COUPLE : LES 8 ÉTAPES DONT ON NE M’AVAIT PAS PARLÉ
Franchement, on aurait pu me prévenir. Un coup de téléphone, c’est quand même pas compliqué.
Franchement, on aurait pu me prévenir. Un coup de téléphone, c’est quand même pas compliqué. Par Manon Pibouleau.
GGrosso modo, on sait comment fonctionne un couple. Sa construction évolue avec le temps, il se renforce au fur et à mesure, en passant par différentes étapes. Grâce aux copines, aux magazines ou au cinéma, même les plus inexpérimentées sont au courant. Un jour, c’est à mon tour. Pour la première fois, je m’engage dans une relation sérieuse avec un joli garçon. Je suis prête, j’ai bien révisé. Et puis, bizarre : me voilà confrontée à des obstacles inédits, à un amoureux qui râle, tout rouge, au milieu du salon. Il faut bien que j’improvise, que je trouve mes propres solutions. Voici huit étapes souvent passées sous silence.
1 Étape Faire le test du VIH
Tous les deux, on s’entend aussi bien à la verticale qu’à l’horizontale. Et en personnes responsables, on pense systématiquement au préservatif. Mais voilà, enfiler la chaussette latex, ça nous coupe l’élan et réduit nos sensations. Alors, c’est décidé : on fait nos tests (et on se jure fidélité par la même occasion). Dans la salle d’attente, je vois bien qu’il stresse. Aurait-il quelque chose à se reprocher ? « Chéri, tu me l’aurais dit si tu avais un passé sombre ? Je sais pas, allez, au pif, “ancien toxicomane” ? » Il fait des yeux ronds, me demande de parler plus fort parce que le patient du fond n’a pas bien entendu et puis il me chuchote un secret, le premier : « J’ai peur des piqûres. » Maintenant, j’ai compris… On vient de vivre notre premier grand moment anti-glamour et pourtant 100 % intime. L’amour, c’est former une équipe. Avancer ensemble, faire face à nos peurs et tenir bon. En l’occurrence, j’ai serré sa main tout le long – et deux infirmières l’ont immobilisé. Vingt-quatre heures plus tard, on a les résultats. On est clean et on fête ça, sans chemise, sans pantalon, sans chaussette.
2 Étape Se répartir l’espace
Ça y est, c’est l’heure des grands projets : partager l’étiquette d’une boîte aux lettres. On emménage dans un appart super bien agencé ! Quand on écarte les bras, on ne touche pas les murs. Moi, je me projette. Il sera à la fois épuré et chaleureux. Chaton fait « oui, oui » de la tête à toutes mes suggestions, hop, les clés sont dans la poche, on est prêts pour déballer les cartons. Avant ce jour, je n’avais jamais remarqué son affiche de Jean-Claude Van Damme. Là, impossible d’ignorer son existence : il l’a scotchée sur un mur du salon. Je ne savais pas non plus qu’une PlayStation comportait autant de fils, mais vu que je me suis pris les pieds dedans… Chaton a aussi équipé notre vaisselle de gobelets en plastique, souvenirs des festivals auxquels il a participé. Les concessions, soit. Les fautes de goût, non. Quant à lui, il me trouve toujours bien habillée, mais il est certain que je peux faire pareil avec moitié moins. Une journée de cohabitation et il me tape déjà sur le système. Maintenant, j’ai compris… Être en couple, c’est avoir un budget pour habiter deux fois plus grand. C’est aussi remplir la surface avec deux fois plus de bordel. Une solution : trier AVANT de fermer les cartons. On dresse une liste de dix objets à jeter, chacun de notre côté.
3 Étape Tricoter un mensonge
Une copine m’annonce qu’elle est en ville pour un court moment, l’occasion parfaite de se voir. Sauf que mon agenda n’est pas d’accord avec ce plan de dernière minute. Chaton compte sur ma présence pour un apéritif dînatoire avec ses collègues « barbants » (c’est lui qui le dit). Flûte et re-flûte, c’est un grand garçon. Je règle donc la situation en adulte : je mens. « Je vais terminer très tard ce soir. Ce chef veut ma peau. » Hop, en deux foulées de baskets, je rejoins ma copine. La paille plantée dans le mojito, on rigole bien. Une heure plus tard, mon portable casse l’ambiance. C’est Chaton qui m’écrit : « Marrant, mon iPhone te géolocalise au bar. » Foutue technologie. Maintenant, j’ai compris… Désactiver le partage de position. OK, ça va, ne soyez pas rabat-joie. Évidemment qu’il faut dire la vérité, rien que la vérité. Reçu 5/5.
4 Étape Trouver le bon rythme
Quand on s’est connus, on vivait d’amour et de bières fraîches – on était jeunes et pauvres. Depuis, on a signé nos CDI, on habite le même appart, on bosse dans la même ville, quasi aux mêmes horaires. La vie est belle, vive les rides et le vin vieilli en fût de chêne ! Le réveil sonne, Chaton est le plus rapide. Il m’embrasse et fonce dans la salle de bains. Ô bonheur de la vie conjugale. Mais après trois cafés, je calcule : déjà trente minutes qu’il siphonne le ballon d’eau chaude en massacrant Pharrell Williams. Consciencieux, il se lave jusque derrière les oreilles et arrose les quatre murs de la salle de bains. Quand il libère les lieux, je me cogne le miroir embué. Le soir venu, rebelote, nos montres divergent. Mon estomac gronde à 19 heures alors que lui, « Non, ça va ». Pas grave, je grignote pour patienter. Une dernière chips et j’arrête. Non, après celle-là, j’arrête. Quand Chaton crie famine, moi, je suis rassasiée. Maintenant, j’ai compris… Abandonner nos habitudes personnelles pour se caler sur le même fuseau horaire, ce n’est pas simple. Que je me rassure : le temps fera son oeuvre. En attendant, je peux lui filer un coup de pouce. Exemple : cuisiner main dans la main (à ne pas prendre au pied de la lettre), ça nous ouvre l’appétit en même temps. Notre valse quotidienne se met en place, naturellement.
