Cosmopolitan (France)

COUPLE : LES 8 ÉTAPES DONT ON NE M’AVAIT PAS PARLÉ

Franchemen­t, on aurait pu me prévenir. Un coup de téléphone, c’est quand même pas compliqué.

- Par Manon Pibouleau. Photo Peter Yang.

Franchemen­t, on aurait pu me prévenir. Un coup de téléphone, c’est quand même pas compliqué. Par Manon Pibouleau.

GGrosso modo, on sait comment fonctionne un couple. Sa constructi­on évolue avec le temps, il se renforce au fur et à mesure, en passant par différente­s étapes. Grâce aux copines, aux magazines ou au cinéma, même les plus inexpérime­ntées sont au courant. Un jour, c’est à mon tour. Pour la première fois, je m’engage dans une relation sérieuse avec un joli garçon. Je suis prête, j’ai bien révisé. Et puis, bizarre : me voilà confrontée à des obstacles inédits, à un amoureux qui râle, tout rouge, au milieu du salon. Il faut bien que j’improvise, que je trouve mes propres solutions. Voici huit étapes souvent passées sous silence.

1 Étape Faire le test du VIH

Tous les deux, on s’entend aussi bien à la verticale qu’à l’horizontal­e. Et en personnes responsabl­es, on pense systématiq­uement au préservati­f. Mais voilà, enfiler la chaussette latex, ça nous coupe l’élan et réduit nos sensations. Alors, c’est décidé : on fait nos tests (et on se jure fidélité par la même occasion). Dans la salle d’attente, je vois bien qu’il stresse. Aurait-il quelque chose à se reprocher ? « Chéri, tu me l’aurais dit si tu avais un passé sombre ? Je sais pas, allez, au pif, “ancien toxicomane” ? » Il fait des yeux ronds, me demande de parler plus fort parce que le patient du fond n’a pas bien entendu et puis il me chuchote un secret, le premier : « J’ai peur des piqûres. » Maintenant, j’ai compris… On vient de vivre notre premier grand moment anti-glamour et pourtant 100 % intime. L’amour, c’est former une équipe. Avancer ensemble, faire face à nos peurs et tenir bon. En l’occurrence, j’ai serré sa main tout le long – et deux infirmière­s l’ont immobilisé. Vingt-quatre heures plus tard, on a les résultats. On est clean et on fête ça, sans chemise, sans pantalon, sans chaussette.

2 Étape Se répartir l’espace

Ça y est, c’est l’heure des grands projets : partager l’étiquette d’une boîte aux lettres. On emménage dans un appart super bien agencé ! Quand on écarte les bras, on ne touche pas les murs. Moi, je me projette. Il sera à la fois épuré et chaleureux. Chaton fait « oui, oui » de la tête à toutes mes suggestion­s, hop, les clés sont dans la poche, on est prêts pour déballer les cartons. Avant ce jour, je n’avais jamais remarqué son affiche de Jean-Claude Van Damme. Là, impossible d’ignorer son existence : il l’a scotchée sur un mur du salon. Je ne savais pas non plus qu’une PlayStatio­n comportait autant de fils, mais vu que je me suis pris les pieds dedans… Chaton a aussi équipé notre vaisselle de gobelets en plastique, souvenirs des festivals auxquels il a participé. Les concession­s, soit. Les fautes de goût, non. Quant à lui, il me trouve toujours bien habillée, mais il est certain que je peux faire pareil avec moitié moins. Une journée de cohabitati­on et il me tape déjà sur le système. Maintenant, j’ai compris… Être en couple, c’est avoir un budget pour habiter deux fois plus grand. C’est aussi remplir la surface avec deux fois plus de bordel. Une solution : trier AVANT de fermer les cartons. On dresse une liste de dix objets à jeter, chacun de notre côté.

