KHEIRON
Avec « Mauvaises Herbes », son deuxième film très réussi, l’acteur, réalisateur, humoriste, sème les graines de la résilience.
OEIL pétillant, barbe bien taillée, il vous accueille, tout sourire, dans son bureau du 10e arrondissement, à Paris. Kheiron, 35 ans, est une force de la nature. En 2015, il sortait son premier film, « Nous trois ou rien », dans lequel il racontait l’incroyable épopée de ses parents iraniens pour rallier la France, un joli succès en salles. « Quand tu es humoriste, des producteurs t’appellent pour te proposer d’écrire un scénario. Moi, à l’époque, je n’en avais rien à battre du cinéma. J’avais vu trente films dans ma vie. » En un an, en total autodidacte, il apprend donc les bases du métier : écriture, réalisation, direction d’acteurs, montage. Et se pique au jeu. « Depuis, je vais voir quatre films par semaine. Et je suis devenu très exigeant sur mon travail. Je veux que mon nom soit synonyme de qualité. » Voilà pourquoi, en trois mois, il a écrit le script de « Mauvaises Herbes », qu’il a ensuite réalisé et qui se révèle, à l’écran, être un bijou de comédie citoyenne, drôle et poignante. Le pitch ? « On connaît tous des mauvaises herbes. Soit on les arrache, et c’est ce que fait plutôt cette société. Soit on leur met des tuteurs et elles deviennent de jeunes pousses. » Kheiron serait-il devenu jardinier ? Disons plutôt qu’il s’est servi de ses souvenirs d’ancien éducateur pour inventer une histoire originale et mettre en scène des adolescents en difficulté, un petit orphelin de la guerre du Liban devenu voleur à la tire en France et une bonne soeur iconoclaste… jouée par Catherine Deneuve. Coiffée d’une perruque grise, baptisée Monique, elle a rarement été aussi négligée à l’écran… et aussi fun. « Je crois que personne ne l’avait encore montrée à ce point déglinguée, précise-t-il. J’ai été très flatté car elle a dit oui tout de suite après avoir reçu le scénario. » André Dussolier et Leïla, sa propre femme, complètent ce casting improbable qui fonctionne pourtant parfaitement. Résultat : pour Kheiron, le cinéma est devenu, après la scène, une deuxième option. « Je vais jouer mon spectacle toute ma vie. Et j’écrirai un film de temps en temps. J’ai trouvé mon axe de carrière ! », dit-il, très sûr de lui. Mais d’où lui vient une telle confiance en lui ? « De mes parents. Ils ont tout perdu, et tout reconstruit. En arrivant en France, mon père était veilleur de nuit sur un parking. Désormais, il parcourt le monde pour donner des conférences sur la médiation et les violences urbaines. Ma mère, elle, était femme de ménage. Aujourd’hui, elle décide du budget de huit villes françaises. Grâce à eux, j’ai compris que tout est possible. » Pour les bonnes comme pour les mauvaises herbes.