MOI ET… LES SOLDES
J’adore Noël, j’aime bien Pâques et le 14-Juillet, mais ma fête nationale préférée, ce sont les soldes.
LLongtemps j’ai été dépensière, frivole, futile, je m’adonnais au shopping comme d’autres à la new romance : avec furie, constance et discrétion auprès de mes parents et de mon banquier. Maintenant plus du tout. Je ne fais plus les magasins, je fais les soldes et ça n’a rien à voir. Bien sûr, on parle toujours d’acheter des vêtements, mais à prix réduits. Or, tant que la mode naturiste n’aura pas pleinement investi mon quartier et mon bureau, des fringues, je serai toujours obligée d’en acquérir. Le faire à moindre coût relève donc d’une attitude responsable, adulte, limite green. Les soldes me donnent bonne conscience et c’est pour ça que je les aime.
Soldes été, hiver, automne, petit coup de froid, soleil, cumulonimbus
Alors évidemment, depuis que la législation s’est assouplie, des soldes j’en rencontre à peu près tous les mois, dans tous les magasins et je peux donc me donner bonne conscience plusieurs fois par trimestre, c’est agréable. Mais ce sont plutôt des démarques, des promotions, elles sont aux soldes ce que la contrefaçon est aux marques : une supercherie, un pis-aller, des réductions mal imitées, cheap. Non, la véritable bonne affaire, le vrai pourcentage qui fait vibrer, l’excitation authentique, on ne la croise qu’aux climax de la saison : les soldes d’hiver en janvier, ceux d’été en juillet.
Tenue de combat
Pour ces soldes-là, je me prépare telle Diane chasseresse affûtant ses armes. Carte bleue ? Check. Porte-monnaie pratique dans banane accessible ? Check. Pull facile à retirer sur pantalon rapide à enlever avec chaussures commodes à enfiler ? Check. Dessous assortis pour si je me retrouve à poil à essayer entre deux rayons ? Check. Tables de multiplication et règle de trois révisées pour conversion ultra rapide ? Check. Bouteille d’eau et barre de survie ? Check. Magnésie dans les paumes pour ne pas faire glisser les sacs ? Check (non, j’ai honte de rien). Il ne me reste plus qu’à me lancer dans la jungle urbaine, l’oeil à l’affût du -50 %, le fauve en moi prêt à fondre sur sa proie et saisir la marinière par surprise alors qu’elle se désaltérait paisiblement au point d’eau dans les premières lueurs de l’aube (10 heures, ouverture du magasin). Ainsi, le -50 % est une magnifique prise, en particulier lorsqu’il s’agit d’une veste que j’avais repérée au préalable en vitrine en me disant « elle est top, elle est formidable, il me la faut, mais non, ce n’est pas raisonnable, si tu veux du ketchup dans les coquillettes, tu ne peux pas te le permettre » ; ce -50 % donc, ce n’est qu’au prix d’un immense travail sur mon ego que je résiste au plaisir de le brandir en hurlant au milieu de la boutique quand « paiement accepté » s’affiche sur le terminal carte bancaire. C’est une sacrée victoire.
Higher, longer, cheaper
Mais je peux faire mieux, je le sais. Moi, ce que je veux vraiment, c’est choper le -70 %. Voir une étiquette chuter de 20 euros à 6 euros provoque une ascension inverse en adrénaline. Pour ça, je suis prête à tout : quand on paye moins cher, ce n’est pas grave que ce soit trop petit, trop grand, ou même trop moche. Car l’inconvénient du -70 %, ou dernières démarques, c’est le style. Généralement, il s’agit d’articles dont personne n’a voulu : la probabilité pour que ce soit une taille 32 tricotée dans de la laine synthétique mauve à pois verts est assez forte. Quand, au mois de février, je continue d’égrener les portants et de lire les étiquettes comme si c’était des magazines, souvent je me fais la réflexion : les marques conservent-elles dans des hangars des collections d’invendus de 1998 ou fabriquent-elles tout exprès des chemises au col décousu ? Mystère. Que je me ferai une joie d’élucider dès les prochains soldes.