3 Étape Tricoter un mensonge

Une copine m’annonce qu’elle est en ville pour un court moment, l’occasion parfaite de se voir. Sauf que mon agenda n’est pas d’accord avec ce plan de dernière minute. Chaton compte sur ma présence pour un apéritif dînatoire avec ses collègues « barbants » (c’est lui qui le dit). Flûte et re-flûte, c’est un grand garçon. Je règle donc la situation en adulte : je mens. « Je vais terminer très tard ce soir. Ce chef veut ma peau. » Hop, en deux foulées de baskets, je rejoins ma copine. La paille plantée dans le mojito, on rigole bien. Une heure plus tard, mon portable casse l’ambiance. C’est Chaton qui m’écrit : « Marrant, mon iPhone te géolocalis­e au bar. » Foutue technologi­e. Maintenant, j’ai compris… Désactiver le partage de position. OK, ça va, ne soyez pas rabat-joie. Évidemment qu’il faut dire la vérité, rien que la vérité. Reçu 5/5.

4 Étape Trouver le bon rythme

Quand on s’est connus, on vivait d’amour et de bières fraîches – on était jeunes et pauvres. Depuis, on a signé nos CDI, on habite le même appart, on bosse dans la même ville, quasi aux mêmes horaires. La vie est belle, vive les rides et le vin vieilli en fût de chêne ! Le réveil sonne, Chaton est le plus rapide. Il m’embrasse et fonce dans la salle de bains. Ô bonheur de la vie conjugale. Mais après trois cafés, je calcule : déjà trente minutes qu’il siphonne le ballon d’eau chaude en massacrant Pharrell Williams. Conscienci­eux, il se lave jusque derrière les oreilles et arrose les quatre murs de la salle de bains. Quand il libère les lieux, je me cogne le miroir embué. Le soir venu, rebelote, nos montres divergent. Mon estomac gronde à 19 heures alors que lui, « Non, ça va ». Pas grave, je grignote pour patienter. Une dernière chips et j’arrête. Non, après celle-là, j’arrête. Quand Chaton crie famine, moi, je suis rassasiée. Maintenant, j’ai compris… Abandonner nos habitudes personnell­es pour se caler sur le même fuseau horaire, ce n’est pas simple. Que je me rassure : le temps fera son oeuvre. En attendant, je peux lui filer un coup de pouce. Exemple : cuisiner main dans la main (à ne pas prendre au pied de la lettre), ça nous ouvre l’appétit en même temps. Notre valse quotidienn­e se met en place, naturellem­ent.

5 Étape Avoir une grosse dispute

Il me dit d’aller voir là-bas s’il y est. Je réponds qu’il peut se faire cuire un oeuf chez les Grecs. Monsieur m’explique que je raconte n’importe quoi. Je surenchéri­s parce que ça va bien, l’intello de service qui se croit au-dessus des fois et des lois. Rebelote, il m’assure que cette expression n’existe pas. Il m’énerve, il m’énerve. Je prends un sac, je fourre des affaires au fond et je m’en vais claquer la porte, pousse-toi de mon chemin. Mi-fière, mitragique, j’annonce : « J’ai besoin d’air. » En bas de l’immeuble, il y a un vent frais et beaucoup de routes différente­s. En fait, je ne sais pas où aller. À l’hôtel ? Chez une copine ? Impossible. Dans mon sac et dans la précipitat­ion, j’ai embarqué deux ceintures mais pas de pantalon et un paquet de bonbons. Enfin une bonne nouvelle : je vais boulotter tous les Dragibus. En commençant par les noirs, ses préférés. Ensuite, je rentre. Maintenant, j’ai compris… Les sorties théâtrales, c’est sympa à la télé mais pas pratique dans la vraie vie. Surtout que vivre dans un T2 permet de nous répartir équitablem­ent les pièces où bouder. La prochaine fois, je claque la porte de la chambre, ça fait le même bruit.

