Cosmopolitan (France)

SI C’EST PAS DE L’AMOUR, ÇA

PAS BESOIN DE S’OFFRIR DES FLEURS, DES BAGOUZES OU UN VOYAGE À VENISE POUR SE RAPPELER QUE L’ON S’AIME. LE QUOTIDIEN S’EN CHARGE À NOTRE PLACE ET À MOINDRE COÛT.

- Par Manon Pibouleau. Photo Alexa Miller.

Pas besoin de s’offrir des fleurs, des bagouzes ou un voyage à Venise pour se rappeler que l’on s’aime. Le quotidien s’en charge à notre place et à moindre coût. Par Manon Pibouleau.

On se sacrifie l’un pour l’autre

Quand le frigo contient trop de légumes et pas assez de gras, on commande de la junk food et on lance Netflix en déballant nos victuaille­s. Bichon soulève le chapeau de son hamburger pour accueillir mes deux cornichons. Ce n’est pas tant qu’il en raffole, c’est surtout qu’il sait que je n’aime pas ça. La semaine prochaine, c’est pizza, il me refilera toutes ses olives. Donnant, donnant.

Le silence ne nous dérange pas

Souvent, les couples qui ne se parlent pas, ça fait mauvais genre. Un vilain préjugé comme quoi on ne s’intéresse plus l’un à l’autre, voire que l’on s’ennuie… En fait, il faut être très intimes pour apprécier une présence sans échanger un mot. Par exemple, le matin, on n’a pas envie de se faire de longs discours. On se laisse émerger doucement et on se souhaite une bonne journée du bout des lèvres. Quand je bouquine, concentrée, il ne me dérange pas. Quand il fait des sudokus, pareil, je respecte. Entre nous, pas de superflu, que de l’essentiel.

On partage un lit en toute saison

Pourtant on ne fonctionne pas pareil : Bichon me tient chaud l’été et je lui donne froid l’hiver. La bouillotte qui dort à mes côtés, je l’aime de novembre à mars. Le reste du temps, il m’encombre. Lui, c’est l’inverse. En hiver, il se crispe au contact de mes pieds gelés dans son dos. Mais il y a des météos que nous apprécions tous les deux, dans le lit. Quand la pluie tape sur les carreaux, je sais exactement à quoi il pense, parce que c’est ce que je me dis aussi : « On est quand même mieux ici. » Ensuite, on ferme les yeux, on divague et on fait un dernier plongeon dans le sommeil.

Si le monde l’attaque, je contre-attaque

Collègues, amis, parents, comprenez une chose : il n’y a que moi qui ai l’autorisati­on de me plaindre de lui, de lui trouver des défauts, de m’agacer de son comporteme­nt. Personne, absolu-

ment personne, n’a intérêt à dire que « Là, il a été un peu con » ou « À ta place, jamais je n’aurais laissé passer ça ». J’apprécie les conseils, les remarques beaucoup moins.

On prend soin de notre humeur

Parfois, je lui tricote un mensonge de rien du tout, histoire de nous assurer une soirée bercée de tranquilli­té. Quand il me demande : « Je suis quand même mieux que Luc (son copain pompier), pas vrai ? », je réponds : « Bien évidemment que t’es mieux. Si tu voulais, tu pourrais avoir les mêmes biscotos, t’as juste refusé de te soumettre aux diktats de la virilité basique. Et cet esprit contestata­ire, c’est super excitant. »

On s’encourage dans nos nouvelles lubies

Depuis hier, je suis passionnée par le krav-maga. Bichon sait pertinemme­nt que si on me crie dessus pour m’ordonner de transpirer plus vite, ça me bloque et je tire la tronche. Pourtant, il ne casse jamais mon enthousias­me à coup de : « C’est foutu d’avance, dans ton CV il y a un trou d’activité physique de dix ans. » Il préfère me répondre : « Rien ne t’empêche de tenter. » Pareil quand, après avoir maté « Mr. Robot », il décide que ses connaissan­ces en informatiq­ue sont suffisante­s pour craquer un logiciel. Affectueus­ement, je pose une main sur son épaule et je le laisse massacrer son ordinateur tranquille. S’aimer, c’est se soutenir – en tout cas, ne jamais se descendre.

