Cosmopolitan (France)

SI JE LE LAISSE (VRAIMENT) FAIRE… IL SE PASSE QUOI ?

Le plus simple, pour le savoir, c’est de lui lâcher la grappe pour de bon. On commence maintenant ?

- Par Chloé Plancoulai­ne. Photo David Matheson.

Le plus simple, pour le savoir, c’est de lui lâcher la grappe pour de bon. On commence maintenant ? Par Chloé Plancoulai­ne.

V« Vraiment, je n’en peux plus que tu me parles comme une maîtresse d’école. » Cette phrase, dans la bouche de notre mec, on n’en peut plus de l’entendre. On aimerait bien changer de rôle, mais pour ça, il faudrait qu’il se montre un peu plus responsabl­e, et qu’il n’attende pas qu’on soit derrière son dos pour faire les choses. Selon lui, c’est de notre faute : « Si tu me laisses faire, je le ferai. » Oui, mais quand ? Et est-ce qu’il le fera bien ? On a testé. Lui : « On mange quoi, ce soir ? Si tu veux, je m’en occupe… »

Moi, avant : « J’avais prévu des pommes de terre au four et les steaks qu’il faut manger avant demain. » Je laisse faire… On ouvre un magazine sur le canapé alors qu’il lance fièrement : « Je vais préparer un gratin de chou-fleur ! » Tant pis pour les patates qui germent dans le frigo. « Tu peux m’aider à faire un noeud à mon tablier ? » Il nous interrompt alors qu’on cherche l’horoscope dans le sommaire. « Le chou-fleur, c’est combien de temps à la cocotte ? » Huit minutes en mode vapeur. C’était quelle page l’horoscope, déjà ? Ah oui, 84. « Et tu le coupes gros ou petit, avant de le mettre ? » Moyen. Capricorne, capricorne… « Ah, mais y a plus de crème fraîche ! » Ben, remplace par du bouillon. « Tu mets un ou deux cubes dans l’eau ? » Trois quarts d’heure et vingt questions plus tard… « Alors, il est bon, hein, mon gratin ? » On se retient de corriger (« NOTRE gratin ») : « Oui, délicieux. » Sa fierté l’encourage à remettre ça plus souvent. Et nous, on suivra le conseil de notre horoscope : « Plutôt que de ruminer, prenez les décisions qui s’imposent. » Lui apprendre l’existence de Marmiton et aller lire notre magazine tranquille dans notre chambre.

Lui : « T’inquiète, je vais l’organiser, ce week-end en amoureux. » Moi, avant : « Bon, là, à deux semaines de la date, si on ne s’y met pas, on va payer plein pot. Regarde, cet hôtel a l’air pas mal, je réserve ? Il ne reste que deux chambres dispos, je réserve. Et hop, le billet de train, comme ça, c’est fait. Sors ton agenda et note : 15 h 51, départ de la gare de Lyon. » Je laisse faire… Jusqu’à J-10, on la boucle. À J-5, on mobilise toute notre énergie pour ne pas lui glisser : « C’est bon, tu gères toujours pour le weekend ? » Le vendredi soir, pas de limousine à la sortie du bureau, on rentre à la maison… où il nous attend sagement : « Alors, on fait quoi de beau ce week-end, ma chérie ? » Deux options : chialer avant d’ouvrir rageusemen­t lastminute.com, ou tenir bon : « Eh ben, tout dépend de ce que tu nous as prévu… » Alors qu’il tente de se justifier, on l’arrête : « Ça ne

me dérange pas si on part demain matin. » Puis on sort boire un verre avec une copine et on lui laisse la soirée pour organiser. Le lendemain, dans notre quatre étoiles à Honfleur, on savoure les retrouvail­les entre le lit king size et la baignoire jacuzzi. Les bons moments passés ensemble, ça n’a pas de prix. Enfin si, la moitié de son Livret A, mais c’est son problème à lui.

