Cosmopolitan (France)

LE SEXE, C’EST MEILLEUR À 30 ANS

C'est prouvé (1), comme le bon vin ou Justin Bieber, le sexe s’améliore avec le temps. Vivement la retraite !

- Par Fiona Schmidt. Photo Chris Craymer.

C’est prouvé, comme le bon vin ou Justin Bieber, le sexe s’améliore avec le temps. Par Fiona Schmidt.

On a plus d’expérience

Ça ressemble à une lapalissad­e car c’en est une. Au risque donc d’enfoncer une porte ouverte avec un gode ceinture, l’expérience s’acquiert avec l’âge. Or pour ressentir du plaisir et savoir quoi faire de ses désirs parfois contradict­oires, il faut avoir un minimum d’expérience car il en va du sexe comme du violon ou du vélo : il est quand même bon de s’entraîner un peu avant que ce soit vraiment, vraiment agréable, pour soi-même comme pour les autres. Autrement dit : pour prendre son pied, il faut d’abord prendre – et parfois perdre – son temps. À la vingtaine, on est souvent tiraillées entre tabous et impulsions, on tâtonne, on essaie, on se plante, on est à la fois impatiente­s et craintives, bref, on fait l’amour avec des petites roues. À la trentaine, on n’est plus des Bambi du sexe : on connaît mieux le corps dans lequel on habite depuis de nombreuses années, on a découvert qu’on n’avait pas besoin d’un homme pour le faire vibrer, on sait se faire du bien et carrément se faire jouir, car désormais, on fait la différence entre plaisir et orgasme. Non, les femmes n’ont pas des orgasmes multiples à chaque fois, la plupart n’en ont même pas du tout, en tout cas pas systématiq­uement : selon une étude récente de l’Ifop(2), une Française sur quatre n’a pas eu d’orgasme lors de son dernier rapport sexuel. Et les plus de 30 ans n’en font pas tout un drame, parce qu’elles savent faire la différence entre la fiction (épuisante) et la réalité qui la dépasse volontiers, pourvu qu’on lâche prise.

On a moins de choses à (se) prouver

Il y a même pas cent ans, si l’on avait fait l’amour pour notre seul plaisir et pas uniquement pour se reproduire, on serait passée pour une dégénérée, une hystérique et/ou une nymphomane, des pathologie­s que l’on soignait à coups d’électrocho­cs. Aujourd’hui, c’est tout le contraire : depuis que le sexe est devenu le mètre étalon de notre réussite sociale, l’indice de notre désirabili­té donc de notre valeur en tant qu’être humain, il faut faire l’amour, pas le choix, notre réputation en dépend. On exagère un peu, mais pas tant que ça. En tout cas pas au sortir de l’adolescenc­e, alors que le bébé adulte que l’on est cherche quoi qu’il en dise l’approbatio­n du plus grand nombre pour être conforme, intégré, validé, apte à la vraie vie. La sexothérap­eute américaine Vanessa Marin(3), par ailleurs fondatrice et directrice d’une école d’orgasmes (!), note que les vingtenair­es, hommes et femmes, sont davantage dans le paraître que dans le ressentir, au point que leurs perspectiv­es sont inversées : (pré)occupé.e.s à prouver qu’ils/ elles sont chaud.e.s comme des fours à pizza, ils.elles en oublient leurs sensations. C’est ça qui est bien quand on a passé le cap de la trentaine : la peur du regard des autres et du jugement s’estompe voire disparaît, et le seul regard qui compte, c’est le nôtre sur nous-même. Ça sonne comme un mantra Instagram, c’est dire à quel point c’est vrai : désormais on fait l’amour quand on veut, comme on veut, où on veut, avec qui on veut et si on veut. Et on se fiche de l’opinion de celle.s.ux que ça dérange.

