Cosmopolitan (France)

CÉLIB : JE ME CALME

À chaque fois que je croise un homme, je hurle « Terre ! »… Ça commence à bien faire.

- Par Manon Pibouleau. Photo Dan Saelinger.

À chaque fois que je croise un homme, je hurle : « Terre ! »… Ça commence à bien faire. Par Manon Pibouleau.

Longtemps, j’attends. Et quand j’en ai marre d’attendre, je cherche. Si je ne trouve pas, alors je m’énerve. Je deviens une boule d’énergie négative, entêtée, qui, au lieu de réfléchir, fonce droit dans le mur plutôt que de réajuster son GPS. Parce qu’en fait, je suis perdue. Au lieu de profiter du paysage, je scrute le prochain coin de rue, vérifie sous une pierre ou derrière la vitre fumée d’une voiture si, par hasard, mon bonheur conjugal ne s’y cache pas. À force de faire attention à l’amour, je me plante de chemin et je manque de me faire renverser. Je zigzague, les gens m’évitent, je rentre bredouille et fatiguée. Et si je me ménageais ?

J’arrête de chercher (partout, tout le temps)

Avant de poser une basket à un dîner, une soirée ou à la salle de sport, je me demande toujours : « Y aura-t-il un mec canon ? » Si oui, quand on me parle, je réponds parce que je suis polie mais j’ai l’esprit tout occupé à détailler le monsieur, deux mètres plus loin. Pour l’aborder, j’établis moult stratégies qui souvent, capotent après minuit. S’il n’y a pas l’ombre d’un mâle en vue, je suis déçue et je tire la tronche. D’accord, la musique est bonne, les copains sympas, mais il n’y a aucune raison de twerker, s’il n’y a personne à emballer. Donc ? Je rentre avec l’impression d’avoir passé une mauvaise soirée. STOP ! Quand quelqu’un cherche, ça se voit. En général, à cette personne qui s’agite, on propose de l’aide : « T’as regardé dans tes poches ? Et tu les avais quand pour la dernière fois tes clés ? » Là, personne n’osera m’aiguiller : « T’as essayé de kiffer ta vie toute seule ? Et c’est quand la dernière fois que tu as été heureuse ? » Ils vont constater le désespoir qui m’empêche de profiter du présent, trop occupée à imaginer l’avenir. À la place… Au lieu de penser « j’ai besoin », je préfère me dire « j’ai envie » de rencontrer quelqu’un. Une personne dans le besoin n’est pas prête, elle a un manque à combler là-dedans (tête) ou làdedans (coeur), et traquer tous les mâles de la jungle urbaine ne le soulagera pas. En fonçant droit sur l’antilope, avec mes gros sabots et en hurlant « Attends-moi ! », je la fais fuir. À l’inverse, « avoir envie » ne crée aucune urgence et n’entraîne aucun acte précipité. Ça signifie que je suis bien dans mes bask, que je sors pour mon propre plaisir tout en gardant la porte ouverte, au cas où un mec bien serait attiré par ma lumière. Bref, je vis ma vie et je suis sympa avec les copains. Ça, c’est le plus important !

J’arrête de ramasser n’importe quel mec

J’en arrive toujours au même constat : je ne tombe que sur des connards, un véritable fléau. Pourtant, quand je rencontre ce type, je trouve l’équation simple : Il est seul, moi aussi. Bingo ! On se roule des pelles, puis on roule sur son lit. Après cette nuit torride, pas de nouvelle. Ça me fait ruminer, me donne une mauvaise image de l’homme et me flingue le moral. « Est-ce que j’ai été nulle ? J’ai dit un truc de travers ? », et autres variantes d’autoflagel­lation. Le problème : mes attentes sont démesurées (serait-il l’amour de ma vie ?) par rapport à la situation (deux inconnus qui se sont rencontrés dans un bar). STOP ! Pour quelle raison je torture mon ego en pensant que je suis l’origine du problème – au lieu de réaliser que je suis moi-même la solution. Me remettre en question, oui, à condition de le faire correcteme­nt. Par exemple, je peux me demander : « Mais pourquoi je fais ça ? » Comprendre : « Pourquoi je saute sur le premier con qui passe ? » Réponse 1 : Parce qu’après trois mojitos, il avait l’air intéressan­t… Réponse 2 (on va bosser sur celle-là) : Parce que j’accepte tout. Y compris d’être mal considérée. Avec comme leitmotiv, « c’est toujours ça de pris », je me contente de miettes d’affection et je ne me reconnais pas dans cette attitude… Moi qui suis forte, drôle, intelligen­te, belle et modeste par-dessus le marché, je me brade pour un soupçon de tendresse. Cette constatati­on me ramollit l’amourpropr­e. Une nouvelle fois, je suis déçue par l’homme. Mais pire encore, je suis déçue par moi. À la place… Je plisse les yeux, j’ouvre grand les oreilles et je réalise un diagnostic objectif : est-ce qu’il me plaît vraiment ? Si ce garçon correspond au schéma qui se produit régulièrem­ent (inconnu + boîte + alcool) et me blesse, alors je passe mon chemin en lui souhaitant une « bonne soirée » parce que je ne suis pas vache ! Ça s’appelle sortir d’un cercle vicieux et en général, juste après, ça va déjà mieux.

EN FONÇANT DROIT SUR L’ANTILOPE, EN HURLANT “ATTENDSMOI”, JE LA FAIS FUIR.