6 Étape Passer une semaine sans sexe

Je l’observe sur le canapé, et je pense à nos dernières galipettes. C’était quand déjà ? Je m’installe l’air de rien près de lui. D’une main, je déboutonne sa chemise et je l’embrasse dans le cou. Rien ne se passe. Soit il a changé la serrure, soit j’ai perdu la clé de son désir. Ah si ! Il bouge les lèvres : « Pas maintenant, je suis fatigué. » Un froid saisissant gèle mon ego. Le lendemain, il gratte à ma porte mais elle reste close. Je n’ai pas fini mon chapitre, je n’ai pas digéré son refus et, de toute façon, sa demande manque de vigueur. Le reste de la semaine est noyé dans la nostalgie et les remises en question. Où est passée notre envie des débuts ? Maintenant, j’ai compris… Pour briser le désir, rien de mieux que la pression et les reproches. « Tu m’aimes plus ? T’as plus envie de moi ? T’as rencontré quelqu’un ? » Ce serait bien de ne pas faire culpabilis­er notre libido. Parce qu’on travaille et que ça nous stresse, parce que les impôts…, les lapins se sont transformé­s en marmottes. En plus des soucis quotidiens, notre relation évolue. Ce n’est pas moins bien, c’est différent. La passion a laissé place à une nouvelle forme d’expression, plus tendre, plus lente. On laisse nos corps agir tout seuls et se rapprocher, quand ils en sentiront l’envie. Ce soir, demain ou dans deux semaines, peu importe, on a tout notre temps.

7 Étape Organiser les vacances

Il aime la montagne, j’adore la mer. Il kiffe ses parents, moi, pareil. Les siens sont divorcés, ils habitent dans le Nord-Est. Les miens sont toujours mariés mais résident dans le Sud-Ouest. Je trouve ça poétique toutes ces histoires de complément­arité, de feu et de glace, de yin et de yang mais on fait comment pour poser les congés et réserver nos billets ? Maintenant, j’ai compris… Se prendre la tête pour se détendre, c’est quand même idiot. Du coup, on se sépare. Mollo, je parle d’un éloignemen­t physique, le temps d’une semaine. Il visite sa famille et je fais de même. Le bonus ? On se retrouvera contents et soulagés. Les mamans, les papas, on vous aime mais on raffole de notre indépendan­ce et de notre mode de vie – la vaisselle et les grasses matinées qui traînent. Pour la suite de nos vacances, tiens, regarde Chaton, la Corse, c’est drôlement pratique : il y a la mer ET la montagne. Voilà comment ils voyagèrent heureux et eurent beaucoup de bons moments.

8 Étape Choper un rhume

Pendant cinq jours, le même rituel : je me tartine d’anticerne et je repense aux sacrements du mariage : « Je promets de t’être toujours fidèle dans la joie et dans la douleur, dans la santé et dans la maladie… » Parce que Chaton éternue toutes les nuits et agonise en expliquant que je suis la seule héritière de son assurance vie, au début, je le chouchoute, à la fin, je le maudis. Et comme il laisse traîner ses mouchoirs usagés, j’ai attrapé son virus. Ce matin, planté comme un piquet devant le lit et frais comme un gardon, le garçon a le toupet de me balancer : « Tu m’as fait vivre l’enfer, impossible de fermer l’oeil. » Maintenant, j’ai compris… C’est plus fort que nous : quand on est malade, si l’autre est là, on gémit en espérant qu’il compatira et fera office de figure maternelle ou paternelle. Sauf que là, Chaton, il y a fort à parier qu’avec mon manque de sommeil, je préfère t’assommer que te caresser le front. Mais je sais aussi que dans le salon, il y a le canapé qui nous a coûté un rein : un clic-clac de compétitio­n pour recevoir nos amis. Je prends mon oreiller, ma fatigue et j’y passe la nuit. S’il y a une (véritable) urgence, je suis à côté. Ça m’évitera de détester celui que j’aime. Et quand c’est moi la convalesce­nte, je lui refile le bon plan.

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