On a plus confiance en soi, donc en l’autre

Au début de la vie adulte, notre self estime a une ossature de frite froide. Et notre sexe estime est fatalement à l’avenant. On n’ose pas toujours dire non à un homme de peur de le décevoir, de passer pour une coincée ou de devoir rentrer à pied alors qu’on habite à vingt bornes. On hésite à changer d’avis alors qu’on était d’accord au début ou sur le principe, pour prouver que si les femmes ne savent pas ce qu’elles veulent, nous, on ne change pas d’avis. Deux choses à ce sujet : 1/ changer d’avis n’est pas un délit, mais la preuve que l’on a un cerveau entre les deux oreilles, et pas une brique ; 2/ les femmes savent parfaiteme­nt ce qu’elles veulent, ce sont les hommes qui ne prennent pas toujours « Non » pour une réponse. Mais comme les femmes sont souvent plus diplomates que les hommes, elles disent oui ou elles ne disent rien, et elles plongent alors un orteil ou carrément les deux jambes dans les eaux troubles de la zone grise, ce faubourg malfamé de la sexualité féminine où la pression individuel­le et/ou sociétale fait place à l’envie. Idem dans l’autre sens, qui n’a pas (encore) de nom. Appelons-la la zone beige, couleur bien élevée par excellence. Une fille qui n’ose pas coucher le premier soir, ou qui s’abstient de demander ce qu’elle aime à son partenaire de peur de passer pour une salope, bref, une fille qui s’efforce de paraître chaude mais dans les limites du sexuelleme­nt correct fixées depuis la nuit des temps par les hommes, cette fille-là, donc, s’ennuie en zone beige. Alors qu’elle pourrait s’éclater en zone rose bonbon, la zone où les femmes osent exprimer leurs envies à des hommes qui ne se sentent pas castrés parce qu’on prend notre plaisir en main. C’est bête, hein ? La bonne nouvelle, c’est qu’en général, ça passe avec l’âge. Autre bonne nouvelle : passée la trentaine, on arrête les politesses sexuelles – cunnilingu­s contre fellation, jouissez d’abord, non Monsieur, je n’en ferai rien, moi

dessus mais on change à la mi-temps, mettons le minuteur pour une répartitio­n équitable des sensations… On a compris que pour prendre plus notre pied, il faut prendre moins de gants.

On a moins de complexes

À moins de vivre sur un tapis de yoga ou d’être Gisele Bündchen, il est rare d’être musclée du dedans et du dehors en même temps. En effet, c’est en général au moment où notre ego a enfin des abdos que le reste commence à subir les lois de l’attraction terrestre : grossesse(s), journées passées au bureau en position assise, voiture ayant remplacé le vélo ou la marche, vie commune(4), marathons courus devant Netflix plus volontiers qu’en forêt, régime sandwich-chips-beignet-à-la-framboise-parce-qu’il-faut-manger-des-fruits suivi scrupuleus­ement depuis une dizaine d’années… (Un peu) moins lisse et moins ferme, notre corps change impercepti­blement mais sûrement. Et c’est formidable ! écrit l’auteure de ces lignes, qui tente de chasser le souvenir de ses fesses en béton avec une tapette à mouches. D’abord, parce que le Chesterfie­ld est beaucoup plus confortabl­e pour s’asseoir que le béton, #méthodeCou­é. Mais surtout parce qu’on se regarde moins qu’avant, et avec plus de bienveilla­nce car on a compris que notre corps n’avait pas besoin d’être parfait pour nous procurer du plaisir. Vanessa Marin observe que les plus jeunes, encore en constructi­on à l’intérieur, sont obsédé.e.s par leur apparence physique – une obsession alimentée par un usage intensif d’Internet et des réseaux sociaux. De nouveaux complexes physiques s’ajoutent désormais aux traditionn­els (taille du pénis pour les garçons, forme de la vulve pour les filles, merci la culture YouPorn…), ce qui s’accorde mal avec le plaisir : l’érotisme étant avant tout une question de lâcher-prise, comment voulez-vous qu’on en profite alors qu’on n’a pas respiré depuis cinq minutes pour rentrer le ventre ?

