son propre corps et de la boîte à fantasmes que l’on s’est constituée avec le temps, confie Carole Ruvira, coach et sexologue. Personne ne nous connaît mieux que nous-même. Pour cela, il faut identifier les zones qui nous procurent du plaisir, se masturber, s’autoriser à être excitée par la pensée d’une personne qui n’est pas forcément notre homme. »

PLAISIR ET PREMIER JE T’AIME

Maryam, 29 ans, a toujours « aimé les histoires compliquée­s ». Des histoires torrides mais instables, avec des hommes assez peu disposés à construire quelque chose de plus que des dîners au restaurant suivis de formidable­s parties de jambes en l’air. Aussi géniales soient-elles, ces soirées ne remplacent pas l’envie qu’avait Maryam de se poser durablemen­t sur l’épaule d’un homme attentionn­é. « Le jour où j’ai rencontré Tom, il n’était pas question de précipiter les choses, de faire l’amour juste pour marquer le début d’une relation. On a pris notre temps, et ça a tout changé. Mes sensations au lit s’en trouvent exacerbées, car il y a à côté de moi un homme à qui je peux dire “Je t’aime”, à qui je peux aussi confier comment me faire atteindre le septième ciel. Je ne peux que constater la différence entre mes histoires torrides et mon histoire avec un grand H, à laquelle je veux croire à fond. » Qu’en pense l’experte ? « Mais on peut aussi être très amoureuse et ne pas savoir lâcher prise, car c’est une notion complexe pour les femmes, rectifie Carole Ruvira. Et ça tient à peu de chose, une vision négative de son corps : j’ai des petits seins, trop de cellulite… Quand on se dénigre, on ne peut pas être totalement dans sa sexualité. Or pour jouir, il faut avant tout s’accepter telle que l’on est. Utiliser l’alcool ou toute autre substance pour se désinhiber fausse le jeu.

Le jour où on se met vraiment en couple, on a du mal à s’abandonner dans le plaisir physique. Il faut alors construire une nouvelle sexualité. »

PLAISIR ET COUPLE LONGUE DURÉE

On pourrait imaginer que l’engagement est synonyme de libido au top. On se connaît vraiment, le dialogue s’est installé. C’est compter sans la routine… Julia se confie : « Je ne retrouve pas avec l’homme que j’aime l’intensité sexuelle de nos débuts. J’ai pris l’habitude de me sentir très désirée, d’être à fond dans le jeu et la séduction, probableme­nt par peur que la flamme sexuelle s’éteigne et que mon partenaire me laisse tomber. Maintenant qu’il est là et bien là, c’est comme s’il n’y avait plus vraiment de défi ou de moteur. Et puis au début de notre relation j’ai été très, voire trop entreprena­nte, du coup mon chéri a pris peur, il ne s’est rapidement plus senti à la hauteur. Cela nous a éloignés. Je voulais un homme viril, qui l’était de moins en moins… par ma faute. Aujourd’hui, nous cherchons à trouver un équilibre sur le plan physique car nos sentiments sont très forts. Je n’envisage pas du tout d’aller voir ailleurs pour trouver le plaisir qui me manque. » Qu’en pense l’expert ? « L’humain a la capacité de censurer ce qu’il ressent. Entre la sensation corporelle et le cerveau, il y a un filtre qui analyse à toute vitesse, explique Philippe Arlin, psychologu­e et sexologue. En fonction de ce qu’on analyse, on s’autorise, ou pas, à ressentir du plaisir. Quand on éprouve un sentiment pour quelqu’un, on surjoue le plaisir comme pour valider ce qu’on ressent à son égard. Le rapport sexuel n’en semble que meilleur. Si cette même personne nous déçoit, si on réalise qu’on a trop investi et que ça ne se passera pas comme on l’espérait, on peut tout d’un coup ne plus arriver à jouir alors qu’il se passe exactement la même chose que la veille. À côté de cela, il y a des gens pour qui le sexe est associé à un concept égoïste où l’autre n’est là que pour nous donner du plaisir. Sauf que pour un couple qui envisage une relation dans la durée, il est difficile de séparer l’acte sexuel du sentiment amoureux. »

ET DONC…

Au final, certaines nuits peuvent rester mémorables avec un inconnu. L’amour avec l’homme de sa vie peut être ce qu’on a connu de meilleur. L’un n’empêche pas l’autre : le plaisir n’est pas « plus… » ou « moins… », il est différent.

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