T’EN PENSES QUOI DE CE TEXTO ?
QUAND IL NOUS ÉCRIT, ON SAUTE DE JOIE. ET ENSUITE, ON SE GRATTE LA TÊTE. QU’EST-CE QU’IL A VOULU DIRE, HEIN ?
Quand il nous écrit, on saute de joie. Et ensuite, on se gratte la tête. Qu’est-ce qu’il a voulu dire, hein ? Par Manon Pibouleau.
Jadis, il y avait les lettres. Celles de Victor Hugo adressées à Juliette Drouet : « Lis donc ce qui est en moi, et vois comme je t’aime », les échanges entre Simone de Beauvoir et Sartre : « Vous êtes mon horizon, mon univers, et tout ce qui m’arrive de plaisant se passe dans votre lumière ». Des relations épistolaires où l’on prenait le temps de rédiger et de se bécoter par stylos interposés. Ce qui était pratique, c’est qu’il y avait un début « Très chère », une fin « Je pense à toi », de la ponctuation, et parfois même quelques dessins dans les marges. Aujourd’hui ? Le monde s’est numérisé. On se textote, on se sextote et on se demande si c’est le garçon ou le correcteur automatique qui a décidé d’écrire « file-moi ton gode » plutôt que « ton code ». La rareté de la virgule, l’écriture en abrégé ou l’accumulation des smileys sont autant d’indices à interpréter. On lit et relit les messages qu’il nous a envoyés, pas pour les déguster mais pour les comprendre. Florilège des plus grands casse-tête du xxie siècle.
SMS : « Salut, sa va ? »
Interprétation : Évidemment que l’on est contente de recevoir un message. Le garçon a réalisé que sa vie manquait de nos nouvelles et cette constatation l’a conduit à déplier ses pouces sur l’écran tactile. On trouve cette attention sympa, certes, mais on n’était pas pressée… On lui accorde volontiers deux minutes, histoire de vérifier qu’il ne faut pas remplacer une lettre quelque part et la cédille qui va avec. Sans aucun jugement (ou alors un chouia, rien de méchant), on se demande si c’est une faute d’inattention ou s’il a bossé ses cours de français sur Twitter plutôt qu’avec le Bescherelle. Si cette faute d’orthographe provoque les mêmes frissons que lorsqu’un individu prononce « ils croivent », poussons quand même l’expérience plus loin. Parce que merde, ce serait bête de passer à côté d’un garçon super, génial, extra IRL sous prétexte que l’amour, c’est faire preuve d’intransigeance sur l’accord du conditionnel passé. Cas exceptionnel : si le correspondant s’obstine et utilise un « k » à la place du « qu », on zappe. On mérite des verbes conjugués, voire de belles métaphores et même une relecture. La mauvaise réponse : « Tu voulait
dire “ça va”, non ? » Donner une
leçon et faire soi-même une faute de conjugaison. SMS : « Tu fais quoi ? »
Interprétation : Sans préambule, ce SMS a de quoi désarçonner. Ça l’intéresse vraiment de savoir qu’on se débat avec le film transparent pour conserver un reste de blanquette ? Quelles sont ses intentions ? A priori que l’on se voit. Problème : les rendezvous proposés à la dernière minute sèment un vent de panique qui s’engouffre dans notre pyjama et remonte jusque dans nos cheveux ébouriffés. Prise au dépourvu, on sait qu’entre le moment où on se décide et le temps de préparation, on en a pour deux heures minimum. Le ton monte dans notre tête : « Non, mais il s’est pris pour qui, hein ? Il claque des doigts et j’accours ? Alors là, le doigt dans l’oeil, mon coco. » Pour réaliser un rapide diagnostic, on se tourne vers la pendule. Si le garçon nous contacte à 16 heures, on va prendre un café. S’il est minuit passé, on va prendre notre pied… On répond « occupée » ou « libre » en fonction de la relation que l’on accepte d’entretenir avec lui. La mauvaise réponse : « Une moussaka. » On applaudit l’honnêteté, une bien belle vertu. Mais comme pour tout, il ne faut pas en abuser. La bonne réponse : « Rien qui ne puisse être reporté. Une proposition à me faire ? » Ça, c’est une réponse all inclusive : elle est sympa en plein après-midi, et sexy après 19 heures.
La bonne réponse : « Salut, ça va bien et toi ? » Donner le bon exemple.
SMS : « Salut, désolé mais j’ai un imprévu boulot. On peut remettre le verre ? »
Interprétation : Le rendez-vous était booké depuis une semaine, proprement noté, surligné, entouré dans l’agenda. Et tout à coup, « un imprévu ». Il est 18 heures et on trouve