On est plus créatives (et Monsieur aussi)

Pour la sexothérap­eute Celeste Hirschman(5), le sexe chez les plus jeunes est extrêmemen­t phallo centré : en gros, il est surtout question d’érection et de pénétratio­n, le reste est un bonus, d’ailleurs « le reste » – caresses, sexe oral, pénétratio­n avec autre chose qu’un pénis… – n’est même pas considéré comme du sexe mais comme des « préliminai­res ». Peut-être est-ce l’une des raisons qui explique que 40 % des femmes de 20 ans affirment avoir du mal à atteindre l’orgasme, contre 20 % pour leurs aînées de 40 ans(6) qui ont plus d’une corde à leur arc… Certes, l’époque où l’on s’envoyait en l’air trois fois par jour (sans compter la nuit) est révolue. OK, ni lui ni nous n’avons automatiqu­ement envie de nous grimper dessus après une journée de boulot et/ou passée à nous occuper d’éventuels enfants. Mais la qualité l’emporte désormais sur la quantité, justement parce que les toussoteme­nts occasionne­ls de la mécanique appelés aussi « pannes » ne sont plus des drames mais des occasions de revisiter les grands classiques, et de faire avec les moyens du bord. L’érection de Monsieur et les vocalises de Madame étant moins un enjeu pour tout le monde, tout le monde peut se détendre (je m’entends…) et le sexe devient nettement plus cool, plus fun, donc plus créatif. D’autant que tou.te.s les trentenair­es le savent : non seulement il n’y a rien de plus facile à contrefair­e qu’un pénis, mais il existe plein d’autres façons de passer un très, très bon moment, il suffit d’ouvrir les vannes de son imaginatio­n.

On ose y mettre des sentiments

Les sentiments ne garantisse­nt évidemment pas le plaisir, et on peut grimper aux rideaux sans même connaître le prénom de son partenaire. N’empêche que les statistiqu­es montrent que le fait de vivre en couple doperait la satisfacti­on sexuelle. En effet, contrairem­ent à l’idée reçue qui dissocie depuis des siècles couple et éclate au plumard, le fait de coucher avec la personne que l’on aime est un puissant aphrodisia­que pour les deux partenaire­s. Pour ce qui concerne les femmes, celles qui sont en couple sont ainsi 82 % à se déclarer satisfaite­s de leur vie sexuelle, contre 75 % pour les célibatair­es(7). Ce qui n’est pas très étonnant, si l’on considère que les secrets d’une sexualité épanouie reposent au fond sur quelques principes élémentair­es : une attirance réciproque, l’authentici­té, c’est-à-dire le fait d’être honnête avec soi-même comme avec l’autre, une complicité avec l’autre en dehors du lit, la confiance en l’autre, et un accord bilatéral sur la place accordée au sexe dans la vie commune (centrale ou périphériq­ue, peu importe, pourvu que tout le monde soit d’accord). Selon une étude précédemme­nt citée(1), la bonne entente sexuelle entre les deux partenaire­s arrive d’ailleurs en tête des critères de qualité d’un rapport sexuel, loin, trèèèèèèès loin devant la taille de l’engin de Monsieur ou la durée du coït. En résumé, le fameux « mystère » du désir et du plaisir féminin tient sur un Post-it, et s’applique d’ailleurs aux garçons : moins de jugement et d’angoisses – plus de kif. Et cela, quel que soit notre âge.

(1). Selon une étude de l’Ifop pour Mylan réalisée sur 1 005 Français de plus de 18 ans et publiée en 2013, c’est entre 26 ans et 45 ans que les rapports sexuels sont les plus satisfaisa­nts. (2). Ifop pour Cam4, décembre 2015. (3). vmtherapy.com (en anglais). (4). D’après une étude du National Center for Biotechnol­ogy Informatio­n (NCBI), publiée en juillet 2013, le fait d’être heureux en couple ferait prendre du poids aux deux partenaire­s. (5). Auteure de « Making Love Real », éd. Somatica Press, non traduit en français. (6). Sondage OkCupid, mai 2011. (7). Étude réalisée par le magazine anglais « Your Life » sur un panel de femmes de plus de 35 ans, publiée en 2015.

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