On se fait grandir l’un l’autre

J’éteins la lumière derrière lui quand il oublie. Il rebouche le dentifrice quand je zappe. Je lui dis que c’est plus court en passant à droite. Il me rappelle que « parallèlem­ent », ça prend un « r », deux « l », puis un seul. Au lieu de s’engueuler, on se complète : nos petits défauts sont rafistolés par nos immenses qualités.

On est solidaires dans l’adversité

Il y a un mois, on a accepté un dîner chez des amis. Sauf que le jour J, on est lessivés. Avec dix heures de sommeil et un moral au zénith, on les aime bien. Mais ce soir, on n’a pas envie d’écouter la version longue de leur voyage à Pékin. Avant de sonner à l’interphone, Bichon m’annonce la couleur : « Deux heures, pas plus. » J’acquiesce et ajoute : « On n’a qu’à leur dire qu’on va au concert de Jay-Z et Beyoncé demain, et qu’on doit se coucher tôt. » Top là, partenaire.

On est deux fois plus efficaces

Quand, à la caisse du supermarch­é, je me tape la tête avec la paume de la main « Merde, on a oublié le dentifrice », je sens un léger courant d’air. C’est Bichon qui tape un sprint jusqu’au rayon hygiène. Évidemment, les clients rouspètent derrière leurs chariots. Il faut dire qu’avant d’atteindre le bon rayon, il s’est perdu aux surgelés et il a fait un crochet par les boissons. En revenant, il tend le produit vers le ciel comme le porteur de la flamme olympique. Si la foule ne l’acclame pas pour la performanc­e, moi j’applaudis son abnégation.

On met en commun notre mémoire

Et ça nous facilite la vie ! On s’évite les majoration­s – « Oublie pas qu’il faut payer les impôts aujourd’hui dernier carat » –, on s’épargne les crises diplomatiq­ues – « Souviens-toi que c’est l’anniversai­re de ta soeur » –, on se tient au courant des actualités – « Ne lui demande pas comment va Mathieu. Ils se sont séparés la semaine dernière ». Quand on dit que l’amour donne des ailes, c’est vrai. Ensemble, on survole tous les obstacles.

On se serre les coudes virtuellem­ent

S’il poste le lien d’un article, je partage aussi sec. Si je change ma photo de profil, il like. Et surtout, il ne se vexe pas quand je le coupe de la photo. C’est vrai quoi, je suis vachement bien – c’est pas tous les jours –, et il gâche un peu le paysage avec son short à carreaux. Mais quand il veut un nouveau portrait pour ses réseaux, il fait appel à mes services. Parce qu’il sait que mon âme d’artiste trouvera l’angle idéal (plus deux ou trois filtres) pour le montrer sous son meilleur jour.

On met l’autre en valeur

Quand il n’est pas là, et même s’il m’a tapé sur le système, je le présente sous ses plus beaux atours – si je suis avec un champion c’est que je suis moi-même une championne, on peut donc parler de ricochet gagnant. Je reste mesurée dans les compliment­s pour gagner en crédibilit­é : « Bichon ? Oh, une catastroph­e en chant. En revanche, à la guitare, il tient une note pendant trois minutes. Son cousin, c’est un Gipsy Kings, alors forcément… » Lui aussi, je sais qu’il me présente bien – il a intérêt.

On ne se pique jamais la vedette

Je connais toutes ses anecdotes. Lui, pareil. On pourrait court-circuiter la chute, mais on se retient. On voit bien que le public est tenu en haleine, alors, même si ça nous titille, on ne se bouscule pas pour briller sous les feux des projecteur­s. Chacun son tour !

J’adore l’entendre chanter

Quand il se douche, il arrose le carrelage au point d’y faire pousser du gazon et il met de la buée partout sur le miroir. Ça m’agace ? Oui, un peu. Pourtant, quand je l’entends s’égosiller sur Lady Gaga, ça me touche. D’abord les tympans, parce que s’il est conseiller financier et pas pop star, c’est pour une bonne raison. Mais surtout parce que chanter comme ça, à tue-tête, ça prouve qu’il est heureux. Heureux avec moi, c’est encore mieux.

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