Lui : « Ça fait longtemps que je n’ai pas vu mon pote Valentin. » Moi, avant :

« Appelle-le et propose-lui de passer avec Leila jeudi soir pour dîner. Alors, tu l’as appelé ? Non ? Bon, j’appelle. C’est bon, c’est calé, ils apportent le dessert ! De rien. » Je laisse faire… On lui rappelle qu’on a deux-trois trucs prévus sans lui : « Vendredi je vois Cath. » « Ah, je t’ai dit que j’ai un concert avec Thibaut mardi prochain ? » On sent que nos soirées titillent sa fibre sociale, il se plaint même de ne pas voir grand-monde ces temps-ci, mais après deux semaines, il passe le cap : « Demain, je bois un verre avec Valentin. » Enfin, la maison pour nous toute seule ! C’est ce qu’on se dit jusqu’à 23 h 30... S’endormir seule dans un lit tout froid, c’est quand même beaucoup moins sympa.

Lui : « Dimanche, on fête l’anniversai­re de ma mère. » Moi, avant :

« T’as pensé à un cadeau ? Non ? OK, je vais réfléchir… Tiens j’ai trouvé une jolie chemise aux Galeries Lafayette, ça devrait lui plaire. » Je laisse faire… Le jour J, il panique : « Merde, j’ai pas de cadeau. » Puis il décide que ce n’est pas si grave, qu’il le lui offrira plus tard. Nous, on n’arrivera pas les mains vides. On achète un joli bouquet sur la route et on le tend à bellemaman depuis le palier : « Joyeux anniversai­re ! » Elle répond, toute jouasse : « Oh, merci mes chéris. » Il ne corrige pas. Pire : il dit « De rien. » Mais il redouble de bisous dans le cou : il nous en doit une, et il le sait.

Lui : « Je vais faire le plein de courses.

» Moi, avant : « OK, je te textote la liste. » Je laisse faire… Dans la montagne de ce qu’il a acheté, il y a de l’insolite: trois énormes betteraves précuites, des blettes, un gratin de courgettes surgelé pour une personne… Et aussi des pistes pour de nouvelles recettes alléchante­s : pains à burgers, galettes à fajitas, pâtes à pizza… Il y a surtout notre démaquilla­nt, le bon modèle dans la bonne marque, et nos mousses au chocolat préférées. Son panier ne manque pas d’amour, et pour accompagne­r le rôti de ce soir ça nourrit plus encore que les pommes dauphine qu’il a zappées.

Lui : « Il faut que je fasse une lessive. » Moi, avant :

« Tu t’occupes toujours des draps, comme promis ? Parce que là, ça fait un bon gros mois qu’on nage dans le même bain d’acariens. Bon… j’en pouvais plus, j’ai lavé les draps. Tu fais le lit. » Je laisse faire… On enfile un gros pyjama en guise de bouclier et on dort quelques jours de plus dans nos draps vétérans, jusqu’à ce que… « J’ai plus de caleçons ! » C’est le déclic : il vide un premier bac de linge sale dans la machine. Puis il enchaîne : les jeans, les pulls en mode « laine », les draps, et même les chiffons qui touchaient le fond du bac à linge depuis 2012. Une fois lancé, on ne l’arrête plus. Notre appart ressemble à un étendoir géant, mais cette odeur de lessive fraîche en rentrant, huuumm. Et comme il y a du rab de draps propres, on n’aura aucun scrupule à les salir…

Lui : « Je vais refaire mon délicieux gratin. » Moi, avant :

« Si c’est pour me redemander mille trucs à la seconde, je préfère m’en occuper. » Je laisse faire… « Tu peux m’aider pour le noeud du tablier ? » Ça (re)commence mal… Après lui avoir attaché, on sort notre joker « coup de fil à une amie ». En raccrochan­t une heure plus tard, on s’étonne de ne pas avoir été interrompu­e. « Tu mets la table ? », demande-t-il en sortant un gratin parfait du four. Il prend confiance, ça nous donne une furieuse envie de lui reprendre la cuillère en bois des mains. C’est peut-être le moment de nous poser deuxtrois questions aussi sur notre fonctionne­ment. Ou de caler un nouveau week-end en amoureux, pour ne pas laisser retomber cette belle énergie.

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