5 Étape Avoir une grosse dispute
Il me dit d’aller voir là-bas s’il y est. Je réponds qu’il peut se faire cuire un oeuf chez les Grecs. Monsieur m’explique que je raconte n’importe quoi. Je surenchéris parce que ça va bien, l’intello de service qui se croit au-dessus des fois et des lois. Rebelote, il m’assure que cette expression n’existe pas. Il m’énerve, il m’énerve. Je prends un sac, je fourre des affaires au fond et je m’en vais claquer la porte, pousse-toi de mon chemin. Mi-fière, mitragique, j’annonce : « J’ai besoin d’air. » En bas de l’immeuble, il y a un vent frais et beaucoup de routes différentes. En fait, je ne sais pas où aller. À l’hôtel ? Chez une copine ? Impossible. Dans mon sac et dans la précipitation, j’ai embarqué deux ceintures mais pas de pantalon et un paquet de bonbons. Enfin une bonne nouvelle : je vais boulotter tous les Dragibus. En commençant par les noirs, ses préférés. Ensuite, je rentre. Maintenant, j’ai compris… Les sorties théâtrales, c’est sympa à la télé mais pas pratique dans la vraie vie. Surtout que vivre dans un T2 permet de nous répartir équitablement les pièces où bouder. La prochaine fois, je claque la porte de la chambre, ça fait le même bruit.
6 Étape Passer une semaine sans sexe
Je l’observe sur le canapé, et je pense à nos dernières galipettes. C’était quand déjà ? Je m’installe l’air de rien près de lui. D’une main, je déboutonne sa chemise et je l’embrasse dans le cou. Rien ne se passe. Soit il a changé la serrure, soit j’ai perdu la clé de son désir. Ah si ! Il bouge les lèvres : « Pas maintenant, je suis fatigué. » Un froid saisissant gèle mon ego. Le lendemain, il gratte à ma porte mais elle reste close. Je n’ai pas fini mon chapitre, je n’ai pas digéré son refus et, de toute façon, sa demande manque de vigueur. Le reste de la semaine est noyé dans la nostalgie et les remises en question. Où est passée notre envie des débuts ? Maintenant, j’ai compris… Pour briser le désir, rien de mieux que la pression et les reproches. « Tu m’aimes plus ? T’as plus envie de moi ? T’as rencontré quelqu’un ? » Ce serait bien de ne pas faire culpabiliser notre libido. Parce qu’on travaille et que ça nous stresse, parce que les impôts…, les lapins se sont transformés en marmottes. En plus des soucis quotidiens, notre relation évolue. Ce n’est pas moins bien, c’est différent. La passion a laissé place à une nouvelle forme d’expression, plus tendre, plus lente. On laisse nos corps agir tout seuls et se rapprocher, quand ils en sentiront l’envie. Ce soir, demain ou dans deux semaines, peu importe, on a tout notre temps.
7 Étape Organiser les vacances
Il aime la montagne, j’adore la mer. Il kiffe ses parents, moi, pareil. Les siens sont divorcés, ils habitent dans le Nord-Est. Les miens sont toujours mariés mais résident dans le Sud-Ouest. Je trouve ça poétique toutes ces histoires de complémentarité, de feu et de glace, de yin et de yang mais on fait comment pour poser les congés et réserver nos billets ? Maintenant, j’ai compris… Se prendre la tête pour se détendre, c’est quand même idiot. Du coup, on se sépare. Mollo, je parle d’un éloignement physique, le temps d’une semaine. Il visite sa famille et je fais de même. Le bonus ? On se retrouvera contents et soulagés. Les mamans, les papas, on vous aime mais on raffole de notre indépendance et de notre mode de vie – la vaisselle et les grasses matinées qui traînent. Pour la suite de nos vacances, tiens, regarde Chaton, la Corse, c’est drôlement pratique : il y a la mer ET la montagne. Voilà comment ils voyagèrent heureux et eurent beaucoup de bons moments.
8 Étape Choper un rhume
Pendant cinq jours, le même rituel : je me tartine d’anticerne et je repense aux sacrements du mariage : « Je promets de t’être toujours fidèle dans la joie et dans la douleur, dans la santé et dans la maladie… » Parce que Chaton éternue toutes les nuits et agonise en expliquant que je suis la seule héritière de son assurance vie, au début, je le chouchoute, à la fin, je le maudis. Et comme il laisse traîner ses mouchoirs usagés, j’ai attrapé son virus. Ce matin, planté comme un piquet devant le lit et frais comme un gardon, le garçon a le toupet de me balancer : « Tu m’as fait vivre l’enfer, impossible de fermer l’oeil. » Maintenant, j’ai compris… C’est plus fort que nous : quand on est malade, si l’autre est là, on gémit en espérant qu’il compatira et fera office de figure maternelle ou paternelle. Sauf que là, Chaton, il y a fort à parier qu’avec mon manque de sommeil, je préfère t’assommer que te caresser le front. Mais je sais aussi que dans le salon, il y a le canapé qui nous a coûté un rein : un clic-clac de compétition pour recevoir nos amis. Je prends mon oreiller, ma fatigue et j’y passe la nuit. S’il y a une (véritable) urgence, je suis à côté. Ça m’évitera de détester celui que j’aime. Et quand c’est moi la convalescente, je lui refile le bon plan.