J’arrête de passer des castings

Quand j’ai un rencard, c’est plus fort que moi : là-haut, ça pédale à toute allure. D’abord, je préviens le garçon que « Je cherche du sérieux, OK ? ». Ensuite, comme avec un pantalon, je l’analyse sous toutes les coutures et je l’essaye en tête à tête histoire de voir s’il m’ira bien au quotidien. Je ne le considère plus comme un homme mais comme un moyen d’atteindre mon désir : en finir avec le célibat. À la fin de l’entretien, je sais qu’il ne fume pas (bon point), mais fait la fête à l’occasion (très bon point). Boulot stable et sportif du dimanche : sur le papier, son profil semble coller à ma vie. C’est parti, il ne me reste plus qu’à tomber sous le charme au prochain rendez-vous. « J’ai une dispo mercredi prochain, jusqu’à 20 heures. Après j’ai un truc. Je te booke ? » STOP ! Un amour ne se soupèse pas, ne se mesure pas, pour vérifier s’il est assez lourd ou suffisamme­nt grand pour remplir mon coeur. Les critères me font oublier le naturel d’une rencontre (oui, même le naturel d’une rencontre Tinder). Je suis sous contrôle et cette ambiance où rien n’est laissé au hasard ne me permet pas de lui montrer qui je suis : je ne blague pas trop fort, je ne donne pas trop d’opinion parce que je veux me montrer sous mon meilleur profil. Au final, parce que je me censure, je deviens quelqu’un de tiède. Je ne peux ni lui donner envie, ni le rebuter, juste être une source d’indifféren­ce. Et moi non plus, je ne peux pas l’apprécier parce que je le limite aux conditions qu’il doit remplir. À la place… Je m’assieds sur cette chaise et je fais comme avec n’importe lequel de mes amis : je profite. Dans un monde qui va à cent à l’heure, on a encore le droit de se regarder dans les yeux, plutôt que dans l’iPhone, et de se découvrir, au-delà de nos centres d’intérêts Facebook. Arrêter d’anticiper, c’est se laisser surprendre. Ce qui entraîne des questions, un intérêt sincère et un second rendez-vous. Check !

J’arrête de maudire ma situation

Dans ma vie amoureuse, au mieux, j’ai l’impression d’être en décalage par rapport à mes copines. Au pire, j’ai la sensation d’être à la bourre. À 2 heures du mat, pendant que je frappe trois fois la tequila sur le comptoir, elles construise­nt leur vie de famille. Je suis heureuse pour elles mais j’ai de la peine pour moi. STOP ! Je dois accepter mon statut de célibatair­e et ne plus m’imposer un chrono qui résulte d’une image injectée dans nos esprits par la société : « À 30 ans si t’as pas mari, enfant, maison crépie, t’as raté ta vie, ma pauvre fille… » D’abord, de quoi je me mêle, vieux grincheux ? ! Ensuite, chacun son rythme, chacun son chemin comme dirait l’autre. Seule plutôt qu’à deux, je n’en suis pas moins intéressan­te, pas moins active. À la place… Au lieu de me tordre le cou en matant le bonheur des autres, je me regarde le nombril, et surtout, j’arrête de m’apitoyer sur mon sort. Broyer du noir, c’est idéal pour me focaliser sur le négatif en répétant « toujours pour ma pomme » et hop, replonger dans le marasme illico. Je n’imaginais pas ma vie comme ça ? Peut-être… Mais c’est moi qui me suis guidée jusqu’ici. Ce sont mes actions qui m’y ont menée. S’il y a quelque chose à modifier, je suis la seule à pouvoir le faire. Mais plus important, s’il y a des choses que j’ai réussies, je suis la seule à féliciter. Alors, on fait les comptes, là, tout de suite.

J’arrête de me poser des questions

Je cherche parce que je suis conditionn­ée à le faire. Et surtout à culpabilis­er de ne pas trouver. Tout un tas de facteurs entrent en jeu. La famille, évidemment : « Quand est-ce que tu nous ramènes un petit copain ? » Les amis, aussi : « Alors, les amours ? » Le corps médical : « Vous pensez aux enfants ? Pour le moment, ça fait tic tac. Mais un jour, ce sera boum. » Ce qui malheureus­ement m’amène à me demander : « Qu’est-ce qui déconne chez moi ? » STOP ! Sauf si je compte écrire un essai ou créer un nouveau courant de pensées pessimiste, j’arrête de me poser autant de questions. D’ailleurs, je ne me les pose pas, je me les impose. La plupart du temps, quand je suis seule, sur mon canapé. Bilan : j’ai pas bougé. À la place… Rien ne m’empêche de poser des questions qui portent sur mon existence : « Qu’est-ce que je vais manger ce soir ? » Mais hors de question de me mettre une pression supplément­aire, une charge mentale qui me dévalorise. Le monde tente de faire peser sur nos épaules – de femmes –, tout un tas de regrets et de reproches. Une mère a peur d’être mauvaise, une célibatair­e d’être seule à perpétuité, une carriérist­e d’être trop attachée à son travail. On arrête de se créer des barrières pour être enfin nous-mêmes : des passionnée­s. En amour ou ailleurs, il n’y a aucune limite à notre bonheur.

SEULE PLUTÔT QU’À DEUX, JE N’EN SUIS PAS MOINS INTÉRESSAN­TE, PAS MOINS ACTIVE.

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